Du virtuel au réel : Internet, version « love »

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Les sites de rencontres sont de plus en plus populaires dans le monde. Ces espaces sont particulièrement prisés parce qu’ils assurent aux hommes et aux femmes la possibilité de trouver des partenaires à long terme ou même des partenaires temporaires sans trop s’investir et en ayant le choix entre un grand nombre de candidats.




Critiqués par certains parce que ne permettant pas de connaître réellement la personne avec laquelle on interagit, ces sites restent toutefois un outil utile pour faire des rencontres. Un outil moins faillible, il faut le dire, lorsqu’on ne cherche pas spécialement un partenaire pour la vie, les utilisateurs étant, dans ce cas précis, moins regardant sur les qualités humaines du partenaire potentiel. Cependant, il est avéré aujourd’hui que les sites de rencontres ont détrôné les agences matrimoniales qui, il n’y a pas si longtemps, étaient très populaires dans de nombreux pays. En Algérie, l’étape des agences matrimoniales a été sautée, n’étant pas spécialement adaptée à la culture locale. Une bonne partie des personnes à la recherche d’un conjoint se connecte régulièrement sur des sites de rencontres, parfois quotidiennement et durant plusieurs heures.

Cette véritable communauté n’est toutefois pas si homogène que l’on serait tenté de le croire. Il y a d’abord les personnes à la recherche d’une simple rencontre pour « passer le temps» sans avoir particulièrement l’intention de s’engager à long terme. Cette catégorie est manifestement celle qui compte le plus grand nombre de personnes aux âges et aux profils variés. Adolescents, adultes ou même personnes plus ou moins âgées et souvent mariées, se connectent pour y faire des rencontres. La deuxième catégorie est celle des personnes à la recherche d’un partenaire à long terme. Ces internautes disposent généralement de critères précis. Qualifiés de personnes « sérieuses » par certains et « désespérées » par d’autres, ces internautes ne perdent généralement pas beaucoup de temps et affichent parfois ouvertement leurs intentions sur leur profil internet. La troisième catégorie est celle d’algériens à la recherche d’étrangères dans le but précis de se marier et de s’installer à l’étranger. Ces « cyberdragueurs » sont vraisemblablement un peu moins nombreux qu’ils ne l’étaient il y a quelques années.

La quatrième catégorie est celle des algériens établis à l’étranger, généralement des hommes souhaitant se marier avec des algériennes. Ceux-ci fréquentent essentiellement des sites fortement visités par les algériens afin d’entrer en contact avec leurs hypothétiques futures conjointes. Ces internautes aux objectifs variés se croisent sur le Net, dialoguent, se jaugent, se déconnectent et parfois franchissent le pas des vraies rencontres afin de voir de plus près leurs interlocuteurs. Les internautes interrogés sur l’efficacité des sites de rencontres ont des opinons partagées quant à la fiabilité d’Internet en ce qui concerne la recherche d’un partenaire pour la vie. « Personnellement, je ne pense pas que les sites de rencontres soient une véritable solution lorsqu’il s’agit de trouver une conjointe. C’est peut-être efficace quand on est intéressé par une relation sans lendemain mais pas plus », estime un jeune.

