Les réseaux sociaux sur Internet : Eldorado ou chimère?

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L’Europe hausse le ton

La commissaire européenne chargée de la Protection des consommateurs, Meglena Kuneva, a haussé le ton face aux grands acteurs de l'Internet. Lors d'une table ronde organisée dernièrement à Bruxelles, la Commission a sommé les professionnels de l'Internet de discipliner la collecte d'informations personnelles sur les internautes à des fins commerciales.

Dans le collimateur de la commissaire : les moteurs de recherche comme Google, les réseaux sociaux en ligne comme Facebook, les sites de commerce en ligne comme Ebay, les opérateurs comme Telefonica.
La Commission part d'un constat : aujourd'hui, se connecter sur l'Internet, c'est renoncer à l'anonymat. Or, les internautes ne sont pas toujours conscients que les sites qu'ils visitent, leurs achats en ligne, les informations fournies sur les réseaux sociaux permettent à des entreprises de collecter des données sur eux. Dans le but de les agréger pour constituer des profils qui sont ensuite utilisés, par exemple, pour cibler la publicité.

"Tout ça c'est de l'argent, beaucoup d'argent", soulignent les services de Meglena Kuneva. "Mais les gens n'en sont pas conscients. On ne sait pas qui collecte quoi et à quelles fins". "La situation actuelle n'est pas satisfaisante", a donc averti la commissaire. "Les droits fondamentaux des consommateurs en termes de transparence, de contrôle et de risque sont violés et cela ne peut plus durer".
Un exemple ? La décision récente de Facebook de s'octroyer une "licence perpétuelle et mondiale" sur tous les contenus publiés sur son réseau. Le tollé qui a suivi a finalement contraint le site de réseau social à faire marche arrière.

"Je vous adresse une mise en garde aujourd'hui. Si aucune réponse claire n'est apportée sur nos préoccupations concernant la collecte de données et l'établissement de profils, alors nous agirons. Nous n'attendrons pas un cataclysme pour nous réveiller", a menacé la commissaire. Elle n'a pas donné de date, mais ses services ont précisé qu'elle attendait des résultats dès 2010. A côté de ces inquiétudes, se profilent également des doutes, dans les milieux des investisseurs sur la viabilité économique de ces sites sociaux.

Le ralentissement économique associé aux nombreuses incertitudes quant à la rentabilité des modèles économiques frappe de plein fouet le développement des sites de "réseautage social". Malgré l'extraordinaire engouement des internautes pour ces sites, c'est l'ensemble de cette jeune industrie des réseaux sociaux qui pourrait s'écrouler.
Plusieurs de ces entreprises ont récemment dû revoir leurs ambitions de développement à la baisse.
Ainsi, le troisième site de réseautage social au monde, HI5 (prononcez High Five) a annoncé en octobre dernier une réduction d'effectif de 10 à 15 %. En novembre, c'était au tour des réseaux sociaux professionnels LinkedIn et Jive d'annoncer des diminutions d'effectifs de respectivement 10 % et 40 %, un indice que les remous de la crise économique atteignent désormais les acteurs de la bulle créée par le web 2.0 (l'ensemble des applications Internet permettant aux internautes d'interagir à la fois avec le contenu des pages mais aussi entre eux).

Bien entendu, les géants du social networking, MySpace et Facebook, avec respectivement 750 et 300 millions de dollars de chiffres d'affaires, semblent mieux armés pour résister à la tempête. LinkedIn au contraire, avec un chiffre d'affaires estimé entre 75 et 100 millions de dollars pour 2008, dispose d'une marge de manœuvre plus limitée, et a donc été amené à réduire ses coûts.
Le risque majeur aujourd'hui est lié au fait que la valeur de ces sites de réseautage social est principalement fondée sur des spéculations boursières, chacun misant sur une augmentation exponentielle du nombre d'utilisateurs dans l'attente de l'émergence d'un modèle économique rentable. Les investisseurs étant plus que jamais prudents en cette période de fragilité des marchés, la croissance des réseaux sociaux est désormais compromise, érodant de ce fait la valeur de ces entreprises sur les marchés. Les investisseurs s'interrogent sérieusement sur le modèle économique de ces sites ainsi que sur leur capacité à créer du chiffre d'affaires. Certaines sociétés ont bien tenté différentes approches et applications publicitaires, mais le retour sur investissement reste limité. Les modèles de financement par la publicité n'ont pas eu, à l'instar d'un Google, de réel succès sur les sites de réseaux sociaux.

Il est vrai qu'un utilisateur de Google est plus susceptible de se laisser tenter par une publicité, qui plus est correspond à sa recherche, qu'un internaute se rendant sur Facebook pour communiquer avec ses amis. Il est ainsi paradoxal de constater que moins de 1 % du budget total de la publicité numérique converge vers les sites de réseautage social alors que 37 % des internautes adultes et 70 % des adolescents les utilisent régulièrement. Cependant, la viabilité économique du web 2.0 pourrait bien se trouver dans sa capacité de générer du marketing direct ou du ciblage comportemental. Ces informations pourraient alors être monétisables par la publicité hors du seul circuit d'un site communautaire. De l’avis de beaucoup d’experts, en tout cas, la crise économique actuelle aidera à voir plus clair dans ce monde des réseaux sociaux qui soit trouveront leur raison économique, sinon devront subir les affres de l’inconséquence économique.

Source: El Moudjahid