TIC : quelles bonnes résolutions faut-il prendre pour 2014 ?

Numéro dossier: 85

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Entretien avec Younes Grar, Expert et Consultant en Technologies de l’Information et de la Communication



Quel bilan peut-on tirer des premières semaines du lancement de la 3G en Algérie ?

Après une attente de presque dix ans et plusieurs annonces et annulations pour divers prétextes, la 3G a été enfin lancée et est devenue à la portée des Algériens. Une technologie qui est, il faut le dire, en fin de cycle de vie puisqu’elle est en train de céder la place à la 4G dans certains pays. Mais, comme on dit, mieux vaut tard que jamais. Pour son lancement, il faut signaler que les opérateurs, ou du moins deux d'entre eux, étaient prêts. La preuve est que, dès la réception de l’OK de la part de l’Autorité de Régulation de la Poste et des Télécommunications, les agences commerciales ont commencé à proposer leurs offres 3G. Le flux important des citoyens vers les points de vente des opérateurs et les longues files d’attente montrent l’intérêt qu’accordent les Algériens à cette technologie qui leur a permis de se connecter à Internet à des vitesses qu’ils n’ont jamais vu à travers l’ADSL. Les photos échangées à travers les réseaux sociaux montraient des débits allant de 3 Mbps et atteignant 12 Mbps. Ce qui était exceptionnel.

Le président de l’ARPT a annoncé, lors d’une émission le 1er décembre sur la radio Chaine 3, que le nombre d’abonnés atteindra au maximum 3 millions dans un délai de 5 ans. Le terrain va démontrer  le contraire puisque ce chiffre de 3 millions d’abonnés sera enregistré dès la première année. Après deux semaines de lancement, on recense environ 500 000 abonnés enregistrés. On attend avec impatience les chiffres des résultats enregistrés par les opérateurs le 15 janvier 2014, soit un mois après le lancement, pour se rendre compte du succès de cette technologie.

Beaucoup d'Algériens ont estimé que les offres proposées pour la 3G sont excessivement chères. Qu'en pensez-vous ?

Comparé aux prix qui ont circulé il y a quelques mois à travers la presse (plus de 8 000 dinars par mois), chose qu’on avait dénoncé, on peut dire que les prix actuels des offres sont acceptables pour un lancement. Surtout si on les compare aux prix de l’ADSL. Mais avec la concurrence et l’entrée de Djezzy sur le marché, les prix vont chuter considérablement et les volumes de téléchargement vont augmenter, en espérant que ça ne sera pas aux dépens de la qualité. Pour 1 000 DA,  les Algériens ont la possibilité de surfer avec modération sur le Net, consulter leurs emails, accéder aux sites web et certaines applications mobiles, et bien sûr se connecter sur les réseaux sociaux.

De nombreux consommateurs n'ont pas compris pourquoi les opérateurs ne proposent pas des formules illimitées pour la 3G. Est-ce envisageable techniquement et commercialement de proposer en Algérie de telles offres ?

Il faut reconnaitre qu’à travers le monde, la majorité des offres sont limitées. Ça se comprend parce que les abonnés utilisent la 3G comme solution complémentaire aux services existants (ADSL et FTTH) qui offrent des débits de 20 à 100 Mbps en illimité. Donc, le téléchargement de vidéos et de fichiers volumineux se fait à travers ces services.

Malheureusement en Algérie, l’ADSL n’est pas disponible et là où il est disponible, la qualité laisse à désirer : débit faible de 1 Mbps comparé aux 20 Mbps, coupure, dérangement, etc. Vu la lenteur d’Algérie Télécom à répondre aux attentes de centaines de milliers de demandeurs de lignes téléphoniques et d’ADSL, je crois que les opérateurs mobiles vont penser sérieusement à proposer des offres avec des volumes plus importants.