« On ne peut jamais connaître réellement une personne lorsqu’on dialogue avec elle sur Internet. Les gens sont tentés de cacher leurs défauts et d’amplifier leurs qualités. C’est d’autant plus facile lorsqu’on se cache derrière son ordinateur», estime une jeune fille. « A mon avis, il est possible de rencontrer la bonne personne sur Internet. Pourquoi pas !», pense une autre. « Je pense que le fait de chercher un conjoint sur Internet est un acte de désespoir. Si quelqu’un veut connaître une femme, il n’a qu’à lui parler directement », assure un jeune homme. « Je ne pense pas qu’il y ait une grande différence entre connaître quelqu’un sur un site de rencontres et le connaître dans la vie réelle. A un moment donné, les deux personnes se rencontreront et jugeront d’euxmêmes s’ils sont compatibles ou pas », affirme un autre. Nous avons pu rencontrer un homme dont la date du mariage est prévue pour ce mois de juin et qui a connu sa future femme sur un site de rencontres. Ryad, établi depuis quelque temps à l’étranger, a connu sa fiancée sur un site de rencontres avant son départ. « J’ai rencontré ma fiancée sur un site où j’avais l’habitude de me connecter beaucoup plus pour passer le temps ou lorsque je devais travailler sur mon ordinateur. Nous avons dialogué pendant plus d’une année et nous nous sommes finalement rencontrés», explique-t-il. «Internet nous sert toujours puisque c’est le meilleur moyen que nous avons pour communiquer depuis mon départ du pays», ajoute-t-il. Des histoires comme celles de Ryad ne sont pas rares, puisque beaucoup de couples se sont formés et ont même fondé un foyer à partir d’une rencontre sur Internet.

Si certains couples se sont formés grâce au Net, d’autres se sont séparés à cause justement de cette technologie. La publication de certaines données personnelles sur, notamment, les réseaux sociaux ont été à l’origine de bon nombre de problèmes au sein de certains couples allant parfois jusqu’à la séparation. Des cas similaires ont été d’ailleurs recensés à l’étranger. Aux Etats-Unis, les cas de divorces enregistrés durant l’année 2010 à cause des réseaux sociaux a connu une augmentation. La raison principale de ces divorces est liée au fait que d’anciennes relations aient refait surface grâce aux réseaux sociaux.

Les sites de rencontres à l’origine de belles histoires d’amitié


Samir, résidant au Canada, a bénéficié de l’aide d’une dame canadienne qui dialoguait régulièrement avec son frère sur Internet. Cette dame a aidé ce jeune algérien à s’installer et à trouver ses repères au Canada durant les premiers jours de son arrivée. «En fait, c’est mon frère qui en était l’ami sur Internet mais dès qu’elle a appris que je m’apprêtais à m’installer dans ce pays, elle a exprimé sa volonté de m’aider à m’établir au Canada dans les meilleures conditions. Elle n’a d’ailleurs pas manqué à sa parole. Une véritable relation mère/fils s’est installée entre elle et moi. Elle m’a accueilli dès mon arrivée à l’aéroport et m’a hébergé pendant un mois», explique Samir qui, plus d’une année plus tard, entretient une relation particulière avec cette dame. Les sites de rencontres restent très populaires en Algérie et sont perçus comme un outil facile et parfois efficace pour faire de bonnes rencontres. Ces sites, mais aussi Internet en général, sont devenus des espaces où le contact humain est facilité et même renforcé. S’appuyer sur les nouvelles technologies pour reproduire les pratiques sociales les plus séculaires ne sonne manifestement pas faux. Le virtuel semble bien souvent être un raccourci pour rendre la vie un peu plus réelle.  (suite p.2)



Les interactions virtuelles : une solution pour les grands timides


Les sites de rencontres sont pour beaucoup de gens un moyen idéal et surtout sûr pour rencontrer un conjoint potentiel. Le choix d’une certaine catégorie d’internautes se porte sur ce genre de sites pas seulement pour leur côté pratique évident. Les sites de rencontres sont le refuge idéal, il faut le dire, de personnes souffrant de timidité et éprouvant des difficultés à connaître et à interagir avec des inconnus. Ces personnes pouvant être des deux sexes optent donc très naturellement pour les sites de rencontres considérant que les rencontres directes sont susceptibles de les mettre dans des situations stressantes qui leur imposent une pression parfois ingérable. Ces grands timides préfèrent prendre leur temps et connaître la personne sur Internet avant de franchir le pas de la rencontre réelle qui est généralement, là aussi pour des raisons de « sécurité », précédée par des communications téléphoniques. Un passage obligé d’ailleurs aussi bien pour les timides que pour ceux qui le sont beaucoup moins. Certaines personnes souffrant de timidité maladive dans la vie réelle se révèlent être d’excellents communicateurs sur Internet. De plus, les interactions virtuelles leur accordent le temps de mieux s’exprimer. Un avantage qui compense l’absence du sens de la répartie qui leur ferait défaut dans une réelle conversation. Même si la rencontre réelle avec la personne peut aussi être source de pression pour ces internautes, il n’en demeure pas moins que certaines des rencontres aboutissent à de réelles relations.


