L'An 1 de la 3G en Algérie : de grandes attentes et des perspectives prometteuses

Numéro dossier: 96

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Une année s’est déjà écoulée depuis que la téléphonie mobile de troisième génération a été lancée en Algérie. Après dix années d’attente, les Algériens ont enfin eu la chance d’avoir accès à la connexion haut débit « 3G » qui les faisait rêver depuis des années.

 

Il faut dire que l’arrivée de la 3G a nettement contribué dans la naissance du contenu DZ, un contenu développé par des Algériens pour des Algériens. Un autre phénomène intrinsèquement lié aux changements d’habitude opérés par l’arrivée de la 3G est celui de la démocratisation des smartphones et des tablettes qui se vendent, depuis une année, et de l’avis de plusieurs vendeurs traditionnels, comme des petits pains. Aujourd’hui, une année après le lancement de la 3G dans notre pays, quel bilan peut-on dresser ? Le déploiement de la 3G a-t-il été suffisamment satisfaisant durant cette période ? Qu’est-ce qu’a apporté l’avènement de la 3G en Algérie? Comment peut-on évaluer l’évolution du contenu DZ ? Nous tenterons de répondre à toutes ces questions à travers ce dossier.

La Ministre de la Poste et des Technologies de l’Information et de la Communication, Zohra Derdouri, n’a pas manqué d’afficher sa satisfaction quant au déploiement de la téléphonie mobile 3G en Algérie qui progresse, selon elle, de façon « satisfaisante ». Satisfaite de voir que les différents opérateurs de téléphonie mobile ont tenu leurs promesses, Mme Derdouri a affirmé que l’Autorité de Régulation de la Poste et des Télécommunications (ARPT) a pu constater que les opérateurs ont avancé dans le déploiement de la 3G à travers les wilayas programmées pour la première année.

Rappelons à ce propos que l’ARPT a prévu dans son cahier des charges initial toutes les conditions nécessaires pour une couverture « optimale » du territoire national au bout de 7 ans par le réseau 3G. Selon l’ARPT, pour remplir la totalité des obligations, la couverture territoriale doit être étendue au terme de la septième année à : 95% des agglomérations de plus de 2 000 habitants du pays, à toutes les zones industrielles et zones d’activités, toutes les gares routières et ferroviaires, ports et aéroports.

Pour mesurer le déploiement de la 3G en Algérie, l’Autorité de Régulation de la Poste et des Télécommunications a, de son côté, lancé en début décembre un avis d’appel d’offres national et international restreint pour l’évaluation du déploiement de la 3G. L’ARPT a indiqué sur son site que cet appel d’offres concernait la « réalisation de mesures d’évaluation et d’audit de la couverture et de la qualité de service des réseaux 3G des opérateurs mobiles au titre de la première année ». Cet appel d’offres s’adresse aux entreprises dûment qualifiées disposant d’une expérience avérée dans la réalisation des mesures d’évaluation de la couverture et de la qualité de service des réseaux de télécommunications, et qui justifient des capacités juridiques, techniques et financières requises, note-t-elle. L’ARPT n’a pas manqué de souligner l’avancement des opérateurs dans le déploiement de la 3G à travers les wilayas programmées pour la première année.

Contenu DZ, quelles avancées depuis une année ?

Depuis l’avènement de la 3G, la toile algérienne commence à prendre forme. Chaque semaine, naît sur le Web une nouvelle réalisation, blog, vidéo, musique, application, site de e-commerce made in DZ. Cependant, la question que nous voudrions nous poser, à travers ce dossier, est qu’entend-on exactement par le contenu DZ ? Pourquoi doit-on le développer ? Quel bilan peut-on faire du contenu DZ depuis le lancement de la 3G ?

D’abord, il faut savoir que le contenu DZ est tout contenu high-tech développé par les Algériens pour les Algériens. Dans ce domaine, il est vrai que la toile algérienne commence à voir la naissance de ce type de contenu, mais leur nombre est-il suffisant ? Plusieurs experts s’accordent à dire que le contenu DZ demeure pauvre et ce, en raison de plusieurs facteurs dont principalement les difficultés culturelles, car ce type de contenu n’est pas ancré dans notre culture, bien que la demande de la nouvelle génération se fait de plus en plus sentir.

Il faut dire, par ailleurs, que ce type de technologie est nouveau en Algérie. Nous sommes en effet les derniers à utiliser cette technologie comme vecteur de développement, ce qui explique pourquoi nous ne pouvons pas adopter ce qu’on ne connaît pas. La pauvreté du contenu DZ s’explique également par le fait que plusieurs algériens ne voient pas l’intérêt de ce type de solution ce qui pousse nos ingénieurs à se diriger vers des créneaux plus porteurs (souvent n’ayant aucun rapport avec les nouvelles technologies).


D’un point de vue économique, le contenu DZ ne se développe pas en Algérie et ce, en raison du manque de terminaux primordiaux à son exploitation à des prix en inadéquation avec le pouvoir d’achat de la masse. Il faut dire aussi que l’Algérie est nouvellement initiée au monde des nouvelles technologies et que la 3G qui permet un meilleur débit vient tout juste de se frayer une place chez nous, ce qui explique le retard considérable dans le développement de ce domaine chez nous. Pour de nombreux experts, l’avenir s’annonce plein d’espoir en dépit des obstacles et des facteurs qui bloquent à ce jour le développement du contenu DZ en Algérie.

Il faut rappeler que l’ARPT, au moment de lancer l’appel à la concurrence le 1er août 2013 pour l’attribution des licences 3G+, a exigé des opérateurs de téléphonie mobile d’être présent sur tout le territoire national dans un délai de 5 ans après l’attribution définitive des licences, et 7 ans pour assurer la couverture totale du  territoire national. Cette durée semble suffisante pour le développement du contenu de la toile algérienne et des applications destinées aux Algériens.

