Web : la toile algerienne se développe, doucement mais surement...

Numéro dossier: 108

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C’est dur, c’est lent, c’est laborieux, mais ça avance. La toile algérienne évolue, doucement mais surement, même si ce n’est pas comme on le voudrait évidemment. Alors que la toile chez nos voisins est un axe de développement économique à part entière, générant emplois et richesses, chez nous, elle continue à être un complément, un plus, la cerise sur le gâteau. Ressources humaines difficiles à trouver, environnement non propice, coûts élevés de développement, absence de moyens de monétisation, et enfin mentalités résistantes aux changements, voila une liste non exhaustive des freins au développement de la toile algérienne en 2016.

 

Pourtant, tiré vers le haut par une jeune génération hyper connectée et hyper compétente, la toile algérienne se développe contre vents et marées, parfois de manière surprenante et forcée bien qu’elle ait son rythme à elle. Ainsi, ils sont prés de 80.000 à avoir lancé des sites internet selon les différentes statistiques, la plupart établis à l’étranger. Un chiffre qui peut paraître important, mais qui reste non seulement en deçà de ce qui se fait ailleurs et notamment chez nos voisins, mais qui surtout ne reflète pas le dynamisme de la société algérienne et son potentiel d’innovation. Manque de volonté politique, manque d’anticipation des entrepreneurs privés, désorganisation d’un secteur et enfin manque de sensibilisation. Nous tenterons de développer les tenants et les aboutissants de son évolution et ses freins.

Concepteurs de sites, où êtes-vous ?

Le problème de la ressource humaine est surement et de loin le talon d’Achille de la toile algérienne de nos jours. Codeurs, développeurs et autres concepteurs de sites internet sont rares et très demandés, alors que le secteur pullule de bricoleurs. Dans un marché aussi demandeur que le nôtre, concevoir un site internet en bonne et due forme peut vite se transformer en cauchemar.

Délais dépassés, cahier des charges non respecté, développeurs débordés et petits bricoleurs prêts à tout pour engranger un maximum de projets, tout cela freine le développement de la toile algérienne, et cela se ressent. La compétence est pourtant bien là, mais elle n’est ni organisée ni encadrée, la difficulté de créer une entreprise aidant. Au moins une dizaine de producteurs de contenus et d’entrepreneurs sur le web nous l’ont confirmé. « Les bons développeurs de sites internet disponibles sur le marché en Algérie sont rares, et la filière est tellement désorganisée que s’y retrouver est très difficile ».

Le domaine est garni de bricoleurs très peu soucieux des délais ou du respect des cahiers des charges, selon eux. Et les effets pervers d’un marché dérégulé ne s’arrêtent pas là. Conscients de l’importance de la demande sur le marché, même les bons développeurs imposent leurs lois, préférant travailler à leur compte et à leur manière. Ils peuvent ainsi disposer de leur temps et prendre plusieurs projets en parallèle, rallongeant les délais d’exécution de leurs tâches, sans parler des tarifs exorbitants qu’ils proposent en comparaison avec leurs homologues étrangers.

Du coup, la mort dans l’âme, les acteurs économiques qui désirent une présence sur la toile sont de plus en plus nombreux à aller voir ailleurs, sous d’autres cieux. Français, franco-algériens et marocains ont trouvé en Algérie un bon filon dans la conception des sites internet. La concurrence faisant rage chez eux, ils proposent leurs services chez nous où le marché est demandeur. Des milliers d’euros partent ainsi chaque année enrichir les économies des autres, créer des emplois et de la richesse, alors que le pays en a grand besoin.

Selon nos informations, de grands sites algériens font appel aux compétences étrangères pour leurs mises à jour, leurs maintenances et leurs gestions quotidiennes. Tout cela à cause de la désorganisation de la filière des « boîtes de com » en Algérie. Au lieu de s’organiser, de capitaliser sur les expériences de chacun, de gagner en compétence et expérience, et enfin de préparer l’arrivée du commerce en ligne, les acteurs locaux s’entredéchirent sur un terrain où ils sont tous perdants, face aux faibles coûts de la main-d’œuvre étrangère. Une situation bien dommageable.

