Pionniers du Net: ces investisseurs qui naviguent à vue

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Internet a été à l’origine de nombreux changements dans des domaines très variés au point de devenir, dans certains pays du moins, le moyen de communication par excellence.



Internet est aussi un espace d’investissement assez tentant. Des sociétés de renommée mondiale ont été créées à travers le monde et tout particulièrement aux Etats-Unis, sur la base de cette nouvelle technologie. En Algérie, même si la nouvelle économie issue du réseau mondial est perçue avec circonspection, certains n’ont pas hésité à franchir le pas. Des jeunes, surtout, ont compris que le Net pouvait être un bon domaine d’investissement même s’il reste peu sûr. Des pionniers avec des profils différents, inspirés par les succès réalisés à l’étranger, se sont ainsi lancés dans la conquête de la toile Internet. Beaucoup parmi eux se sont spécialisés dans la réalisation de sites web. D’autres ont opté pour la création de sites spécialisés dans les transactions commerciales ou même des sites d’information. La catégorie des créateurs de sites Internet est composée de professionnels hétéroclites regroupant des entreprises mais aussi des indépendants ayant appris sur le tas et proposant leurs services à des prix relativement bas. Nous constatons que les entreprises versées dans ce domaine sont, de manière générale, des agences de communication proposant, entre autres services, la réalisation de sites web. Il semblerait que la demande sur ce genre de produits soit encore trop basse pour stimuler la création d’agences exclusivement spécialisées dans cette branche. Les créateur  indépendants de sites Internet se partagent eux aussi une petite part de marché et offrent leurs services essentiellement à des clients pas très regardant sur la qualité et assez soucieux des frais à engager. Il faut dire aussi que certaines entreprises préfèrent créer leurs sites en interne au lieu de s’adresser à des prestataires de services. D’autres, par contre, font le minimum en disposant de sites avec des pages statiques et non actualisées. Le marché des sites web reste donc assez limité au vu du nombre potentiel de clients existant en Algérie. Conscients de cette réalité, les créateurs indépendants de sites Internet sont bien souvent contraints à chercher un « vrai » travail en parallèle avec cette activité. Quoi qu’il en soit, le nombre de sites algériens semble progresser même s’il s’agit d’une très lente progression. Cette réalité fait que l’investissement dans le domaine de la création de sites web reste une affaire hasardeuse et ne peut encore être considéré comme une activité à grande valeur ajoutée.

Encore plus risqué, le domaine des sites de transactions commerciales a attiré pas mal d’aventuriers. Encore trop virtuelle pour beaucoup de gens, cette nouvelle sphère économique compte, pourtant, quelques belles histoires de réussite. Ces nouveaux espaces commerciaux fonctionnent suivant une logique assez simple; il s’agit de mettre en contact les vendeurs et les acquéreurs potentiels de toutes sortes de produits et de façon gratuite. La publicité et les espaces réservés aux entreprises souhaitant présenter leurs nouveautés assurent le financement de ces sites. Le site Ouedkniss.com est sans nul doute le site qui a eu le plus de succès dans cette catégorie. Il enregistre, quatre ans après son lancement, des millions de visites chaque mois et est considéré comme le site de référence dans son domaine. De nombreuses entreprises y ont acquis des espaces publicitaires ou des espaces dans la rubrique Stores afin d’avoir une visibilité auprès des visiteurs du site. Cependant, d’autres sites du même genre n’ont pas eu son succès. Le bouche à oreille a été pour beaucoup dans la popularité acquise par ce site dont de plus en plus de gens parlent aujourd’hui. L’autre ingrédient de son succès est le fait qu’il s’agisse d’un site « avec une dimension humaine ». « Nous ne nous contentons pas d’être les simples gérants d’un site de transactions commerciales. Nous prenons en charge de façon directe nos clients et essayons d’être plus proches d’eux », nous dit l’un des fondateurs du site. Nous ne pouvons pas dire, aujourd’hui, que les sites de ce genre soient très nombreux, car beaucoup hésitent à se lancer dans ce domaine. Il n’y a en effet aucune garantie de succès dans ce genre d’activité à plus forte raison que des journaux accessibles à tous peuvent mettre à la disposition de leurs lecteurs les mêmes annonces. D’autre part, la pénétration relativement modeste d’Internet en Algérie donne à réfléchir à plus d’un. Le lancement de sites de transactions commerciales est donc l’affaire de quelques « téméraires » dont certains ont rencontré le succès.

