Applications mobiles et contenu DZ : du made in Algeria et des thématiques d'avenir

Numéro dossier: 78

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Au commencement, les premiers kits de développement d’applications pour iOS sont distribués. Un pas décisif est franchi, et il sera vite emboité par Android et Windows Phone. L’ère des applications mobiles voit le jour, bouleversant non pas seulement une industrie, mais aussi le quotidien de millions d’utilisateurs. Les apps ont changé leur façon de s’informer, de communiquer, de travailler, et de se divertir. Un modèle économique est né, et il marche sur ses deux pieds : l’internet mobile et l’e-paiement. Voilà qui en ferait un cul-de-jatte en Algérie ! Où en est-on quant à la production d’applications mobiles ? Quels secteurs risquent d’être chamboulés par le développement de ces nouveaux services ? Ces questions guideront le dossier du mois, mais d’abord, tâchons de savoir qui de l’oeuf ou de la poule doit arriver en premier.

 


Applications locales ou 3G : qui doit arriver en premier ?

Si la question vous paraît absurde et la réponse évidente, sachez que les plus hauts responsables en matière de TIC ne l’entendent pas de la même oreille. « Si l’Algérie a engagé de grands efforts matériels et humains pour donner une assise aux TIC, notamment en modernisant les infrastructures des télécommunications, il nous reste encore beaucoup à faire pour développer un contenu algérien et fournir des services effectifs tournés vers les besoins du citoyen », selon notre Ministre de la Poste et des Télécommunications.

Bien sûr, le contenu déjà existant (celui auquel on accède par ADSL), comme les réseaux sociaux, la connaissance universelle, les lol cats, et tout ce qui fait le Web, mérite déjà en tant que tel d’être accessible par l’internet mobile à haut débit. L’expérience d’autres marchés émergents a démontré que le smartphone est pour beaucoup la seule fenêtre vers le Web. Le Maroc ne comptait-il pas une majorité des connexions à Internet (63%) à travers la 3G dès l’année 2009 ?

Par contre, en ce qui concerne les applications mobiles, contenu par excellence pour smartphones et tablettes, la 3G/4G et le paiement électronique ne sont pas dispensables. Qui ira investir des ressources humaines et matérielles à développer un service qui dépend d’un moyen de paiement indisponible et qui ne peut être consommé que sur mobile devices ?

Prenons l’exemple d’une application permettant de guider un touriste à Oran, il y trouverait une carte locale avec l’ensemble des points d’intérêt de la ville, ainsi que des enregistrements audio en plusieurs langues qui se déclenchent automatiquement quand il s’approche d’un site historique, grâce au GPS de son smartphone. Voilà le genre de services qui sont tout bonnement impossibles à mettre en place pour le moment, d’abord parce que l’application de guide touristique, si elle est sur un magasin virtuel, ne pourra rapporter de l’argent qu’à travers des transactions en ligne, et ensuite parce qu’il faudrait que notre touriste soit connecté à Internet pour
faire fonctionner le schmilblick.

Prétendre que la production de contenu n’est pas freinée par le manque d’infrastructures, ou qu’elle doit les précéder, relève d’une profonde méconnaissance des nouvelles mécaniques de consommation et des changements d’habitudes qu’elles présupposent. Sans produire la moindre ligne de code source, le passage à la 3G ouvrira déjà les portes de Foursquare, réseau social basé sur la géolocalisation, améliorera les applications de navigation et de trafic routier et permettra aux PMI d’accéder à des moyens de communication et de travail collaboratif sur le Cloud dont les retombées économiques sur le pays excèdent les intérêts de n’importe quelle grande entreprise… suivez mon regard.

En attendant que le verrou soit levé, des petites mains travaillent dans l’ombre pour fabriquer des apps made in bladi. Ceci est une excellente nouvelle, car elle témoigne de la disponibilité de talents et de ressources humaines à même de relever le défi lorsque la demande en matière d’applications explosera. Outre des initiatives au long cours, comme les DevCamps de Microsoft qui occuperont la prochaine partie de ce dossier, des évènements plus sporadiques gravitent autour des applis mobiles. Le dernier en date est le BeMyApp (BMA), un week-end dédié à la production d’applications qui a clôturé Algeria 2.0.

C’est Abdellah Mallek, City organizer du BMA et chargé des relations extérieures à Algeria 2.0, qui nous en parle.



BeMyApp : un concours où les idées prennent vie…en 5 questions

BeMyApp est un concours qui voit s’affronter des applications mobiles codées en 48 heures. Des porteurs de projet et une armada de développeurs peaufinent leurs présentations devant un jury d’experts, et clignent de l’oeil au monde de l’entreprise. Au-delà du challenge, BeMyApp est une démonstration de force quant aux compétences que recèle ce marché, et révèle des perspectives pour start-uppers et PME.

1- NTIC: Comment BeMyApp a vu le jour en Algérie, et comment en résumeriez vous le but ?