Le téléphone mobile transforme les relations


Le téléphone mobile permet aussi de faire des rencontres online. Première ficelle : ceux qui appellent au hasard dans l’espoir de tomber sur une femme ou un homme avec qui ils pourraient faire connaissance ! Ce phénomène s’est répandu depuis le boom de la téléphonie mobile en Algérie. Mais, il faut dire qu’il existait déjà avec le bon vieux téléphone filaire. Au bout de la sonnerie peut se cacher des prétendants ! Des jeunes, gagnés par une poussée de fièvre de la drague, tentent leur chance en formulant un numéro au hasard. S’ils tombent sur la voix d’une femme, ils vont tout faire pour décrocher un premier rendez-vous, une adresse ou avoir au moins un début de manifestation d’intérêt. Ce sont généralement des appels nocturnes. Si certains veulent tisser une relation sérieuse, d’autres ne sont intéressés que par une relation furtive, le temps d’un flirt ou d’un baiser volé. Est-ce que la personne a l’air accessible ? Semble-t- elle intéressée à vous ? A partir des réponses à ces questions,
l’interlocuteur ira plus loin ou il décidera de changer de «cible » en reformulant d’autres numéros.

La tactique pour accrocher est bien huilée : rester sur du bavardage simple qui peut-être le meilleur moyen d’entamer une conversation et qui se termine par une question. Exemple: «Belle journée, n’est-ce pas ? ». Ce que vous dites n’est pas important. Vous n’avez pas vraiment besoin d’une réponse à la question, vous avez tout simplement invité la personne à discuter avec vous aussi longtemps que possible. Si la personne répond agréablement, la conversation continue. Si la personne ne répond pas ou semble préoccupée ou désintéressée, il ou elle n’est probablement pas intéressé. Au début de la conversation, ils ne veulent parler de rien de personnel. Parler de l’environnement qui les entoure, d’un spectacle vu, mais ne parlent pas beaucoup d’eux-mêmes. Sachez que le mieux dans un premier temps est souvent l’envoi d’un SMS. En effet, lors d’un premier contact téléphonique, on peut facilement perdre ses moyens à cause du stress. Conséquences: blagues qui tombent à plat, bafouillages, voix qui ne sort pas, lapsus,… La femme, à l’autre bout du fil, sent le manque de confiance à plein nez et d’un coup, elle est moins pressée de vous voir.

Bref, le téléphone peut faire perdre très vite tout pouvoir d’attraction. Le SMS permet en revanche de prendre son temps et réfléchir avant de poser ses mots. Il permet de recontacter la demoiselle dans la sérénité, avec style et humour. La difficulté : un SMS est très court. Tous les mots sont donc lourds de signification…  (suite p.3)



Les rencontres sur le Net analysées par des experts




Entretien avec M. Said Sebaoun, sociologue à Blida
: « Les sites de rencontres sont encore peu acceptés par la société algérienne »


Beaucoup d’algériens se connectent sur des sites de rencontres afin de trouver un conjoint. Quelle lecture faites-vous de ce phénomène ?