Le .dz n’a pas la cote

Voilà une autre situation symptomatique des freins au développement de la toile en Algérie. Alors qu’il faut quelques secondes et deux ou trois clics pour disposer d’un nom de domaine .com par exemple, demander un nom de domaine algérien, encore en 2015, relève des 12 travaux d’Hercule (toutes proportions gardées). Car en plus de la tonne de documents à présenter à l’organisme chargé de l’extension DZ, l’obtention de ce nom de domaine est soumis à une création d’entreprise. Et ce n’est pas tout. Rien n’est faisable à distance et tout est soumis au déplacement.

Du coup, prés de 50.000 sites algériens sont hébergés à l’étranger. Un chiffre énorme pour un pays comme le nôtre. Le Cerist (organisme qui délivre l’extension algérienne) a beau essayer de sensibiliser les acteurs du Web pour rapatrier leurs sites en Algérie, la plupart ne l’ont pas fait. D’abord pour des questions d’appréhension (le .DZ a mauvaise presse) mais aussi des questions pratiques et bureaucratiques citées plus haut. On les comprend un peu. Ce sont ainsi autant d’abonnements à l’hébergement qui sortent du pays au lieu de lui profiter. Heureusement que le nombre de sites algériens est énorme !

Institutionnels, mettez vos sites à jour !

L’exception sur le net algérien est de trouver un site institutionnel mis à jour. Que ce soit ceux des ministères, des centres de recherches, des offices ou toute autre institution publique, la mise à jour des sites internet est reléguée aux calendes grecques en Algérie. Ils peuvent induire en erreur et nous faire perdre beaucoup de temps alors qu’ils sont supposés nous en faire gagner, quand ils ne sont pas tout bonnement à côté de la plaque. Pourtant, les sites internet sont la vitrine de l’Algérie institutionnelle et permettent de faciliter la vie des fonctionnaires et des citoyens.

Il ne faut pas s’étonner ensuite de voir les simples gens se déplacer par dizaines ou centaines, créant des files d’attente monstres dans les guichets pour seulement demander une information ou procéder à des choses faisables à distance. Des situations qu’on peut éviter avec de simples sites internet mis à jour. D’ailleurs, de grandes opérations comme les inscriptions aux programmes de logements AADL et LPP ou même à l’université passent désormais par le net avec les résultats positifs que l’on connaît, mais ils ne sont pas généralisés.

Le secteur privé n’est pas en reste. Lui qui cherche toujours à donner des leçons au secteur public devrait faire son mea culpa. Chercher l’adresse d’une entreprise ou d’une boutique sur le net relève de l’impossible. Ne parlons même pas d’un numéro de téléphone valide. Les produits disponibles, les prix, les arrivages ? De la science-fiction.

Mais avant, créez vos sites internet

Mais le plus drôle dans tout cela, c’est que la plupart des institutionnels (ou des privés d’ailleurs) n’ont même pas de sites internet à mettre à jour. On ne parle pas des ministères, de la présidence, ou des grands établissements étatiques et autres multinationales, mais des chambres de commerce, des APC, des services d’état civil, et toutes les institutions sensées travailler directement avec le citoyen, et dont les sites internet pourraient changer nos vies. De toutes ces actions qu’on pourrait faire de chez soi évitant les files d’attente, les déplacements, les embouteillages et tous les désagréments connexes. 

Un simple site internet peut en effet changer la donne de l’organisation. Ce fut déjà le cas avec les inscriptions aux programmes de logement AADL et LPP, ou avec l’inscription à l’université qui se fait désormais exclusivement via le net. Des exemples réussis qui malheureusement n’ont pas effet domino, peut-être par manque de connaissance ou de discernement des principaux concernés.

Internet demeure toujours une option et non pas une nécessité

Car Internet, bien que rentré dans les mœurs, demeure une option à défaut d’être une nécessité. Les acteurs économiques locaux, qu’ils soient publics ou privés, n’ont dans leur majorité toujours pas saisi l’importance d’être présents sur le net. « Ils considèrent toujours Internet comme une option en plus, un luxe », nous a expliqué un concepteur. « Ils ne comprennent toujours pas qu’Internet est un lieu commercial de plus que leur espace physique, leur siège ou leur boutique », a-t-il ajouté. Un problème de mentalité qui a la vie dure au pays du fax et documents légalisés. Car selon plusieurs témoignages, ce sont les résistances ou la peur du changement ou du renouveau qui empêchent beaucoup d’acteurs économiques de passer le cap du net. Un lieu dont ils ne maîtrisent pas encore les règles.