A titre d’exemple, le volume de 3 Go par exemple va passer à 5 Go puis 10 Go et pourquoi pas 20 Go, comme ça c’est fait dans d’autres pays. Bien sûr, techniquement, il est possible de proposer des offres illimitées mais ça aura un prix. Il faut savoir que l’opérateur, lorsqu’il veut couvrir une certaine région, doit installer des équipements qui devraient par exemple prendre en charge 10 000 abonnés avec un maximum de 1 000 abonnés qui pourront se connecter en simultané. Ces chiffres sont fixés sur la base de certaines études statistiques qui peuvent changer d’une région à une autre. Pour garder une certaine qualité, certaines limites sont fixées pour permettre à tous les abonnés d’avoir la même qualité de service : temps de connexion, volume téléchargé,débit, etc.

Mais il est envisageable qu'il y ait, pour une certaine région où il y a des abonnés prêts à payer le prix pour prendre en charge une station réservée, des offres en illimité. Je crois que si Algérie Télécom n’améliore pas ses services, on aura très prochainement ce type d’offres professionnelles ou privilégiées pour une certaine catégorie de clients.

Algérie Télécom vient d'annoncer qu'elle augmentera le débit internet de l'ADSL au profit de ses abonnés sans que ces derniers ne soient amenés à payer une nouvelle facture. Cette annonce a-t-elle suscité votre enthousiasme ?

Oui, c’est une bonne nouvelle, mais j’attends plus que ça. Premièrement, le débit doit être supérieur. Dans la plupart des pays, l’ADSL en standard offre un débit de 20 Mbps donc très loin du 1 Mbps. En plus du débit, Algérie Télécom doit se pencher sérieusement sur le problème de disponibilité de lignes téléphoniques et ADSL. Certaines cités et certains quartiers sont en attente d’être connectés au réseau téléphonique depuis des mois si ce n’est des années. C’est inacceptable. Ces gens ne vont pas attendre à l’infini, ils vont se rabattre très rapidement et se contenter de la 3G.

Le problème de dérangement et de coupure de service doit être réglé sérieusement, sinon certains abonnés ADSL vont migrer vers la 3G. La balle est dans le camp d’Algérie Télécom. Je pense que les gestionnaires et les travailleurs savent ce qui les attend. Ils doivent agir en tant qu’entreprise commerciale et non comme administration, sinon l’entreprise fera face à de graves difficultés. L’autre service sur lequel Algérie Télécom doit travailler et mettre à la disposition de ses abonnés est le FTTH.

Croyez-vous que le développement de l'ADSL sera sérieusement compromis par la démocratisation de la 3G ?

Comme je l’ai souligné précédemment, si Algérie Télécom n’améliore pas ses services actuels et ne propose pas d’autres services innovants, elle risque de compromettre ses parts de marché et sa position d’opérateur historique. Personnellement, j’ai attiré à travers plusieurs interventions médiatiques l’attention des responsables d’Algérie Télécom sur la nécessité de se préparer sérieusement à l’avènement de la 3G. Je crois qu’ils ont pris conscience, un peu en retard, de cet avertissement en augmentant le débit. Est-ce que ça va suffire ? Je ne pense pas vu l’agressivité des offres des opérateurs mobiles.

Certaines Actels ont commencé à ressentir la désertion des clients en attente d’une réponse positive à leurs demandes en instance depuis des mois. Il faut une réaction rapide et sérieuse, il faut surtout ne pas sous-estimer ce phénomène de 3G ou le prendre à la légère. Il faut qu’Algérie Télécom règle deux problèmes : la disponibilité et le débit (20 Mbps). Il faut que les agents de l'opérateur comprennent que ce n’est pas le client qui doit se déplacer pour demander une ligne téléphonique mais ce sont eux qui doivent frapper aux portes pour vendre leurs lignes téléphoniques et leurs services. Il faut qu’elle réussisse sa mutation d’une administration vers une entreprise commerciale. C’est le choix unique !