TIC : quelles bonnes résolutions faut-il prendre pour 2014 ?

Numéro dossier: 85

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2013, c’était l’année de l’espoir pour les TIC en Algérie. Lancement de la 3G, augmentation du débit d’Internet, amélioration de l’infrastructure de la fibre optique, développement de l’ADSL à travers le territoire national, on ne compte plus les projets et annonces qui ont été faites. Certaines promesses ont été tenues, d’autres n’ont jamais vu le jour. Mais le plus important est ailleurs. Le plus important est que les TIC ont réussi à interpeller les consciences et susciter le débat en Algérie. Quant à 2014, c’est l’année où l’Algérie n’a pas le droit à l’erreur. Notre pays ne peut plus se permettre le luxe d’accuser encore des retards.


En 2013, les technologies de l’information et de la communication ont opéré dans notre pays des changements considérables sur nos habitudes et nos comportements qui ont nettement changé, mais la question que nous nous posons ici est : où en sommes-nous aujourd’hui, au début de 2014, avec la stratégie e-Algérie 2013, ce plan d’action qui visait à promouvoir définitivement les TIC dans notre pays ? Quel bilan peut-on dresser de cette stratégie multisectorielle, adoptée dans la perspective d’utiliser les technologies de l’information et de la communication comme un puissant levier de développement économique et social ? Ce plan centré sur 13 axes majeurs visant à renforcer les performances de l’économie nationale par l’intégration des TIC a-t-il réellement été mis en œuvre par notre Etat ? Les promesses ont-elles été tenues ? Est-ce que cette politique sectorielle qu’a engagé l’Algérie en 2000 a réussi à conduire l’Algérie vers la société de l’information et de l’économie numérique ? La réalité quotidienne vécue par les acteurs et professionnels des TIC en Algérie fournit des réponses à toutes ces questions.

Durant l’année écoulée, force a été de constater que le plan e-Algérie est resté surtout à l’état de maquette.  En effet, le projet « e-Algérie 2013 »  a bel et bien piétiné en 2013 et ce, en raison de l’environnement « mal adapté » à l’évolution des TIC dans notre pays, reconnaît le responsable du programme e-Algérie 2013 au ministère de la Poste et des TIC, Chérif Ben Benmahrez.



L’usage des TIC dans l’administration publique : des résultats en deçà des attentes



Pour rendre l’administration publique plus efficace et la mettre au niveau des administrations du monde entier où les TIC sont introduites, le projet e-Algérie s’est centré sur un premier axe, celui de l’introduction des TIC et le renforcement de leur usage au sein de l’administration publique afin d’opérer une transformation importante de ses modes d’organisation et de travail. Malheureusement, en Algérie, nos administrations sont encore loin de mettre au service de leurs clients un système d’information performant.

A travers le territoire national, plusieurs administrations ne bénéficient pas de site en ligne bien alimenté et qui permet aux citoyens de se renseigner ou de connaître les démarches administratives à suivre pour une quelconque procédure. Il est à signaler également que même les administrations qui ont des sites internet ne s’occupent pas de l’actualisation de leurs contenus, ce qui ne permet pas de faciliter la tâche aux citoyens.

Pis encore, l’état civil d’un grand nombre de nos communes n’est toujours pas informatisé. On se bouscule toujours devant les annexes administratives de nos APC pour retirer nos actes de naissance. Et pourtant, le gouvernement s’est engagé à lancer l’informatisation de ces services. Il s’est même engagé à permettre aux Algériens de retirer leurs documents administratifs via Internet. L’annonce a été officiellement faite en 2013, mais rien de concret n’a encore été mis à la disposition des citoyens algériens. En 2014, la vulgarisation des TIC dans nos administrations sera à coup sûr le défi majeur en Algérie.



L’usage des TIC au niveau des entreprises : une prise de conscience des insuffisances  

 

Les entreprises algériennes, en dépit de plusieurs atouts qui devraient les aider à mieux intégrer le marché mondial dont les ressources significatives, une population jeune et une situation géographique stratégique, demeurent encore loin de l’évolution souhaitée en matière de technologies de l’information et de la communication. Il est vraiment déplorable de constater que plusieurs entreprises ont du mal à utiliser les TIC pour aligner leurs entreprises sur les défis de la mondialisation. Pourtant, ces TIC ont pour principal rôle de réduire les variations dans les processus d’affaires et aussi de permettre à l’entreprise de comprendre ses choix stratégiques.