L’absence de paiement en ligne n’arrange rien. Car en attendant de pouvoir faire du profit sur le net, ces acteurs ne voient pas la différence entre leur présence ou pas sur le web. C’est une activité connexe et pas primordiale. Une situation qui chamboulera tout le jour où le paiement sera possible sur le net. Ne pas être connecté voudra dire faire du profit en moins. Un langage qui sera surement mieux compris par nos entrepreneurs.


De quoi dispose la toile algérienne ?

Bien qu’elle soit plus menue que celle de ses voisins, la toile algérienne tente tant bien que mal de garder la face malgré ses lacunes. En effet, à l’exception de quelques créneaux difficiles à développer faute de paiement en ligne, des sites de tout genre existent en Algérie. De l’information au streaming, en passant par l’information parodique ou les petites annonces. Mieux, certains sites algériens battent des records et sont évalués en millions de dollars alors que d’autres bénéficient d’une renommée régionale et internationale. Petit florilège du meilleur (comme du pire) du web algérien.

Les sites d’information

Contrairement à nos voisins marocains, tunisiens, ou mêmes français, il n’y en a pas beaucoup en Algérie. Les sites d’information ne font pas partie du contenu digital le plus répandu sur la toile. Pourtant, il y a un manque flagrant dans ce domaine, notamment en cette période d’actualité nationale et internationale chaud bouillante. Mais rien à faire. Que ce soit pour des problèmes d’argent ou de ressources humaines compétentes, ils ne sont qu’une dizaine plus ou moins connus à s’être lancé dans ce créneau. Seulement trois d’entre eux tirent leur épingle du jeu. On vous les présente.

TSA : c’est le pionnier de l’information en ligne en Algérie. Lorsqu’il a été lancé en 2008, tout le monde s’était alors rué sur ce journal d’un nouveau genre, qui bousculait les habitudes de consommation de l’information en Algérie. Généraliste et très bien introduit, TSA s’est ensuite fait une place grâce à ses scoops et interviews exclusives de personnalités surtout politiques. Espace de libre expression où tous les points de vue peuvent s’exprimer, il est aujourd’hui le site d’information le plus consulté en Algérie.

Algérie-focus : c’est le challenger qui évolue de manière fulgurante. Lancé à la même époque que TSA, il s’était d’abord spécialisé dans les analyses et les interviews d’experts de renommée mondiale tels Noam Chomsky ou Michel Collon. Ces derniers traitaient alors de sujets d’actualité brûlants, et apportaient leurs éclaircissements sur les changements qui bouleversent le monde de nos jours, ainsi que leurs visions sur la situation en Algérie et sa région proche. Racheté en 2012 par un entrepreneur franco-algérien, il se transforme petit à petit en pure player avant de devenir le premier pure player de la toile algérienne avec une audience moyenne de 40.000 visites uniques par jour. Son instantanéité, ses vidéos et surtout ses chroniques font régulièrement le buzz dans la blogosphère dz. Son aura dépasse aujourd’hui largement les frontières de l’Algérie.

Maghreb Emergent : c’est l’un des rares sites économiques qui subsiste sur la toile algérienne. Il est l’initiative de grands noms du journalisme en Algérie. Sa spécificité réside notamment dans ses analyses économiques approfondies et la pléiade d’experts qui y publient leurs points de vue. L’actuel Ministre de l’économie, Abderahmane Benkhalfa, y avait ses habitudes du temps où il n’occupait pas de fonction officielle.


Les versions numériques des journaux

Ils ont vu venir l’ère numérique et ont su s’y préparer. Eux, ce sont les patrons de la presse classique qui ont dés le début
lancé des versions numériques de leurs journaux papier. Ennahar, Echorouk, El Khabar ou El Bilad font aujourd’hui d’énormes audiences via le net, bien plus que leur lectorat classique sur papier. Leurs articles sont échangés des millions de fois tous les jours, faisant grimper leur notoriété et leur influence au niveau national mais aussi au niveau régional et international.

