Le paiement sur Internet en Algérie : enfin, la délivrance !

Numéro dossier: 101

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Entretien avec Mouatassem BOUDIAF, Directeur Général de GIE-MONETIQUE

« J’espère que dans 5 ans, tous les Algériens seront dotés d’au moins une carte de paiement et qu’ils en feront usage une à deux fois par mois »


Mouatassem Boudiaf est le directeur Général de GIE MONETIQUE, le groupement d’Intérêt Economique de la monétique créé dans le but d’assurer la régulation, la normalisation du système monétique et d’assurer la convention, la diffusion et la représentation de ce système. Dans cet entretien accordé à notre magazine, le premier responsable de la GIE nous dresse un tableau de l’état du e-paiement en Algérie.



Monsieur Boudiaf, parlez-nous de GIE Monétique.

Le Groupement d'Intérêt Economique de la Monétique a été créé avec l’appui des pouvoirs publics et avec la participation de la Banque d’Algérie. Il y a plusieurs périmètres dans lesquels nous opérons. Le GIE a pour objectif d’assurer la régulation, la normalisation du système monétique et d’assurer la convention, la diffusion et la représentation de ce système. Pour que nous puissions mettre en oeuvre le paiement par carte, nous nous devons d’assurer un certain nombre de fonctions dont celle de définir les spécifications techniques de tout matériel ou logiciel devant construire et constituer le système monétique. Par conséquent, si nous définissons ces spécifications, nous allons devoir nous prononcer sur la conformité d’un présumé équipement ou logiciel qui serait conforme. Le GIE va certifier, agréer, homologuer tout matériel et logiciel, devenant ainsi l'autorité de certfication dans le monde de la monétique en Algérie. Ensuite, nous devons aussi définir les nouveaux produits monétiques et leur adosser des procédures d’exploitation. Le e-paiement est par exemple un nouveau produit aujourd’hui et nous nous devons de lui adosser une mégaprocédure qui va dérouler tout le process d'usages et de bonnes fins transactionnelles. Enfin, le Groupement veille aussi au respect de la sécurité de ce système de paiement par carte. Il faut savoir que l’interbancarité va s’appuyer sur une plateforme d’autorisation interbancaire. Nous avons décidé de déléguer cette mission à la SATIM qui va devoir la rehausser à des niveaux et à des standards qui vont devoir supporter la capacité volumétrique de ce projet et son niveau de sécurité.

Parlez-nous du travail que vous êtes en train d'effectuer, de vos réalisations.

Le Groupement est passé par deux phases. Le premier semestre était consacré à la création du GIE qui a coïncidé avec le deuxième semestre 2014. Cette période était consacrée essentiellement à l’aspect administratif et logistique du Groupe qui a été opérationnel dès janvier 2015. Le plan d’actions a tout de suite été mis en oeuvre avec un dossier prioritaire qui a été amorcé, celui du paiement sur Internet. A suivi une question : est-ce que le paiement sur Internet était réglementé ou pas ? On s’est rendu compte que Non et il a fallu beaucoup de temps pour qu’il soit encadré. Le Groupement s’est alors proposé de construire une alternative à travers un recueil documentaire interbancaire sur lequel on pourrait s’appuyer pour lancer progressivement sur Internet le paiement par carte.

Quelques initiatives sont en cours notamment du côté des opérateurs et des banques. Sur quel ancrage juridique se basent-ils ?

Il faut savoir qu’aujourd’hui, il ne devrait pas y avoir de paiement sur Internet. En principe, il n’y en a pas sauf pour un opérateur que je ne veux pas citer et avec lequel nous avons décidé de faire des tests pilote et de s’appuyer sur les retours d’experts pour avancer. Aujourd’hui, nous avons besoin de ce recueil documentaire qui a été finalisé en avril et qui a été transmis afin qu'il soit adopté par le comité de normalisation de la Banque d’Algérie qui promulguera un certain nombre de nouvelles normes. Seulement à ce moment-là, on pourra mettre en ligne le paiement sur Internet, qui devrait arriver en 2015.

Pouvons-nous en savoir plus ?

Les sociétés qui vont bénéficier prochainement du paiement sur Internet sont dans une première phase les grands facturiers : les sociétés de distribution d’eau, d’énergie (gaz et électricité), de téléphonie fixe et mobile, les compagnies d’assurances et de transport aérien, et quelques administrations (administration fiscale, le Trésor et les douanes) dans un premier temps, et les autres sociétés de service dans un second temps. Ensuite, dans une deuxième phase, le service sera élargi à tout ce qui est produit et matériel. Aujourd’hui, quand on parle de e-commerce, il y a 2 périmètres qui viennent se superposer dont le périmètre relatif au commerce et qui relève du Ministère du Commerce. La vente à distance n’est pas encadrée en Algérie car pour ce faire, on a besoin de s’appuyer sur les textes d’application de la loi portant sur la certification et la signature électroniques. Ce périmètre n’est pas le nôtre. Celui qui nous concerne est celui du paiement où l’on agit avec l’appui des pouvoirs publics et l’approbation de la Banque d’Algérie qui examine actuellement le recueil que nous lui avons remis. Elle reviendra vers nous pour une approbation totale ou partielle. L'intérêt de proposer ce type de prestation destination des grands facturiers a un intérêt commun pour les uns et pour les autres. Le premier intérêt est que nous allons nous appuyer sur des entreprises citoyennes. Ensuite, il s’agit de sociétés à densité de porteurs qui vont nous permettre de densifier notre réseau de porteurs, ce qui est très important. L'intérêt pour ces entreprises est de désengorger leurs guichets. Ils n’auront plus besoin d’envoyer les factures par courrier, le client y aura accès sur un portail et pourra la régler de suite.