A ce propos, Ali Kahlane, expert et président de l'AAFSI, nous a déclaré que " nombreuses sont les PME/PMI qui vivent encore dans le Moyen-âge numérique et qui ne sont pas au diapason des évolutions constatées dans d’autres pays, notamment maghrébins ". Dans ces conditions, les chefs d’entreprises ont pris conscience de l’urgence de procéder au développement des mécanismes et des mesures incitatives qui permettent l’accès des ménages et des très petites entreprises aux équipements et aux réseaux des TIC.

De nombreuses entreprises ont, d’ailleurs, entrepris des investissements en interne dans ce domaine et d’autres offrent des formations à leur personnel. En 2013, nos entreprises ont compris la nécessité d’emprunter le train rapide des TIC. Ali Kahlane a répondu à quelques-unes de nos questions. Voici ce qu'il nous révèle...


 

Rencontre avec Ali KAHLANE, Président de l’Association Algérienne des Fournisseurs de Services Internet (AAFSI)

Croyez-vous que le lancement de la 3G en Algérie va propulser sérieusement le développement des TIC dans notre pays ?

D’abord, il est indéniable que compte tenu de l'étendue du territoire et de la complexité des schémas urbains, la connexion sans fil telle que la 3G vient à point nommé pour accélérer le déploiement massif de l'accès à Internet dans notre pays. Maintenant, est-ce que l’avènement de la 3G serait ce sursaut salutaire qui nous permettra d’arrêter cette loi des séries où les retards s’additionnent aux retards, les annonces se dénoncent, les réalisations s’enlisent et où la myopie d’une vision stratégique des TIC nous laissent avec le constat d’un triple échec : celui des Télécommunications, de la Poste et de l’Internet, au regard aux investissements colossaux consentis depuis une douzaine d’année par notre pays ? J’ose espérer que oui !

D’une manière plus générale, les gains seront une augmentation du nombre de connectés à Internet. Il devrait pour la première fois dépasser la barre psychologique des 2 millions de connectés d'ici juillet 2014. Nous devrions compter alors au moins 15 à 17 millions d'internautes. Cela mettrait une pression positive sur les pouvoirs publics pour mettre en place des services en ligne à la disposition des citoyens, dont l'accès facilité à Internet leur donnera envie de se connecter encore plus pour accéder à encore  plus d’informations et, pourquoi pas, effectuer des démarches sans bouger de chez eux ou mieux encore, en toute mobilité! La demande d'informations en ligne devrait être telle que cela devrait booster un développement de contenu utile et de qualité à mettre à la disposition d'un nombre de connectés qui va aller forcément crescendo.

Il restera que, pour effectivement relancer le développement des TIC dans notre pays avec ou sans la 3G ou même la 4G/LTE, l’Etat devra engager trois actions fondamentales: simplifier et promouvoir l’accès aux équipements et aux services en ligne, disposer d’une régulation au service du citoyen et dont la priorité serait le bien-être et le confort technologique de l’utilisateur, et surtout disposer d’une meilleure connectivité donnant pour tous les citoyens, sans exclusivité, un accès au haut et très haut débit qu’il soit filaire ou mobile.

D'après vous, quels sont les blocages qui subsistent encore pour le lancement du paiement électronique en Algérie ?

Le Ministère de la Poste et des TIC dans son programme e-Algérie (l’Action B6 plus précisément), dès 2008, savaient que le développement de l’économie de l’Information et du Savoir ne pouvait se limiter au développement des infrastructures numériques qu’elles soient matérielles ou logicielles. Ils savaient que cela devait se faire en harmonie avec un environnement juridique et institutionnel solide et adapté. Il avait aussi prévu que le e-commerce serait une réalité dans notre pays en 2010. Cela ne semble malheureusement pas être le cas. Cet échec est d’ordre stratégique, car la volonté politique derrière ce plan n’a été suivie que de très peu d’effets sur le terrain.

A ce propos, on peut dire qu’e-Algérie n’a eu aucun résultat concret pour le grand public au regard des 1 010 actions qui y étaient planifiées et qui auraient du propulser le citoyen de 2013-2014 dans l’ère numérique en diapason avec le reste du monde. Il est vrai, par ailleurs, que le paiement électronique ne peut se développer seul, il doit tout naturellement se greffer sur le développement préexistant des TIC et, dans ce domaine, des obstacles importants subsistent encore dans notre pays. Ils sont d’ordre technologique, social, juridique et culturel.