 

Quelques petits sites d’information coexistent

Aux côtés de grands noms de la presse en ligne algérienne, coexistent quelques sites d’information, moins importants en termes d’audiences. Généralistes pour la plupart, ils tentent de se faire une place parmi les mastodontes du domaine. Dépourvus des mêmes moyens que leurs confrères cités plus haut, ils reposent pour leur majorité sur des rédactions réduites, des pigistes et des occasionnels.

 

Les agrégateurs, ou le mal de la presse en ligne

Ils sont très mal vus par les professionnels de la presse en ligne, accusés à tort ou à raison de profiter du travail des autres. Et pour cause, en reprenant mots pour mots les articles de la presse en ligne, les agrégateurs de la toile algérienne marchent très forts. Leurs audiences sont incroyables et les annonceurs les courtisent comme pas possible. Des succès qui ne sont pas du goût des sites d’information classique qui trouvent tous leurs travaux, enquêtes et autres reportages et articles repris sur ces agrégateurs, bien qu’ils soient clairement cités en tant que sources. Dans ce créneau, deux sites se distinguent : Algérie360 en français et Fi Bladi en arabe.

 

Les disparus

Faute de publicité, de nombreux sites d’information en ligne ont disparu depuis l’avènement de la presse en ligne en 2008. Certains d’entre eux faisaient pourtant un travail de qualité à l’image de Dernières Nouvelle d’Algérie, mais cela ne suffit pas. En l’absence de paiement en ligne, le modèle publicitaire reste le seul moyen de subsistance des sites d’information en ligne, ce qui les fragilise grandement. Avec non seulement un marché publicitaire faible sur le net mais aussi la crainte de beaucoup d’acteurs économiques nationaux de s’afficher sur des sites taxés d’irrévérencieux, les temps sont durs pour ces derniers.

 

Les ratés

Ils avaient tout pour réussir. Un lectorat, des moyens humains et financiers et du savoir-faire. Mais ils ont raté le virage de la presse en ligne. Beaucoup de grands journaux n’ont pas su négocier le passage au net, laissant le champ libre aux nouveaux arrivés qui se sont partagés le gâteau. Sans citer de noms, il s’agit des principaux acteurs de la presse classique dont les versions numériques ne sont arrivées que très tard. Un retard qui les pénalise aujourd’hui que des sociétés de presse en ligne ont jeté l’ancre et fidélisé leurs lectorats. Leurs tentatives de se rattraper s’avèrent aujourd’hui très laborieuses.

 

Les sites parodiques ou anecdotiques

Des pages Facebook pour rire et se moquer de nos travers, il n’y a que cela. Mais des sites en bonne et due forme qui traitent de cette thématique, la toile algérienne commence à en dénombrer quelques-uns. Le plus connu aujourd’hui est le site parodique El Manchar qui a repris le nom d’un journal satirique disparu pendant les années 90. Fausses informations et parodies, El Manchar s’est fait connaître en induisant en erreur des dizaines de « professionnels » de la presse classique, nationale et internationale, qui ont repris ses fausses informations en y voyant que du feu. A l’étranger, c’est un (faux) article sur l’interdiction de la mini-jupe en Algérie qui lui a donné ses lettres de noblesses. Depuis, son fondateur, jeune pharmacien, donne des interviews aux plus grands journaux occidentaux, tels que Libération en France.

Depuis Juin dernier, un autre acteur de l’information anecdotique et humoristique a vu le jour en Algérie. Il s’agit de Hastag-Algérie. Un site qui relaye toute information algérienne qui peut prêter à sourire. De l’homme politique qui laisse échapper une insulte, à Ronaldo qui manque de la Loubia, en passant par Cheikh Chemssedine qui se moque d’un imam, tout passe par l’œil aiguisé de ses rédacteurs. Et ça marche. En seulement 6 mois, Hashtag-Algérie s’est fait une place sur la toile algérienne, repris un peu partout sur les réseaux sociaux. Le site fait en moyenne 420.000 visites chaque mois.