Abdellah Malek : « Les weekends BeMyApp connaissent un tel engouement de par le monde (USA, France, Italie, Maroc, Tunisie, Angleterre, Allemagne, Estonie et Brésil) qu’il était difficile de ne pas y penser. L’usage des smartphones étant de plus en plus généralisé en Algérie et le lancement de la 3G étant prévu (enfin, d’après ce qu’ils disent !), nous avons été persuadés que BeMyApp rencontrerait un grand succès auprès de la population, notamment des jeunes qui s’intéressent de plus en plus aux technologies mobiles. Le but a été d’intégrer l’Algérie à ce mouvement mondial qu’est BeMyApp, et de faire savoir au monde que beaucoup de talent est présent en Algérie, à l’instar de nos voisins, le Maroc et la Tunisie (où BMA a déjà été organisé). Donner la chance à tous ces développeurs et porteurs d’idées, de prouver leur talent et de faire partie d’une aventure mondiale.
Il faut noter l’implication des sponsors (Samsung et Djezzy) et des partenaires dans la réalisation de l’initiative (franchement, Samsung nous a beaucoup encouragés) ».

2- N’TIC : Combien de développeurs ont participé au concours ? Etaient-ils les seuls à y participer ?

Abdellah Mallek : « Il y a eu bien évidemment des développeurs, qui étaient au nombre de 27, mais pas uniquement ! L’esprit BeMyApp est de réunir différents talents autour d’un projet commun: le développement d’une application mobile. Celle-ci doit d’abord fleurir dans l’esprit d’un porteur d’idée, mûrir en passant dans les mains d’un spécialiste du marketing et voir le jour grâce au talent d’un développeur et d’un designer. C’est le fruit d’une réflexion combinée ! »

3-N’TIC : Pouvez-vous citer deux ou trois applications que des participants ont fabriqué dans le passé ?

Abdellah Mallek : « El Watan, El Khabar, El Heddaf, Algerielle, La Tribune, dz news, Algérie guide, El Moudjahid, Tic Tac Toe, JanKenDZ (un jeu pierre papier ciseau), Prioritise (une application de gestion des tâches),WachNtayeb (une application qui vous souffle des idées de recettes quand vous manquez d’inspiration devant la popote) ».

4-N’TIC : Quels thèmes sont concernés par les apps développées pendant le BMA ? Les verra-t-on un jour sur un store en ligne ?

Abdellah Mallek : « Il n’y a pas de thème imposé. Les seuls critères sont l’utilité de l’application, quels que soient le domaine, sa viabilité, et sa pérennité. Elles peuvent concerner tous les domaines de la vie courante ou professionnelle, et assurent une fonction utile à l’utilisateur. Si une application est bien réfléchie, elle peut très vite se retrouver sur un app store. Beaucoup d’apps l’ont déjà été à travers des concours tels que le BeMyApp de par le monde. Parmi les thématiques abordées: m-tourisme, prévisions d’embouteillage, stations pour le GPL, guide des évènements, guide des transports en commun, et gestion des tâches ».

5-N’TIC : Est-ce que toutes les plateformes mobiles sont concernées par ces apps ? En quoi le paiement électronique est si important pour leur réussite ?

Abdellah Mallek : « Les plateformes concernées sont : Android, Windows Phone, et iOS. Le paiement électronique constitue la vie même d’une application qui, par définition, doit être disponible facilement au moment où on en a besoin. Un utilisateur doit pouvoir aller sur un app store, une boutique virtuelle donc, choisir l’application qui lui convient et se la procurer en temps voulu sans avoir à attendre. Le seul moyen d’accéder à cela est l’epaiement. Aussi, il faut noter que la plupart des applications mobiles ont un business model qui repose sur l’e-paiement ».

Il y a donc bel et bien des applications de fabrication algérienne, et mieux encore, certaines sont disponibles sur des stores en ligne. La plateforme Windows 8 accueille notamment un bon nombre d’applications développées à l’occasion des « DevCamps » (littéralement camps de développement) organisés par Microsoft Algérie. Amine Iratni, Audience Marketing Manager, nous en dit plus :


 

Windows 8 DevCamps : une usine à Apps

Amine Iratni est polyglotte, et avant de travailler chez Microsoft, il parlait déjà un langage que peu d’entre nous connaissent…le C++. On lui doit certaines applications, comme celle d’AlgerPC ou d’El Watan, et il nous parle des fameux Dev Camps Windows 8 :

« Microsoft Algérie organise des DevCamps deux fois par mois. Plus d’une vingtaine d’étudiants débarquent aux locaux de Microsoft à l’Algeria Business Center, y passent deux journées entières à découvrir Windows 8 et y apprennent à développer sur cette plateforme. Une petite présentation de Windows 8 et de l’outil de développement (qui n’est autre que Visual Studio) est faite par moi-même. Puis, nous leur installons gratuitement Windows 8 ainsi que Visual Studio 2012 sur leur machine et nous les guidons tout au long du week-end afin d’aboutir à une application 100% algérienne qui sera uploadée au store et sera téléchargeable dans le monde entier. Les étudiants passent la nuit à développer, mais quelques pauses détentes sont bien sûr prévues ; des parties CS (Counter Strike) en LAN, ainsi que Call Of Duty et Trackmania, sans oublier Kinect qui est à leur
disposition ».