Il existe une autre recommandation d’une extrême importance, c’est l’indépendance et la diversité dans le choix des systèmes de gestion des opérations de paiement en ligne. Ils doivent absolument être de fournisseurs différents et de préférence concurrents car dans le cas d’une faiblesse dans le fonctionnement d’un logiciel, d’un « bug » de programmation ou tout simplement d’une attaque informatique comme celle du fameux  ver « Stuxnet », c’est tout l’écosystème du e-paiement et de notre système bancaire qui risque de se trouver pris au piège ou en otage, au choix.

Le manque d’informations adéquates et pertinentes sur le commerce électronique, des plus hautes autorités, est malheureusement compliqué par des envois de signaux contradictoires qui laissent croire qu’elles ne maîtrisent pas encore ce dossier. Cela donne libre court à toutes les interprétations et à toutes les excuses pour ne pas y aller ce qui favorise le « wait and see » des professionnels aussi bien du secteur bancaire et financier que des commerçants qui, pour la plupart, sont prêts à en découdre avec les TIC.

Le faible taux de bancarisation en général, le manque de confiance dans les moyens de paiement électronique, finissent par justifier alors aux yeux de tout le monde la persistance de la culture du paiement “cash” dans les différentes transactions. On peut dire malgré tout que, pour le moment, les statistiques « vitales » du e-commerce algérien sont plutôt encourageants. Une vingtaine de banques, y compris Algérie Poste, utilisent déjà la télé-compensation et autre services numériques. Près de 3 500 commerçants ont installés des TPE (Terminal de Paiement Electronique). Plus de 1.5 million de cartes de paiement CIB (Carte Interbancaire) ont été distribuées aux usagers/clients, pouvant être utilisées aussi bien sur les distributeurs automatiques (DAB) que sur les terminaux de paiement électronique.

De nombreux acteurs des TIC en Algérie déplorent la pauvreté du contenu DZ sur la toile. Comment peut-on faire pour améliorer ce contenu et le développer en quantité et en qualité ?

De nos jours, Internet est à l'économie et à l'éducation ce que l'énergie est à l'usine et au transport ! D’après les chiffres du MPTIC, moins de 20% des PME/PMI algériennes utilisent les TIC pour leur gestion. Nous estimons qu’à peine 1% le font avec un ERP de classe mondiale (Enterprise Resource Planning ou Progiciel de Gestion Intégrée). Nombreuses sont les PME/PMI qui vivent encore dans le Moyen-âge numérique. Des millions de travailleurs, d'enseignants, d'étudiants et de lycéens sont aussi privés d'un moyen essentiel à leurs activités et à leur épanouissement. Il ne faut pourtant pas grand chose pour cela : un véritable cadre de coopération et une relation de confiance entre les entreprises professionnelles des TIC d'un côté, et les pouvoirs publics et l'opérateur historique de l'autre.

Cela permettra aux premiers de développer des applications et de nouveaux services et aux seconds de les offrir au citoyen pour une amélioration de son cadre de vie et de travail. Les m-éducation, m-santé, m-banque et autres m-gouvernement dont on parle tant, pourront enfin être une réalité de tous les jours.

En 2012, un pays voisin au notre a consacré près de 300 millions de dollars au développement logiciel avec un PIB 5 fois moins important que nous. Notre pays, lui, n’a consacré que 144 millions de dollars pendant la même période de référence. Les pouvoirs publics, en plus d’étudier des mesures de facilitation à l’accès aux TIC en général, devraient en priorité favoriser et promouvoir les créateurs de logiciels et les développeurs d’applications pour produire et faire proliférer du contenu national.

Vous avez critiqué à maintes reprises l'absence d'une réelle stratégie et vision chez nos autorités concernant le développement des TIC. Mais pensez-vous que les acteurs et professionnels des TIC sont suffisamment mobilisés en Algérie pour faire pression sur les autorités et les accompagner à adopter les réformes nécessaires au développement des nouvelles technologies ?