 

Les petites annonces

Inutile de dire que petites annonces en Algérie riment avec le nom Ouedkniss. Pionnier dans ce domaine, c’est aujourd’hui le site le plus visité en Algérie. Des millions de connexion par jour font de lui un mastodonte du net en Algérie, évalué à plusieurs millions de dollars. Il faut dire que le créneau choisi par ces concepteurs était judicieux. C’est pour cela que de nombreux autres entrepreneurs algériens s’y sont essayés tels que hanoutkoum.com. Des sites qui ont leur communauté mais qui n’ont jamais réussi à égaler le pionnier. Depuis quelques temps, les sites d’annonces spécialisées ont fait leur apparition, notamment dans le domaine de l’immobilier. C’est le cas de El Keria qui tire avec brio son épingle du jeu dans la masse de sites de même type qui voient le jour quotidiennement. L’introduction d’informations liées au domaine de l’immobilier est pour beaucoup dans son succès.

 

Les comparateurs

Plusieurs ont tenté le coup, mais un seul a réussi à s’installer. Il s’agit de Webstarauto, comparateur de prix spécialisé dans l’automobile. Fin connaisseur du marché de l’automobile en Algérie, son initiateur (informaticien de formation) a tout misé sur la technicité de son site. Un pari gagné au vu des audiences qu’attirent ce site, désormais référence des sites automobiles en Algérie. Mieux, l’expérience a tellement bien fonctionné que la même équipe a lancé récemment webstarelectro.com, un comparateur de produits électroniques et électroménagers.

 

Les sites féminins

Grand gagnant aussi de l’augmentation de la pénétration du net en Algérie, les sites féminins pullulent. Les femmes se connectent de plus en plus sur le web et les sites féminins sont ceux qui les attirent le plus. Ils s’appellent Wlad el jej pour les recettes de cuisine, Algerielle pour les astuces et conseils féminins, ou Dzeriete pour la mode. Les annonceurs ciblant les femmes se les arrachent.

 

Les agendas de sortie et de divertissement

Sortiraalger, Kherdja ou Babeddart. Le concept est vieux comme le monde mais marche toujours. Malgré la rareté des événements culturels chez nous, les sites-agendas de sorties sont légions et ont beaucoup de succès sur la toile. Au contraire, dans un pays où il peut se passer des semaines sans qu’aucun spectacle ne soit produit, être alerté par ce type de sites (ou leurs applications mobiles) est une excellente méthode pour être à la page. Une chose que les fondateurs de ces sites, pour la plupart jeunes et branchés, ont bien compris.

 

Les autres créneaux en balbutiement

Des sites de livraison d’achat en ligne avec paiement à la récupération, info-trafic ou même réseau social algérien, le net algérien continue d’innover et tous les jours, de nombreux sites sont créés. Tous les créneaux y passent, même les plus difficiles. Certains finiront par éclore et trouver leur public, d’autres subiront peut-être des échecs liés à la difficulté de la chose. Mais tous ont au moins le mérite d’essayer, tirant dans leur sillage le web algérien tous les jours un peu plus haut. peut-être des échecs liés à la difficulté de la chose. Mais tous ont au moins le mérite d’essayer, tirant dans leur sillage le web algérien tous les jours un peu plus haut.


 Entretien avec Nazim Baya, fondateur du site El Manchar

El Manchar est un site web d’information parodique qui, depuis quelques temps, a conquis la toile algérienne. Nous sommes partis à la rencontre du fondateur de ce site qui a accepté de répondre à quelques-unes de nos interrogations. 

Pouvez-vous nous présenter le concept de votre site et nous parler davantage des motivations qui vous ont animé ?

El Manchar est un site d’information parodique de type satirique. Il a été lancé en mai 2015. Une page Facebook préexistait au site, je l’ai créée en 2013. J’y publiais quotidiennement des vannes en rapport avec l’actualité. C’était pour répondre surtout à une urgence politique, celle de la réélection du président Bouteflika alors qu’il venait de faire un AVC. En témoigne la première vanne de la page : « Quelle est la différence entre le journal El Manchar et Bouteflika ? Aucune, ils sont tous les deux à scies». Après le lancement du site, d’autres personnes m’ont rejoint et nous sommes actuellement 7 ou 8 à l’alimenter plus ou moins régulièrement. Dans l’ordre, il y a moi, Thétis, Lyna Gridi, Dinozor, Anis Benallegue, Abderrahmane, Si Lakhdar et Eternel Procrastinateur. Il y en a d’autres mais ils contribuent de façon épisodique.