« La 3G pousse vers l’avant, c’est indéniable mais pas suffisant »

Anis Souilah est architecte de formation. Passionné d’IT depuis longtemps, il lance en 2011 avec deux associés AZ Network, une entreprise spécialisée dans la réalisation de contenu digital, dont les applications mobiles, les jeux Facebook, les sites internet, etc. Depuis la création de cette entreprise, plusieurs applications mobiles ont été créées par les équipes d’AZ Network, et plusieurs projets sont en passe de l’être. Pour le jeune concepteur de contenu digital, la 3G est en voie de développement en Algérie, même si le processus connaît quelques lenteurs en raison de plusieurs obstacles.

Une année après le lancement de la 3G, pensez-vous que cela apporte un enrichissement dans le contenu DZ ?
 
Indéniablement. La 3G pousse les différents acteurs IT en Algérie au travail, à l’innovation, à la création de contenu, etc. C’est incontestablement un catalyseur. Reste à savoir si c’est le bon rythme et la bonne direction.

Parlez-nous un peu des applications web, desktop ou mobiles faites par des algériens pour les consommateurs algériens. Peut-on estimer que ce créneau évolue en Algérie ?

Evidemment. Malgré les difficultés, des irréductibles s’y mettent. Comme nous. Il n’y a qu’à visiter les différents stores pour voir foisonner les applications mobiles algériennes. Et il y a de tout. Chez AZ Network par exemple, nous avons réalisé une série d’applications. Notre produit phare étant Even App, une application dédiée aux salons, congrès, Khaimates et autres événements. Nous avons également développé des appli pour la prise de rendez-vous, des jeux Facebook aussi. Et nous sommes loin d’être les seuls sur le marché.

Est-ce que ce créneau évolue ?

D’une manière ou d’une autre oui. Ne serait-ce que par la capitalisation de la compétence, qui engendre une baisse des prix et une amélioration de la qualité des produits. C’est en tout cas le cas chez AZ Network.

Plusieurs experts ont fait part d’un contenu DZ encore pauvre. Quelles sont les causes à votre avis ?

Il faut mettre les choses dans leur contexte. Nous n’en sommes qu’au début. Je pense qu’il est trop tôt pour s’attendre à un contenu totalement mûr et utile pour ce qui est des applications mobiles. Que ce soit du côté des développeurs ou des consommateurs, les deux misent pour l’instant sur des appli dites distractives (jeu, divertissement, blagues, recettes de cuisines, etc). C’est tout à fait normal pour un début. Très peu d’entreprises se lanceront dans des applications élaborées, coûteuses et difficiles à mettre en place alors que le marché n’est pas spécialement prêt pour cela. De plus, des applications hyper utiles ou industrielles, qui donneraient les horaires des trains, ou des avions, ou permettraient de réserver des places de concerts, de parking, demandent l’engagement de parties prenantes (SNTF, compagnie aérienne, organisateur de concerts, etc). Mettre tout cela en branle est laborieux et demande du temps.

Quels sont à votre avis les mécanismes nécessaires pour développer ce contenu ?

Il y a plusieurs leviers pour développer le contenu en Algérie. En premier, les business Angel et fonds d’investissements pour financer les projets les plus intéressants. En 2, les concours, les compétitions, les appels à projets pour pousser à l’innovation et à la création. En 3, la formation, pour créer de la ressource humaine compétente dans le domaine.

Pourquoi, en dépit de l’avènement de la 3G, notre système bancaire demeure en décalage avec les nouvelles technologies? Pourquoi n’avons-nous pas encore de e-paiement, pas de e-banking, pas même de paiement par carte ?

En fait, contrairement à ce que les gens pensent, tous ces systèmes existent et sont fonctionnels en Algérie. Des banques algériennes permettent déjà de faire des paiements en ligne (e-paiement), des opérations bancaires via son PC (e-banking) et même le paiement par carte. Le souci, c’est l’échelle à laquelle tous ces systèmes fonctionnent (très petite échelle). La généralisation de ces systèmes relève d’une volonté politique qui elle-même subit des pressions notamment de la part du secteur informel. Rappelez-vous il y a quelques années, lorsque les autorités ont tenté d’imposer les chèques pour les paiements de plus de 500 000 dinars. Une levée de boucliers d’une grande partie des acteurs de l’économie nationale avait fait reculer les autorités. Ceci dit, l’avènement de l’e-paiement, de l’e-banking et du paiement par carte est indéniable. C’est juste une question de temps.

Le lancement de la 3G devait pousser les acteurs IT à développer le contenu DZ. Vrai ?

Les applications mobiles algériennes existent bien avant l’avènement de la 3G, mais cette dernière devait pousser les acteurs IT en Algérie à faire mieux et plus. Un an après, le résultat est sans appel. La 3G pousse vers l’avant, c’est indéniable, mais pas suffisant.

Comment pensez-vous que l’avenir du contenu DZ en Algérie va évoluer ?

Le contenu DZ évoluera selon la bonne volonté de ses acteurs. L’implication des autorités est utile, nécessaire et souhaitable, mais il ne faut pas l’attendre. Les acteurs IT doivent créer, innover, se tromper, développer, etc, pour tirer vers le haut ce contenu créateur de richesse.

Quelles sont les préférences des développeurs ?

Les développeurs sont pour leur grande majorité des étudiants. Ils travaillent seuls, n’ont pas beaucoup de moyens et encore moins d’expérience. Ils se lancent logiquement dans des applications simples, et qui ne demandent pas de moyens. C’est le cas des jeux, des applications de loisirs et de divertissements. La création d’équipes pluridisciplinaires pourrait changer la donne à l’avenir.