Les TIC algériennes, toutes formes confondues, ont exactement cinquante ans d’âge. Ramené à l’humain c’est, paraît-il, l’âge de la sagesse menant aux miracles. C’est vrai, et il y en a eu des miracles ! Notre première connexion à Internet date de 1991, bien avant certains grands pays. Nous avons déréglementé les télécommunications en temps et en heure. La téléphonie mobile a été un succès sans précédent et nous sommes toujours l’un des pays d’Afrique avec la plus grave télé-densité.

L’ASDL est lancé au même moment que les pays développés. Nous sommes aussi probablement le pays avec la plus grande infrastructure de fibre optique du continent africain. L’État consent des sommes colossales pour le développement des TIC. Les textes et les lois favorisant l’entrepreneuriat dans les TIC et mettant en place diverses facilitations sont légion. Ce sont les faits, ce sont des réalisations et actions constatées et elles sont très encourageantes !

Pourtant, les statistiques de l’UIT, de la Banque mondiale ainsi que les classements des différents observatoires mondiaux, nous rappellent obstinément que nous sommes classés parmi les derniers en ce qui concerne nos performances dans le développement et l’utilisation des TIC. Qui dit mobilisation dit organisation ou mieux encore association. Or, force est de constater que des trois associations professionnelles des TIC qui existent depuis plus de dix ans (AAFSI créée en 2002, AITA en 2003 et AASEL en 2009), aucune d’elle n’a été agréée au jour d’aujourd’hui. Pourtant, ces trois associations ont été et sont régulièrement sollicitées aussi bien par les autorités du secteur que par les organes d’information tant privés que publics.

Dans tous les pays du monde, les associations professionnelles et la société civile organisée ou pas concourent étroitement avec l’Etat à l’élaboration des politiques qui vont régir et réglementer la vie des citoyens et des structures qui les servent. L’Algérie a formé et forme des milliers d’ingénieurs et de techniciens dans le domaine des TIC. L’Algérie bénéficie aussi d’une diaspora qui tente désespérément de participer activement et contribuer ainsi à un développement tout azimut de nos TIC et par la même à celui de notre pays. Nous constatons malheureusement que ni les uns ni les autres ne sont plus associés à la réflexion nationale. Tous les professionnels des TIC, tous secteurs confondus, devront se donner la main pour aider ceux qui en ont la charge à prendre conscience que l’autisme technologique actuel n’est et ne doit pas être une fatalité. Nous devons les aider à libérer, au plus vite, les TIC de la bureaucratie.



L’accès à Internet : beaucoup reste encore à faire



Le plan e-Algérie devait améliorer efficacement l’accès à Internet en 2013. Cet objectif n’a guère été atteint. Nous avons d’abord payé les conséquences  de l’échec du plan Ousratic. En effet, l'opération Ousratic, lancée en 2005 et qui visait à doter 6 millions de familles en micro-ordinateurs à l'horizon 2010, n’a pas atteint ses objectifs. Consistant à octroyer un crédit bancaire à chaque famille algérienne désireuse d’acquérir un micro-ordinateur et une connexion internet, ce projet dont l’objectif est d’améliorer l’accès de la société algérienne aux outils et moyens modernes de l’information et de la communication a pris beaucoup de temps et ce, en raison des contraintes bancaires rencontrées dans l’obtention d’un prêt. L’opération Ousratic II, qui a été annoncée depuis plus d’une année, n’a pas encore vu le jour. Les écoles sont toujours dans l''expectative, et tout le monde attend, mais rien n'arrive. Même les banques déclarent tout ignorer.

Dans ce contexte, le nombre des internautes en Algérie demeure largement en deçà du potentiel réel de notre pays. En tout et pour tout, l’Algérie compte 11 millions d’algériens utilisant actuellement Internet, contre 10 millions en 2011. En deux années, l’Algérie n’a gagné qu’un million d’internautes en plus.

Pour ce qui est du nombre global d’abonnés à Internet, il est de 1.6 million, soit 1.3 million d’abonnés à Algérie Télécom (ADSL) et environ 300 000 autres au réseau Internet via le mobile. Des chiffres encore ridicules quand on les compare aux données dont disposent les pays voisins. Pour colmater les brèches et remettre l’accès à Internet sur les rails, Algérie Télécom tente une campagne promotionnelle pour convaincre ses clients.