El Manchar connaît un grand succès. Comment expliquez-vous cette rapide adoption par la toile algérienne ?

Je pense qu’il y avait un espace inoccupé en matière de presse satirique et nous en avons profité. Après, il y a le travail parce que nous sommes très assidus. Nous publions régulièrement, nous essayons d’être à la hauteur des attentes de nos lecteurs en les surprenant à chaque article. Nous ne prenons pas au sérieux mais nous faisons les choses sérieusement.

Vous traitez beaucoup de sujets en relation avec l’actualité. Pouvez-vous nous expliquer les critères de choix d’un sujet et comment se passe le processus jusqu’à publication ?

Chaque rédacteur écrit son papier de façon autonome. Il choisit ses thèmes selon ses propres sensibilités et écrit à son rythme durant son temps libre. Ensuite, les articles sont révisés par moi qui suis le rédacteur en chef. Je me charge de les illustrer et de les mettre en ligne. C’est grâce à cette synergie qu’El Manchar s’assure des publications à une fréquence quotidienne. En réalité, le journal est une sorte de « soupape de décompression » pour les rédacteurs, ou un espace de récréation pour jeunes adultes.

Avez-vous une limite à ne pas franchir concernant les différents sujets que vous abordez ?

Oui, les limites sont définies par notre ligne éditoriale. Ne pas prendre les Algériens (le peuple) à parti sans pour autant sombrer dans le populisme. Sinon, il est maintenant connu de tous que nous ne nous moquons pas de la religion. Cela n’exclut pas que nous soyons critiques envers les extrémistes religieux. Le problème de l’Algérie n’est pas religieux, il est politique avant tout.

N’avez-vous jamais eu un retour négatif ou des problèmes en relation avec vos articles de la part des personnes concernées par exemple ?

Non, jamais. Les personnalités publiques « manchardisées » jusqu’à maintenant ne nous en ont jamais tenu rigueur. Il y en a même qui ont pris la chose avec beaucoup d’humour à l’image de Kateb Amazigh qu’on annonçait mort étouffé dans un salon de coiffure pour dames et qui a réagi publiquement à notre article avec énormément d’autodérision.

Y a-t-il déjà eu un fait publié sur votre site qui s’est répandu comme véridique ?

Il n’y a eu que ça j’ai l’impression ! Les articles qui ont été relayés comme étant de vraies informations ne se comptent pas. Il y a eu d’abord le prêt ANSEJ pour mariage qui a fait le JT d’une chaîne de télévision algérienne. Ensuite l’interdiction de la mini-jupe en Algérie, puis l’affaire de Said Saadi et j’en passe. Mais notre plus grand canular est sans conteste le mari qui attaque sa femme pour faux et usage de faux une fois démaquillée. Ce billet a été repris aux quatre coins du monde par des médias de renommée internationale à l’image du Dailymail, Metro ou le Huffpost !

Quel est l’article qui a eu le plus de succès chez les Algériens et celui qui vous a le plus marqué ?

Il y en a plusieurs en vérité. « La Cour suprême d’Alger vient d’autoriser le mariage entre tlemceniennes et le reste des Algériens » au moment où la cour américaine légalisait le mariage gay. « La FIFA remet un diplôme d’entraîneur à tous les Algériens » ou encore « Warda Charlemonti accuse Adèle l’interprète de “Hello” d’avoir copié sa chanson “Allô omri ripondi”». Sinon, l’article qui m’a le plus marqué, c’est celui de Poutine qui propose bénévolement des greffes de testicules à l’ensemble des dirigeants arabes pendant son intervention à l’assemblée générale de l’ONU.

Maintenant qu’El Manchar est fortement présent sur la Toile, quelle est la prochaine étape pour vous? Y a-t-il une possibilité d’évoluer vers un support visuel ou même d’aller vers un concept plus poussé ?

Nous voulons renforcer davantage notre présence sur le Web et pourquoi pas ne pas devenir le journal électronique le plus lu d’Algérie. Effectivement, nous ambitionnons de porter notre travail à l’écran, avec quelque chose qui ressemblerait au Groland diffusé sur Canal+. Après, cela ne dépend pas vraiment de nous. Il nous faudra des producteurs sérieux, on verra.