Justement, les partenaires que vous avez choisi auront leur propre portail ou s’appuieront-ils sur des solutions déjà existantes ?

Il y aura un portail web pour chaque société. L’intégration de ce portail sur la plateforme interbancaire sera validée par le Groupement. Il y a un recueil documentaire qui définit toutes les étapes et qui stipule qui fait quoi, qui signe quoi. Cela ne se fait donc pas de manière anarchique. Nous savons ce que la banque doit faire avec son client, ce que la banque doit faire avec la SATIM, ce que la SATIM doit dérouler comme tests préalables à l’intégration d’un site web marchand, etc. Cela va nous permettre à nous de consolider tous ces documents et de prononcer soit une autorisation soit un refus.

Quand la 2ème phase sera lancée, n'avez-vous pas peur d'être submergé de demandes de web marchands ?

Dans la première phase, cela n’arrivera pas car les grands facturiers se comptent sur les doigts de la main. Pour la deuxième phase, nous ne nous inscrivons pas dans une démarche limitative, au contraire. La plateforme interbancaire est appelée à évoluer en capacité de volumétrie.

Parlons de Terminaux de Paiement Electronique (TPE). Comment développer ce moyen de paiement sachant qu'on rencontre une certaine crainte du côté des commerçants ?

Il y a plusieurs raisons concernant le rejet de ce système de paiement. Le problème majeur est l’information, la communication. Nous avons quelques 3 000 TPE et 120 seulement ont généré une transaction en 2015. C’est très inquiétant quand on sait que nous avons un peu plus de 1 300 000 porteurs de cartes de paiement en activité en 2015, et qu’il n’y a que quelques milliers de transactions qui ont été effectuées. Il y a de quoi se poser des questions. Les Algériens ne savent pas tous que leur carte est une carte de paiement. Nous avons aussi besoin d'instaurer une confiance dans l’usage de cette carte en vantant ses mérites. Il faut aussi former les commerçants. Je vous assure que 9 fois sur 10, les gens ne savent pas utiliser le TPE. Nous allons mettre en place des actions de sensibilisation via des supports audiovisuels et papiers, et les mettre à la disposition des acteurs concernés.

Aujourd'hui, toutes les banques sont-elles prêtes à se lancer dans le paiement sur Internet ?

Quand vous allez effectuer votre paiement sur Internet, vous allez devoir insérer le numéro de votre carte, les chiffres se trouvant au dos de la carte (cryptogramme), ainsi qu’un mot de passe que votre banque devra vous fournir. Le Groupement demande aux banques de commencer à diffuser les mots de passe aux porteurs de cartes. Je voudrais en profiter pour lever une confusion dans l’esprit de vos lecteurs. Il faut qu’ils sachent que nous allons ouvrir le paiement sur Internet. Cela ne veut en aucun cas dire qu’il y aura de suite généralisation de ce moyen de paiement. Cela veut dire qu’il y a possibilité pour les sociétés concernées d'offrir ce service. On ne peut pas parler maintenant de généralisation car c’est encore un chantier. Tout n’est pas encore prêt. Nous allons démarrer avec deux opérateurs téléphoniques, une compagnie aérienne et une société de distribution. Concernant les autres sociétés, nous sommes derrière elles et nous essayons de les booster un petit peu pour qu’elles se lancent.

Le fait que 99% des sites algériens qui vont peut-être faire du e-commerce par la suite ne soient pas hébergés en Algérie, consitue-t-il un frein selon vous ?

C’est un gros problème, oui. Exiger que le site soit hébergé en Algérie serait l’idéal mais il ne faut pas non plus que cela devienne un fardeau. Nous n’avons sérieusement pas encore tranché concernant cette question, elle est en suspens. Elle ne concerne pas les grands facturiers donc on verra par la suite.

Si l'on voit ce qui se passe dans les pays voisins, il n'y a pas photo. Malgré ce que l'on entend, le paiement électronique stagne. Qu'est-ce qui pourrait booster les choses ?

J'ai beaucoup de respect pour mes confrères marocains et tunisiens mais je pense qu'aujourd'hui, on a besoin les uns comme les autres de se retrousser les manches et d'aller identifier les raisons de cet échec quant à l'usage de la carte. Cela afin que nous puissions réunir les conditions nécessaires à la généralisation de l'usage de la carte de paiement. Pourquoi ? Parce que nos concitoyens, que ce soit ici ou ailleurs, sont friands de nouvelles technologies. Il n'y a qu'à voir l'appropriation du GSM, de la 3G, d'Internet, des réseaux sociaux et de la fréquence d'interaction sur ces sites. S'il y a quelqu'un qui n'a pas su encadrer cette envie technologique pour généraliser le paiement par carte, c'est bien nous. Je suis ravi de voir que les pouvoirs publics ont décidé enfin de créer cet organe de régulation et j'espère que dans 5 ans, tous les Algériens seront dotés d'au moins une carte de paiement et qu'ils en feront usage une à deux fois par mois, sans courir le moindre risque.