Et dés le début de l’année 2014, Algérie Télécom a fait les yeux doux à ses clients. Pour promouvoir ses nouvelles cartes de recharge ADSL, l’opérateur public offre à ses abonnés des journées de connexion gratuites. L'opérateur public ambitionne avec cette promotion de raccorder à Internet six millions de foyers algériens à l’ADSL. Un objectif ambitieux mais qui sera difficilement réalisable à cause des mauvaises prestations de l’opérateur historique et de la faible infrastructure existante. Et tant que ces problèmes subsistent, le développement du savoir et d’une économie numérique demeure compromis en Algérie.


Ceci dit, tous les espoirs reposent sur la 3G et son développement à travers le pays. Celle-ci pourrait contourner les difficultés actuelles et permettre aux acteurs des TIC d’innover et booster leurs projets. Le lancement de la 3G en Algérie a été salué pour l’heure comme un succès. Mais la cherté des premières offres a refroidi les enthousiasmes. Quoiqu’il en soit, en 2014, tout cela devra changer car rien ne peut rester statique avec les TIC et cela équivaut aussi à un pays aussi compliqué que l’Algérie.

Laissons le dernier mot à M. Younes Grar qui nous en dit encore plus sur les perspectives de l’année 2014 et les leçons à tirer de l’année 2013.



Entretien avec Younes Grar, Expert et Consultant en Technologies de l’Information et de la Communication



Quel bilan peut-on tirer des premières semaines du lancement de la 3G en Algérie ?

Après une attente de presque dix ans et plusieurs annonces et annulations pour divers prétextes, la 3G a été enfin lancée et est devenue à la portée des Algériens. Une technologie qui est, il faut le dire, en fin de cycle de vie puisqu’elle est en train de céder la place à la 4G dans certains pays. Mais, comme on dit, mieux vaut tard que jamais. Pour son lancement, il faut signaler que les opérateurs, ou du moins deux d'entre eux, étaient prêts. La preuve est que, dès la réception de l’OK de la part de l’Autorité de Régulation de la Poste et des Télécommunications, les agences commerciales ont commencé à proposer leurs offres 3G. Le flux important des citoyens vers les points de vente des opérateurs et les longues files d’attente montrent l’intérêt qu’accordent les Algériens à cette technologie qui leur a permis de se connecter à Internet à des vitesses qu’ils n’ont jamais vu à travers l’ADSL. Les photos échangées à travers les réseaux sociaux montraient des débits allant de 3 Mbps et atteignant 12 Mbps. Ce qui était exceptionnel.

Le président de l’ARPT a annoncé, lors d’une émission le 1er décembre sur la radio Chaine 3, que le nombre d’abonnés atteindra au maximum 3 millions dans un délai de 5 ans. Le terrain va démontrer  le contraire puisque ce chiffre de 3 millions d’abonnés sera enregistré dès la première année. Après deux semaines de lancement, on recense environ 500 000 abonnés enregistrés. On attend avec impatience les chiffres des résultats enregistrés par les opérateurs le 15 janvier 2014, soit un mois après le lancement, pour se rendre compte du succès de cette technologie.

Beaucoup d'Algériens ont estimé que les offres proposées pour la 3G sont excessivement chères. Qu'en pensez-vous ?

Comparé aux prix qui ont circulé il y a quelques mois à travers la presse (plus de 8 000 dinars par mois), chose qu’on avait dénoncé, on peut dire que les prix actuels des offres sont acceptables pour un lancement. Surtout si on les compare aux prix de l’ADSL. Mais avec la concurrence et l’entrée de Djezzy sur le marché, les prix vont chuter considérablement et les volumes de téléchargement vont augmenter, en espérant que ça ne sera pas aux dépens de la qualité. Pour 1 000 DA,  les Algériens ont la possibilité de surfer avec modération sur le Net, consulter leurs emails, accéder aux sites web et certaines applications mobiles, et bien sûr se connecter sur les réseaux sociaux.

De nombreux consommateurs n'ont pas compris pourquoi les opérateurs ne proposent pas des formules illimitées pour la 3G. Est-ce envisageable techniquement et commercialement de proposer en Algérie de telles offres ?

Il faut reconnaitre qu’à travers le monde, la majorité des offres sont limitées. Ça se comprend parce que les abonnés utilisent la 3G comme solution complémentaire aux services existants (ADSL et FTTH) qui offrent des débits de 20 à 100 Mbps en illimité. Donc, le téléchargement de vidéos et de fichiers volumineux se fait à travers ces services.