 Ouedkniss : un pilier du web algérien

Ouedkniss est devenu depuis quelques années une valeur sûre dans la toile algérienne. Des milliers d’Algériens transitent tous les jours dans les pages du site afin de chercher une annonce ou juste pour vérifier le prix d’un produit. Preuve de la confiance qu’accordent ces derniers à Ouedkniss. M. Dib Djamel Eddine, l’un des fondateurs du site, nous a accordé une entrevue afin de parler passé, présent et futur.

Ouedkniss ne s’est pas construit en un jour. Comment tout a commencé ? Racontez-nous votre épopée et comment avez-vous réussi là où tant d’autres ont échoué ?

Nous étions 5 jeunes amis issus de la commune de Kouba. L’ADSL faisait son entrée dans les foyers algériens, nous faisions partie de la jeunesse habituée aux cybercafés tantôt pour s’amuser à des jeux en réseau, tantôt amateurs de programmation en tout genre. L’idée est née d’un constat partagé : beaucoup commençait à utiliser Internet, notamment les messageries instantanées, pour tenter de mettre en vente divers produits.

Nous n’avions pas forcement connaissance des possibilités du marché en termes de solutions appropriées qui répondraient à cette problématique, et donc nous avons décidé d’en faire un projet commun, d’en faire 3 ans après un véritable business. Ouedkniss a connu rapidement un engouement très vivace auprès de notre entourage proche, pour ensuite attirer l’attention des médias et enfin commencer à se propager sur tout le territoire. Grâce à Dieu et aux efforts d’une équipe soudée et grandissante, Ouedkniss est aujourd’hui leader dans son domaine, et sur un plan plus général, le site algérien au plus fort trafic en Algérie.

Pensez-vous que Ouedkniss passera un jour d’un site d’annonce à un site de vente ?

La fonction primaire de Ouedkniss est d’être un accélérateur de transactions. De ce fait, il se peut bien sûr qu’il devienne plus qu’un site d’annonce dans un futur plus ou moins proche. C’est le cas de la section Voyages qui fut tout d’abord une simple catégorie référençant les offres des acteurs du marché pour se voir aujourd’hui être une plateforme de devis. Les utilisateurs de Ouedkniss peuvent venir y soumettre leurs préférences concernant leurs prochaines escapades, le tout via un formulaire simpliste rattaché à une puissante base de données d’informations sur les destinations offertes par notre partenaire TripAdvisor. Une fois le formulaire soumis, ce dernier est immédiatement transmis aux agences connectées à notre réseau qui, selon les compétences de chacune, soumettent des devis détaillés à l’internaute qui n’a plus qu’à faire un choix réfléchi. Cet exemple illustre la façon dont on réfléchit chez Ouedkniss. On s’adapte aux conditions locales pour offrir le meilleur à nos usagers.

Quelques chiffres à nous donner sur vos performances en 2015 ?

C’est encore une fois une très belle année hamdoullah. Nous avons traité plus de 2.3 millions d’annonces. Plus d’un million de transactions ont été conclues. Nous avons comptabilisé environ 130 millions de visites sur le site et plus de 2 milliards de pages ont été vues.

Que pouvez vous nous dire sur Autobip ?

Autobip est le compagnon idéal de la section Automobiles de Ouedkniss. Il apporte une base de données complète sur l’offre du neuf en Algérie, sans faire l’impasse sur les promotions. Il est constamment mis à jour avec des détails approfondis sur les fiches techniques des véhicules sur le marché, un suivi rigoureux de l’actualité et enfin une réelle communauté qui interagit. Nul n’est sensé ignorer l’intérêt des Algériens pour le domaine de l’automobile, nous voulions à cet effet mettre en place un service qui complète Ouedkniss. Autobip a aussi réalisé d’excellents chiffres en 2015 : plus de 20 millions de visites pour plus de 170 millions de pages vues, se classant comme son grand frère à la première position dans son domaine.

En tant que précurseur dans le web algérien, quels conseils pouvez­-vous donner aux jeunes porteurs de projets ?

Restez Algériens même si nous vivons dans un monde globalisé. Les problèmes algériens pour la plupart restent « algériens » et de ce fait, il faut chercher à les résoudre à l’algérienne. Voir un problème c’est bien, comprendre son contexte c’est mieux.