Ce qu’il faut savoir, c’est que dans notre pays, les espaces de rencontres sont pratiquement inexistants. Même si des rencontres se font dans les universités ou les lieux de travail, cela reste des lieux où les hommes et les femmes sont obligés de se rendre pour des raisons autres que celles de se rencontrer. C’est précisément en raison de l’absence de lieux permettant aux hommes et aux femmes de se connaître que les sites de rencontres sont devenus populaires, du moins pour une certaine catégorie de gens. L’avantage de ces sites est qu’ils offrent une certaine garantie, notamment aux femmes algériennes qui restent assez réticentes quand il s’agit de rencontrer un homme dont elles ne connaissent pas les vraies intentions. Il y a, à ce propos, une réalité très importante à prendre en considération. Même si la femme algérienne s’habille généralement à l’occidentale, son corps ne lui appartient pas mais appartient plutôt au groupe. Le groupe, c’est la famille au sens restreint ou au sens large du terme. La femme algérienne endosse donc une grande responsabilité quant à la gestion de son corps et c’est aussi elle qui est responsable de l’honneur de la famille. L’idée de communiquer avec un homme par Internet est donc plus sécurisante pour elle. La question tourne donc bien autour du corps lui-même. Au moment où, en occident, le corps appartient à l’individu, chez nous le corps appartient au groupe et ne s’est pas encore libéré.

Est-ce que les rencontres sur Internet sont acceptées par la famille algérienne ?

Même si la famille algérienne a fait un certain nombre de concessions en ce qui concerne, par exemple, la possession du téléphone portable par les filles, elle reste cependant assez conservatrice. Les frères n’acceptent toujours pas que leur soeur ait une relation sur Internet. Ici, ce n’est pas l’outil qui est mis en cause mais la relation. Pour la société algérienne, aucune relation homme/femme n’est concevable en dehors du mariage. L’amitié homme/femme ne fait pas non plus partie des concepts facilement acceptés par notre société.

En l’absence de lieux de rencontres, les sites de rencontres semblent être plus adaptés à la société algérienne qu’aux sociétés occidentales…

Pas spécialement, les rencontres sur Internet ne sont pas si populaires que cela en Algérie. Il y a effectivement une certaine catégorie d’algériens qui y croit mais on reste généralement assez méfiants quant à leur efficacité comme moyen de rencontre. De plus, beaucoup de gens voient encore ce genre de sites comme des espaces de perversion.

Pensez-vous que les sites de rencontres seront plus populaires à l’avenir ou, au contraire, l’évolution de la société elle-même fera en sorte que ces sites deviennent moins utiles ?

Je pense que le nombre de personnes à la recherche des rencontres à travers Internet s’élargira à l’avenir. Cependant, il y aura toujours une certaine réticence par rapport à ces sites.   (suite p.4)



Rencontres sur le Net : un phénomène de société en Algérie


Même s’il existe en Algérie une certaine appréhension des utilisateurs vis-à-vis de la grande Toile, Internet trouve une résonance auprès des algériens et leur offre des horizons nouveaux qui leurs permettent de se connecter et d’en faire différents usages. Par un simple « clic », ils se trouvent propulsés dans une dynamique où ils peuvent se connecter dans différents sites que ce soit pour faire des recherches, pour accéder aux sites de partage et de réseaux sociaux ou pour tchatter.

A travers le Net, les individus se connectent sans avoir peur du « qu’en dira-t-on » car ils ont la possibilité de masquer leur identité, de la forger ou d’en créer une nouvelle, sans que cela ne soit mal interprété par leur entourage. Ils peuvent se connecter pour discuter avec autrui et partagent avec leurs proches cette nouvelle expérience qui permet à certains de rompre avec le sentiment de frustration causé par l’isolement du pays de la scène internationale depuis les années de crise. Ils peuvent découvrir et utiliser différentes interfaces (tchat, webchat, réseaux sociaux,…) qui permettent d’obtenir l’interactivité qui leur convient et consacrent temps et argent pour rencontrer d’autres personnes avec qui ils peuvent aborder des sujets qui les préoccupent à l’abri du regard d’une société « hantée » par l’interdit. Pour eux, le virtuel ne remplace pas le réel, mais il a l’avantage de leur permettre de faire ce qui peut être réprouvé par la société.