Malheureusement en Algérie, l’ADSL n’est pas disponible et là où il est disponible, la qualité laisse à désirer : débit faible de 1 Mbps comparé aux 20 Mbps, coupure, dérangement, etc. Vu la lenteur d’Algérie Télécom à répondre aux attentes de centaines de milliers de demandeurs de lignes téléphoniques et d’ADSL, je crois que les opérateurs mobiles vont penser sérieusement à proposer des offres avec des volumes plus importants.

A titre d’exemple, le volume de 3 Go par exemple va passer à 5 Go puis 10 Go et pourquoi pas 20 Go, comme ça c’est fait dans d’autres pays. Bien sûr, techniquement, il est possible de proposer des offres illimitées mais ça aura un prix. Il faut savoir que l’opérateur, lorsqu’il veut couvrir une certaine région, doit installer des équipements qui devraient par exemple prendre en charge 10 000 abonnés avec un maximum de 1 000 abonnés qui pourront se connecter en simultané. Ces chiffres sont fixés sur la base de certaines études statistiques qui peuvent changer d’une région à une autre. Pour garder une certaine qualité, certaines limites sont fixées pour permettre à tous les abonnés d’avoir la même qualité de service : temps de connexion, volume téléchargé,débit, etc.

Mais il est envisageable qu'il y ait, pour une certaine région où il y a des abonnés prêts à payer le prix pour prendre en charge une station réservée, des offres en illimité. Je crois que si Algérie Télécom n’améliore pas ses services, on aura très prochainement ce type d’offres professionnelles ou privilégiées pour une certaine catégorie de clients.

Algérie Télécom vient d'annoncer qu'elle augmentera le débit internet de l'ADSL au profit de ses abonnés sans que ces derniers ne soient amenés à payer une nouvelle facture. Cette annonce a-t-elle suscité votre enthousiasme ?

Oui, c’est une bonne nouvelle, mais j’attends plus que ça. Premièrement, le débit doit être supérieur. Dans la plupart des pays, l’ADSL en standard offre un débit de 20 Mbps donc très loin du 1 Mbps. En plus du débit, Algérie Télécom doit se pencher sérieusement sur le problème de disponibilité de lignes téléphoniques et ADSL. Certaines cités et certains quartiers sont en attente d’être connectés au réseau téléphonique depuis des mois si ce n’est des années. C’est inacceptable. Ces gens ne vont pas attendre à l’infini, ils vont se rabattre très rapidement et se contenter de la 3G.

Le problème de dérangement et de coupure de service doit être réglé sérieusement, sinon certains abonnés ADSL vont migrer vers la 3G. La balle est dans le camp d’Algérie Télécom. Je pense que les gestionnaires et les travailleurs savent ce qui les attend. Ils doivent agir en tant qu’entreprise commerciale et non comme administration, sinon l’entreprise fera face à de graves difficultés. L’autre service sur lequel Algérie Télécom doit travailler et mettre à la disposition de ses abonnés est le FTTH.

Croyez-vous que le développement de l'ADSL sera sérieusement compromis par la démocratisation de la 3G ?

Comme je l’ai souligné précédemment, si Algérie Télécom n’améliore pas ses services actuels et ne propose pas d’autres services innovants, elle risque de compromettre ses parts de marché et sa position d’opérateur historique. Personnellement, j’ai attiré à travers plusieurs interventions médiatiques l’attention des responsables d’Algérie Télécom sur la nécessité de se préparer sérieusement à l’avènement de la 3G. Je crois qu’ils ont pris conscience, un peu en retard, de cet avertissement en augmentant le débit. Est-ce que ça va suffire ? Je ne pense pas vu l’agressivité des offres des opérateurs mobiles.

Certaines Actels ont commencé à ressentir la désertion des clients en attente d’une réponse positive à leurs demandes en instance depuis des mois. Il faut une réaction rapide et sérieuse, il faut surtout ne pas sous-estimer ce phénomène de 3G ou le prendre à la légère. Il faut qu’Algérie Télécom règle deux problèmes : la disponibilité et le débit (20 Mbps). Il faut que les agents de l'opérateur comprennent que ce n’est pas le client qui doit se déplacer pour demander une ligne téléphonique mais ce sont eux qui doivent frapper aux portes pour vendre leurs lignes téléphoniques et leurs services. Il faut qu’elle réussisse sa mutation d’une administration vers une entreprise commerciale. C’est le choix unique !