Outre les sites commerciaux, des sites d’informations générales ou spécialisées ont été créés avec pour seule chance de survie la publicité qu’ils pourraient avoir de la part d’annonceurs hypothétiques. Là aussi, il s’agit d’un terrain miné. Si quelques sites d’informations ont pu se faire une place, beaucoup d’autres ont tout simplement disparu faute de financement. Obtenir des espaces publicitaires pour un site Internet est, en Algérie, une entreprise des plus ardues. Beaucoup ne croient pas encore au pouvoir de la publicité sur Internet alors que certains croient à peine à son efficacité sur des supports plus évidents tels que les journaux. En raison de l’absence de publicité, la durée de vie de beaucoup de sites d’information n’a pas excédé les quelques mois. Nous dénombrons aussi sur ce marché encore vierge quelques portails développant des thèmes assez variés tels que l’économie ou le tourisme. Il s’agit de portails appartenant à des agences ou à des entreprises qui proposent, notons-le, une gamme variée de services. Les portails spécialisés sont, il faut le dire, assez rares en raison là encore de la rareté des annonceurs.

Par ailleurs, un tout nouveau métier a fait son apparition depuis seulement quelques années en Algérie. Il s’agit de la gestion des espaces publicitaires sur Internet. Ce service qui s’adresse à une catégorie de clients bien précise semble se développer d’année en année. Ayant cru assez tôt en l’intérêt de ce service, l’agence Med&Com est aujourd’hui leader dans ce domaine en Algérie. Même s’il s’agit d’un métier qui progresse, nous ne pouvons pas dire que ceux qui le pratiquent soient nombreux. Sur un autre plan, l’absence de commerce électronique en Algérie représente, pour beaucoup, l’un des obstacles majeurs se dressant face à la nouvelle économie qui tente, tant bien que mal, de se faire une place en Algérie. Depuis quelques années, les débats autour de cette question ont été des plus passionnés. Certaines banques ont émis la volonté de se lancer dans ce domaine mais rien de concret n’a été fait jusqu’aujourd’hui. Parallèlement, de nombreux professionnels du Net estiment que tous les ingrédients sont réunis en Algérie pour l’adoption du e-commerce considérant que l’hésitation des banques est tout simplement injustifiée. «Nous savons tout ce qu’il y a à savoir sur le e-commerce. Nous avons également le savoirfaire nécessaire pour ce genre d’activité», affirme le créateur d’un site spécialisé dans la vente de livres. « Il y a aujourd’hui plus d’une centaine de sites capables de faire du e-commerce en Algérie. Ce que nous attendons, en fait, c’est que les banques nous ouvrent la voie et fassent le nécessaire pour que les transactions commerciales soient effectuées de façon électronique», ajoute-t-il. Il y a lieu de noter que certaines banques telles que la BDL ou la CPA ont adopté la carte Visa qui permet d’effectuer des transactions par voie électronique à partir de sites étrangers. Ces cartes restent, toutefois, limitées à une certaine catégorie d’utilisateurs.

La nouvelle économie liée à Internet est bien présente en Algérie mais connaît une progression assez lente et évidemment dépendante du rythme de l’évolution d’Internet en Algérie. A quelques exceptions près, l’investissement via Internet reste encore une activité mineure qui ne génère pas encore de grandes richesses. Il faudrait donc attendre encore avant de parler, en Algérie, d’une réelle économie basée sur la technologie Internet.




Créateurs de sites en free-lance : un métier à risques



La création des sites Internet en tant que free-lance n’est pas de tout repos même si beaucoup de jeunes s’y sont lancés. Pour arrondir leurs fins de mois ou pour se faire un peu d’argent de poche, lorsqu’ils sont chômeurs, ces créateurs de sites sans aucune couverture légale proposent leurs services à des entreprises, bien souvent réticentes, en espérant convaincre.