Certes, il y a dans les comportements des internautes des traces très présentes du lien social qui donne l’impression qu’ils sont parfois met’assbine « liés au social » pour reprendre la formule Khaldounienne, surtout lorsqu’ils réagissent quand les valeurs auxquelles ils sont attachés sont affectées. Les contradictions que nous pouvons constater parfois sont le résultat certain de la recherche du sens de sa propre culture pour faire face à cette modernité dans une société fragilisée par les années de crise. Le Net permet aux individus de se connecter loin du regard d’autrui, ce qui peut constituer pour certains une opportunité à saisir pour franchir les limites que la morale réprouve. Ils peuvent exploiter une forme de liberté qu’ils découvrent sur le Net en abordant les sujets généralement tabous tels que le sexe par exemple car, depuis quelques années déjà, Internet est associé aux sites pornographiques qui attirent beaucoup d’internautes séduits par la possibilité d’en parler sans être identifiés. Ils ont la possibilité de se livrer aux divers jeux que l’anonymat permet sans que leur intégrité physique ne soit atteinte, mais tous ne considèrent pas que le virtuel se résume à un simple amusement.

Pour certains, le Net peut constituer une opportunité à saisir, pour changer de comportement ou pour avoir des contacts, alors que pour d’autres il n’en est rien. L’anonymat sur Internet constitue pour les individus un ingrédient important pour contourner les formes de contrainte sociale et les normes de contrôle qui fixent les limites de ce qu’ils peuvent faire et de ce qu’ils ne doivent pas faire. Les individus intègrent dans leurs actions des significations qui se référent à l’espace dans lequel ils vivent. Ils sont liés au groupe dans leur quotidien et s’en éloignent pendant leur connexion pour accoster d’autres personnes dans le virtuel qui leur permet des possibilités parfois «impensables » dans le réel.

La rencontre : du virtuel au réel

Afin d’illustrer ces situations, nous proposons de citer quelques témoignages de tchatteurs que nous avons rencontré. Pour ce faire, des entretiens semi dirigés ont été organisés avec 19 tchatteuses et 20 tchatteurs dans 21 cybercafés de la capitale Alger. Vous verrez que lorsque les tchatteurs entrent en contact avec des correspondants inconnus, il leur est impossible de savoir si ces derniers ont les même intentions qu’eux. Un processus d’échanges s’engage et détermine la suite de la relation qui peut s’interrompre ou mener à la rencontre et devenir une relation d’amitié, une relation d’amour ou autre. Grâce à l’anonymat que procure le Net, la différence d’âge, le niveau d’études, l’occupation et la situation sociale des uns et des autres ne sont plus problématiques en soi, ce qui conduit des profils « parfois » opposés d’entrer en contact,
alors qu’il est d’usage dans la pratique de tous les jours que les individus gardent leurs distances. Un algérien peut parler avec une étrangère et une fille de l’est du pays peut parler avec un homme de l’ouest sans que la distance qui les sépare ne représente un frein à la relation.

Cette similitude dans les intentions est ce que nous définissons par la « synchronisation » qui signifie que des individus ont des intentions similaires, se rencontrent sur le Net et discutent ensemble, à l’image des gestes sportifs qui, lorsqu’ils sont bien exécutés, donnent lieu à un jeu d’équipe ou des paroles de chansons harmonieusement chantées qui sonnent aux rythmes des musiques,etc. Cette synchronisation sous-entend que les différentes parties sont en « harmonie » dans le jeu ou dans l’action, ce qui donne parfois lieu à des amitiés sérieuses, à des relations amoureuses et même à des mariages.

Farida, étudiante : « Dernièrement, j’ai rencontré une personne sur le Net. Quand je l’ai rencontré, il a flashé sur ma cousine ! C’est rare de trouver des gens biens sur le Net ».