Il ne nous reste donc qu’à avoir un aperçu sur certaines de ces applications :

El Watan

Développeur : Amine Iratni

Grâce à l’application officielle* du journal El Watan, vivez l’actualité en temps réel, basée sur les flux de l’un des plus grands quotidiens d’Algérie. L’application vous permettra de suivre les dernières nouvelles au niveau national et mondial. Dotée d’un système offline, vous n’aurez plus besoin de rester connecté pour lire vos articles, juste quelques petits instants vous suffiront pour avoir sur votre ordinateur les dernières nouvelles fraîchement publiées. En utilisant la barre des charmes du Windows 8, vous pourrez effectuer une recherche au sein de l’application et aussi partager un article directement de l’application vers votre réseau social favori ou tout simplement par courrier.

*officielle car elle a été développée en collaboration avec le rédacteur en chef de la version électronique d’El Watan.

Phytothérapie

Développeuses : Amel Amroun – Etudiante à l’USTHB; Hadjer Rezkallah – Etudiante à l’USTHB; Khadidja Bourahla – Etudiante à l’USHTB

La phytothérapie est un mot grec qui signifie « soigner avec les plantes ». Il s’agit d’une pratique millénaire basée sur un savoir empirique qui s’est transmis et enrichi au fil d’innombrables générations. Riches en minéraux et en oligoéléments, les vertus thérapeutiques des plantes sont dues aux principes actifs localisés dans leurs différents organes : feuilles, fruits, fleurs, racines, rhizomes,… Il semble que tisanes, gélules, huiles essentielles et élixirs floraux n’ont jamais eu autant de succès. Aujourd’hui, on retourne aux sources. Avec cette application, vous retrouverez plus de 200 plantes: leurs utilisations, leurs préparations et beaucoup plus.

Dz Media

Développeur : Oussama Zebar – Etudiant à l’eXia

Dz Media offre une panoplie de stations radio nationales, directement accessibles depuis son interface. L’application tourne en arrière plan pour vous permettre de continuer à utiliser votre terminal pendant l’écoute. Dz Media regroupe aussi la majorité des journaux algériens, et vous guide directement vers leurs pages officielles.

PrayTimes

Développeuse : Yasmine Haddouche – Etudiante à l’USTHB

L’application PrayTimes permet d’avoir facilement les horaires de prière, quelle que soit la localisation de l’utilisateur. Basée sur les algorithmes du Muslim World League, PrayTimes est utilisable sans forcément avoir recours à une connexion internet. Elle met à disposition des utilisateurs différents moyens de définir une localisation et de consulter les horaires de prières pour un emplacement donné à un jour donné. La vignette de l’application affiche les horaires, il n’y a donc pas besoin de laisser l’application tout le temps ouverte pour les consulter. L’utilisateur est notifié automatiquement à l’heure de chaque prière, cette notification fait donc office de muezzin. Cette application permet également de partager, via courriel et réseaux sociaux, l’heure de la prochaine prière…


Notre interlocuteur note que « ces étudiants ne savent rien sur le développement d’applications sous Windows 8 quand ils viennent assister à nos DevCamps, et pourtant, en l’espace de 2 jours, ils parviennent à développer leur toute première application et à l’uploader sur le store ». Une foule d’applications développées par des algériens se retrouve sur le store Windows 8, citons وقاب (Bouqalat) de Yasmine Haddouche, DZ Blague de Samir Meakouche et Youcef Fridjat, ou encore Intelligence Quote d’Amel Amroun qui permettent respectivement de consulter des Bouqalat, des histoires drôles ou plus de 250 citations des plus gros cerveaux de l’histoire. Sur le même principe أمثال (Amthal Chaâbya) de Yasmine Haddouche qui affiche des proverbes populaires en langue arabe.

Un ensemble d’applications de type «Quizz » sont aussi uploadées, comme Maths Quizz de Khadidja Bourahla, World Flags Quiz de Mehdi Agab (qui porte sur les drapeaux nationaux), ou World Monuments Quizz de Hadjer Rezkallah, qui (vous l’aurez deviné) vous interrogera sur un ensemble de monuments de par le monde. Djamal Eddine Machouk propose l’application Watch List, un outil pratique pour ceux qui écrivent leur programme télé sur des post-it. Encore plus originale, Team Select d’Oussama Berdjane qui permet de régler pas mal de conflits de cours de récréation: elle permet de dispatcher un effectif de joueurs de foot (ou autre) en deux équipes de forces équilibrées (on y saisit les noms de joueurs ainsi qu’une note pour chacun).

La participation aux DevCamps est ouverte et gratuite pour tous. Au delà de générer des apps, ils permettent surtout de générer des développeurs compétents, ou du moins de les initier à Visual Studio. Les applications made in Algeria n’en sont certes qu’à leurs balbutiements, handicapées par le manque d’e-paiement et d’internet mobile à haut débit, mais les initiatives qui vont dans le bon sens et les bonnes volontés ne manquent pas. Il ne reste plus que cette volonté atteigne des sphères plus élevées (suivez mon regard).