Les tarifs bas représentent le point fort de ces jeunes créateurs à côté, bien sûr, d’une qualité de travail allant d’acceptable à très bonne. Ayant appris sur le tas, ces professionnels ont développé des styles différents inspirés de ce qui se fait au niveau international mais avec, en prime, une touche artistique personnelle. Si certains d’entre eux font du bon travail, d’autres étonnent par leur niveau et leur maîtrise. De manière générale, ces artistes n’ont aucune formation préalable dans le domaine à l’exception de quelques chanceux qui ont suivi des cours dans ce domaine à l’étranger. Toutefois, leur savoirfaire reste, dans la plupart des cas, dévalorisé. « En général, le créateur de sites s’adresse à des entreprises n’ayant pas de sites Internet et essaie de les convaincre de son utilité pour leur image et leurs affaires. Parfois, ce sont des entreprises avec lesquels nous avons des contacts qui font appel à nous », explique Ramzi qui a déjà proposé ses services à de multiples entreprises mais en décrochant de rares affaires. «Cela ne marche pas tout le temps, c’est pour cette raison qu’il vaut mieux ne pas se contenter d’être créateur de sites web. Il faut travailler quelque part et créer des sites en parallèle car ce n’est pas un travail très rentable », indique-t-il. Pour lui et pour beaucoup d’autres, nous ne pouvons pas gagner notre vie, aujourd’hui, en tant que créateur de site Internet indépendant. « Le domaine dans lequel nous évoluons est très confus. Il n’existe aucun barème de prix sans parler du fait qu’il y a très peu de demande sur les sites Internet même pour les agences spécialisées dans ce domaine », ajoute notre interlocuteur.

Outre le fait que les bonnes affaires soient assez rares, les acteurs de ce domaine, pour le moins incertain, sont confrontés à un problème d’une autre nature. Il s’agit des « arnaqueurs » qui ne paient pas leurs dettes. Il n’est pas rare, en effet, qu’un créateur de site soit éconduit sans toucher un sou par le client. Ce dernier n’ignore pas que son prestataire n’est pas protégé par la loi et en profite. Les créateurs indépendants de sites internet ne se font pas d’illusions et savent que cette activité est encore loin d’être réellement rentable. Ils la pratiquent pour gagner un peu d’argent, à l’occasion, mais aussi pour s’améliorer dans ce domaine en attendant mieux.



Facebook comme outil marketing : La vitrine aux 1,5 millions d’utilisateurs algériens


Il semblerait que Facebook ne soit pas que le réseau social numéro un. Il peut aussi être le support idéal pour la politique Marketing des entreprises à la page. A l’image de ce qui se fait à travers le monde, des sociétés algériennes commencent à s’intéresser au potentiel de cette plate-forme pour tout ce qui touche à la publicité. Le nombre toujours plus élevé des membres de Facebook en fait la plate-forme à exploiter à tout prix aussi bien pour les nouvelles entreprises que pour celle qui existent déjà. En Algérie, l’un des exemples les plus édifiants en matière d’utilisation d’Internet à des fins publicitaires est celui de la société Outsiders. Il s’agit d’une société créée en 2009 et qui a très rapidement gagné en notoriété grâce à Facebook. Cette société, spécialisée dans la vente de teeshirts (avec flocage de logos et autres motifs), a été lancée par deux jeunes très inspirés et qui croient dur comme fer aux avantages du Marketing moderne. Nabil Lotfi et Nawel Atsfaha, les deux fondateurs des Outsiders, sont diplômés dans le domaine de l’art et de la communication graphique. Ils ont eu l’idée de faire de facebook une vitrine pour leurs produits. Une idée qui a très bien fonctionné puisqu’elle dépasse aujourd’hui les 2 000 fans. « Nous avons pu avoir un grand nombre de fans sur Facebook alors que nous n’y sommes que depuis peu de temps, c’est énorme », se félicitent les responsables de la société qui s’attendent vraisemblablement à un nombre encore plus important dans un avenir proche. La société a su se faire connaître en un temps record grâce à Facebook.

L’espace virtuel dont dispose la société permet à ses visiteurs de choisir les tee-shirts et de les commander en contactant l’un des fondateurs de la société par mail.Les « Outsiders » effectuent leurs livraisons aux clients installés dans la région d’Alger et ses environs. L’expérience de cette petite entreprise est assez intéressante dans la mesure où elle démontre non seulement l’efficacité d’Internet dans la promotion de l’image des acteurs économiques mais aussi la réceptivité d’une certaine catégorie d’algériens à la publicité sur le Net. Internet peut, en effet, être une excellente plate-forme pour les sociétés souhaitant se faire connaître. Celles qui s’adressent aux jeunes semblent avoir plus de chance de faire passer leurs messages, la majorité des internautes algériens étant des jeunes. Notons au passage que Facebook compte en Algérie plus d’un million et demi de membres. Un marché à prendre donc très au sérieux.