Souad, la vingtaine : « Une fois, j’ai accepté un rendez-vous, il y a de cela trois ans. Bien sûr, le rendez-vous n’a pas été fixé au même jour. C’était trois mois après avoir discuté avec la personne ».

Karim, gérant de cybercafé : « Une fille d’Oran que j’ai rencontré sur Internet est venue ici sur Alger et je l’ai rencontré. On n’a fait qu’une sortie tous les deux mais je n’ai pas gardé le contact avec elle. Elle est donc retournée tranquillement à Oran ».

Amine, la trentaine : « Les personnes que j’ai rencontré sur Internet ?! Cela dépend, c’est discret et la plupart du temps, on fixe l’endroit tous les deux…on se décrit…on parle de tous les sujets ».

Mounir, étudiant : « J’ai connu une algérienne sur le Net. On s’est mis d’accord pour se voir et, finalement, il s’est avéré qu’on se connaissait déjà ! ».

Il arrive pourtant que ces rencontres ne correspondent pas aux attentes des tchatteurs qui s’investissent dans des relations avec leurs contacts et sont déçus à la suite de leur rencontre comme c’est le cas avec ces témoignages :

Nadia, étudiante : « J’ai fais deux rencontres auparavant, mais j’ai été déçue. J’ai discuté avec une personne pendant quatre mois et après le rendez-vous, ce n’était pas bon ! L’autre personne, je n’ai aimé ni son physique ni sa façon de penser ».

Lamia, étudiante : « J’ai été déçue par le physique du mec avec qui je discutais ».

Lamine, gérant de cybercafé : « J’ai rencontré via Internet une fille. C’était une étudiante, mais ça n’a pas duré ».

Samir, la vingtaine : « Pour un ami, ce n’était pas la bonne surprise, loin de là ! Quand il a vu la fille, il s’est sauvé en courant («ghir chafha hreb!!!») ».

Djamel, étudiant : « La première fois, j’ai été déçu. Elle n’était pas celle que j’imaginais. Quand on discutait, elle parlait de sa taille style mannequin mais quand je l’ai rencontré, ce n’était pas du tout mon style, surtout physiquement ».

Quel regard poser sur ces nouvelles pratiques ?

Ce tour d’horizon à propos d’Internet nous pousse donc à nous poser la question suivante : le système social en Algérie est-il plus contraignant que dans les autres sociétés pour y légitimer une approche qui s’appuie sur la contrainte sociale? Répondre par l’affirmative à cette question, c’est ignorer que les valeurs de la société ne sont pas rigides.

En effet, on peut comprendre que la nouveauté, telle que le numérique, peut affecter le quotidien au point de susciter l’intérêt des utilisateurs. Le rapport des individus avec Internet est un élément très important à étudier pour observer le climat social dans lequel ils vivent par rapport aux dimensions sociales et culturelles de l’Algérie. Les individus entrent en contact avec Internet, symbole d’une modernité «transmise » et réagissent en conséquence en lui associant les significations, les symboles et les valeurs qui correspondent à leurs repères. Internet constitue dans ce sens une lunette d’observation de la société, car il représente un espace incertain qui échappe aux règles sociales et où les acteurs tentent d’accroître une liberté d’action que le lien social tente de contrôler. Au contact du Net, les acteurs ont la possibilité de ne plus être passifs et peuvent ainsi définir leur propre manière de consommer et réagir en conséquence.   (suite p.5)



Les internautes ouverts aux sites de rencontres en dépit des risques

Afin d’avoir une idée sur la manière dont sont perçus les sites de rencontres par les internautes algériens, nous avons lancé un mini sondage sur Internet auquel ont répondu 225 personnes. Même si l’échantillon choisi est limité en nombre, il révèle tout de même quelques éléments intéressants susceptibles d’être extrapolés sur une population plus large.