Entretien avec M. Khaled Menna, économiste


« Les nouveaux métiers des TIC doivent être régulés par l’Etat »


Beaucoup de jeunes se sont spécialisés dans la création de sites Internet en free-lance ou ont créé des sites commerciaux. Quel regard portez-vous sur ce nouveau genre d’investissement ?

La première idée qui vient à l’esprit est le fait que la jeunesse algérienne est dynamique et suit de près l’évolution de la technologie dans le monde. Les nouvelles technologies de l’information sont maintenant source de valeur ajoutée partout dans le monde. Leur poids dans le produit intérieur brut dans les pays développés et émergents est de plus en plus important. Reste maintenant à connaître le profil de ces jeunes et leur degré de spécialisation dans le domaine. Nous pouvons identifier ces jeunes selon leur formation. Il s’agit généralement de techniciens, de techniciens supérieurs, d’ingénieurs et d’ingénieurs séniors. Leur niveau de technicité a un impact sur la qualité de leur travail. Ces nouvelles activités montrent aussi que nous sommes bien dans la nouvelle économie numérique basée sur le savoir. La question qui se pose, cependant, est comment les répertorier, puisqu’il s’agit dans beaucoup de cas de personnes travaillant en free-lance et de façon non officielle. Il est donc difficile d’avoir des statistiques fiables sur leur nombre et leur insertion dans le marché du travail. Le type de contrat signé avec les entreprises (publiques ou privées) ou les organismes étatiques, ainsi que leur part dans la soustraitance, peuvent être des éléments très importants dans l’appréciation de leur travail.

Quels sont les risques inhérents à ce genre de métiers?

Les jeunes qui travaillent dans l’informel ne peuvent avoir la possibilité de se développer et de se hisser au niveau de réelles entreprises créatrices de richesses et d’emploi. Un problème susceptible d’être surmonté avec l’intervention des autorités qui pourraient mettre en place des formules permettant d’intégrer ces acteurs dans le circuit formel. L’Etat doit donc réguler ces nouveaux marchés. D’autre part, l’administration publique doit changer d’attitude et essayer de suivre de près ces évolutions. Un autre risque est lié à la qualité de service et le service après vente. S’ils ne se constituent pas en sociétés, même individuelles, le doute planera toujours sur leur degré de professionnalisme.

Pensez-vous que les changements apportés par les nouvelles technologies auront un impact significatif sur le paysage économique algérien ?

Chaque révolution apporte avec elle son lot de changements. Nous sommes dans l’ère de la révolution numérique. Certes l’Algérie est un peu à la traîne, dans ce domaine, par rapport aux autres pays émergents. Mais la possibilité de se rattraper est grande. L’exemple le plus édifiant est la téléphonie mobile. En huit ans, le paysage de la téléphonie s’est complètement transformé. Pour l’utilisation des nouvelles technologies, il faut surtout développer des services à grande valeur ajoutée sur le Web. Le e-gouvermnet est la solution idéale pour booster ce domaine. La dernière crise de liquidité dans les bureaux de poste a montré clairement que chaque retard dans l’adoption de ces technologies a des conséquences négatives sur l’économie nationale et même sur le moral de la population. Le changement que peuvent apporter ces nouvelles technologies est indéniable. Il faut juste regarder comment ces technologies ont facilité la vie à plusieurs millions d’habitants à travers le monde. L’administration publique devient plus proche du citoyen et plus efficace. Les transactions économiques qui passent par le circuit bancaire sont identifiées, ce qui minimise le poids de l’informel dans l’économie nationale. Un autre aspect, qui n’a pas trait au paysage économique mais a un impact significatif sur l’acquisition du savoir, est l’enseignement à distance. Son impact est non négligeable sur la formation du capital humain. Le projet e-Algérie est sans doute un pas impressionnant dans la concrétisation de cette démarche. Le défi à relever est la sécurisation des réseaux et l’algérianisation du contenu et l’adaptation de l’administration publique, habituée aux méthodes de travail archaïques.

GASMIA Ahmed