Les sondés, 136 femmes et 88 hommes, sont des lecteurs de N’TIC Magazine et figurent dans la liste des fans de sa page Facebook. La tranche d’âge des personnes interrogées est de 18 à plus de 55 ans avec un taux de 51% pour les 18-25 ans. D’autre part, 84% des sondés sont célibataires contre 14% de personnes mariées et 2% divorcées ou veuves. 32% des internautes questionnés sont actuellement sans emploi. 69% des internautes ayant répondu aux questions disent s’être déjà connectés sur des sites de rencontres. Parmi les personnes ayant visité ce genre de sites, 68% disent s’y connecter souvent.

11% disent se connecter très souvent au moment où 11% se connectent rarement à ces sites. Les « tchatteurs » privilégient, dans l’ordre, les réseaux sociaux, MSN, Skype et les sites de tchat. Il apparaît, en outre, que les internautes se connectent essentiellement sur les sites de rencontres pour communiquer avec leurs amis ou pour en faire de nouveaux tandis que 49% des sondés disent s’y connecter pour trouver un partenaire à long terme. La majorité des internautes interrogés pense qu’il est possible de faire des rencontres plus ou moins intéressantes sur ces sites. Les sites de rencontres peuvent également servir à autre chose qu’aux rencontres. En effet, 22% des internautes ayant répondu au questionnaire disent visiter ces sites, entre autres, pour récolter des informations sur différents sujets en rencontrant des personnes susceptibles de les informer. Il semblerait que cet objectif soit secondaire puisque c’est au fil des conversations que ces internautes découvrent des personnes exerçant la même profession ou étudiant dans la même spécialité.

Par contre, 19% estiment que ces sites ne sont rien d’autres que des repères de pervers et de mythomanes. Pour les plus sceptiques, on ne peut jamais se fier à une personne cachée derrière son ordinateur. 12% considèrent que c’est « dégradant» de chercher un partenaire sur Internet. Justement, 15% des personnes sondées disent avoir fait plusieurs mauvaises rencontres sur ces sites. 36% ont, quant à eux, fait quelques rares mauvaises rencontres. 54% pensent que chercher un partenaire sur le Web pourrait être amusant et l’assimile plutôt à un jeu alors que 37% disent que tout est valable quand il s’agit de chercher un partenaire à long terme. Par ailleurs, 8% affirment avoir eu de sérieux problèmes à cause des sites de rencontres. Les problèmes les plus fréquents sont le harcèlement, la jalousie du conjoint, les insultes ou encore l’utilisation d’informations privées sur Internet par autrui.

Sur un autre plan, 63% des internautes préfèrent prendre leur temps avant de passer à la rencontre réelle. 8%, en revanche, estiment que le rendez-vous réel doit se faire le plus tôt possible. Bon nombre des habitués des sites de rencontres privilégie, comme deuxième étape au dialogue sur ces sites, les communications téléphoniques ou l’échange d’e-mails. D’un autre côté, 39% des personnes interrogées ne voient pas d’inconvénients à dévoiler des informations personnelles à leurs correspondants. Les données personnelles peuvent ici inclure des photos du tchatteur. En dépit des risques, la plupart des internautes questionnés trouvent les sites de rencontres intéressants et susceptibles de leur permettre de rencontrer un partenaire à plus ou moins long terme. Beaucoup de personnes n’ignorent pas les risques susceptibles d’être générés par les rencontres sur Internet mais considèrent que ces risques restent minimes comparé aux côtés positifs des sites de rencontres.

Les personnes optant pour les sites de rencontres sont soit des personnes généralement occupées et ne pouvant, donc, pas trouver le temps de se mettre à la recherche d’un partenaire dans la vie réelle, soit des personnes ne possédant pas la facilité naturelle d’entrer en contact avec des inconnus. Pour cette catégorie de gens, les sites de rencontres restent le moyen idéal d’entrer en contact avec d’éventuels futurs partenaires à moyen ou à long terme. La rareté des endroits permettant de se rencontrer représente un élément supplémentaire favorisant l’utilisation des sites de rencontres.

N'TIC 56 / JUIN 2011