L'entreprenariat web en Algérie : l'espoir 2.0

Numéro dossier: 77

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Dur, dur d’entreprendre sur le Web en Algérie. C’est une réalité reconnue unanimement par les participants du Festival du Web, Algéria 2.0. Ils étaient, en effet, plusieurs dizaines de participants, intervenants, entrepreneurs, passionnés du Web, journalistes, experts et professionnels des TIC à débattre pendant toute une semaine au Cyberparc de Sidi Abdellah des perspectives de l’entreprenariat sur le web algérien.

 


Des débats passionnants où tous les sujets ont été abordés sans aucun faux-fuyant. Les retards accusés par l’Algérie, les chantiers en cours de lancement, la 3G, l’infrastructure des télécoms, le réseau de la fibre optique, le Cloud, le e-marketing, le contenu Dz, le e-commerce, toutes ces thématiques et plusieurs autres encore ont été passées à la loupe par des intervenants qui ne se sont pas contentés de dresser des constats, mais ont fait part aussi de plusieurs suggestions, propositions et plans d’actions. Mais au final, que peut-on retenir de cette semaine du web qui a allié conférences, Startup Weekend, Joomla Day, et BeMyApp ?

L’exemple marocain

Si l’entreprenariat sur le Web est encore balbutiant en Algérie, l’espoir est tout de même permis car les esprits inventifs ne manquent pas. Et ce n’est pas Taher Alami, président de l’Association des sociétés de Technopark (ASTEC) au Maroc, qui contredira ce constat. Cet entrepreneur marocain, qui a débuté son aventure sur Internet à l’âge de 17 ans, a reconnu que le web algérien est en pleine expansion. Ceci dit, « les Algériens s’attardent trop sur les problèmes de l’infrastructure au lieu de poursuivre leurs efforts pour développer le contenu de leur toile », nous a-t-il confié lors de son intervention pendant les conférences d’Algéria 2.0.

« Prenez le cas des applications de la 3G. Vous accusez toujours un retard important. Vous avez beau réclamer la 3G, mais une fois sur le marché, seriez-vous prêts à en profiter ? », s’est-il interrogé en soulignant que l’expérience marocaine pourrait être riche en enseignements pour l’Algérie. « Au Maroc, les acteurs du web sont regroupés et unis dans des associations. Ils ont donc réussi à peser sur les décisions du gouvernement qui a consenti, à maintes reprises, à nos requêtes. Les acteurs des TIC sont donc pleinement impliqués dans la gestion de ce secteur au Maroc », explique celui qui est à la fois directeur général d’Abweb et président du jury au Maroc Web Awards 2013.

D’autres entrepreneurs français et étrangers, invités comme speakers aux conférences d’Algéria 2.0, ont dressé également ce constat car tout en découvrant le dynamisme de l’entreprenariat du web algérien et ses projets, ils se sont rendus compte que ses difficultés tirent leurs origines surtout de ses faiblesses que des conditions environnantes imposées par le climat des affaires en Algérie.

Comment développer une stratégie de contenu web ?

Moussa Benhamadi, Ministre de la Poste et des Technologies de l’Information et de la Communication en Algérie, a lui-même lancé un appel en direction des acteurs du web algérien pour les sensibiliser sur la nécessité de développer le contenu dz, lequel demeure pauvre, en attendant le lancement de la 3G.

Le discours de M. Benhamadi a fait grincer des dents dès l’inauguration des activités d’Algéria 2.0 car beaucoup ont voulu lui faire comprendre que le développement du numérique en Algérie nécessite une rapidité dans les exécutions de la génération du haut débit. Afficher ses ambitions, cela ne suffit pas. Et construire un Cyberparc et débloquer un programme de plus de 1.5 milliard de dollars d’investissement dans Algérie Telecom pour développer la fibre optique (60 000 km de fibre déjà) est certes un bon pas.

Cependant, l’entreprenariat sur le Web a besoin d’autres choses. Revoir le financement des start-up, adapter les prêts de l’ANSEJ à la réalité du fonctionnement des entreprises activant dans le secteur des TIC, imaginer des mesures incitatives, établir la priorité nationale lors du lancement d’appel d’offres pour les projets dans le secteur des TIC, voici quelques mesures proposées par Nassim Lounes, General Manager de Med&Com, la première agence d’e-marketing en Algérie.

« Ces mesures concrètes pourront réellement booster le business sur la toile made in DZ », a fait savoir M. Lounes qui reconnaît, tout de même, que le manque de cohésion observé dans les rangs des acteurs des TIC en Algérie joue vraiment en leur défaveur. Que faire donc ? Travailler et innover en attendant que les objectifs des investissements en cours deviennent enfin une réalité. Il faut dire que les participants de cette deuxième édition d’Algéria 2.0 ont tous reconnu que les projets initiés sont prometteurs car, connecter à la fibre toutes les villes du pays, en particulier en amenant la connexion à tous les établissements scolaires, les universités (déjà fait), et les établissements de santé, vulgarisera l’utilisation d’Internet en Algérie. Une utilisation qui prend des proportions importantes même si les infrastructures restent un point faible pour un vrai développement synonyme d’emplois et de richesses.

Mais, comme on le sait tous, cela n’empêche pas à plus de 4.4 millions d’Algériens d’être sur Facebook, « un beau début et un chiffre élevé en proportion de la population pour un pays aussi étendu et avec une infrastructure en cours de développement », a indiqué à ce sujet Jacques Froissant, PDG d’Altaïde, un cabinet de recrutement pour startups et web, qui n’a pas manqué, lui aussi, d’insister sur « le besoin de développer des services et contenus riches pour accéder à l’information, à l’éducation » et ce afin de « renforcer la créativité des jeunes et leur envie d’entreprendre ».

« Le digital est un domaine où l’Algérie a des atouts certains aujourd’hui dans la compétition mondiale et le domaine du numérique. Potentiel humain, formation de milliers d’ingénieurs en informatique, envie d’entreprendre des jeunes, et volonté forte du gouvernement de développer ce secteur sont des atouts », a-t-il encore lancé pour encourager les Algériens à aller de l’avant.

Enfin, pour leur part, les organisateurs de ce Festival du Web ont estimé que la réussite a été au rendez-vous. L’évènement a réuni des acteurs nationaux et internationaux dans le domaine des TIC. Algéria 2.0, « c’est une réussite », affirme sans ambages Abdellah Mallek, chargé des relations extérieures au sein du staff mis en place par les organisateurs de cet évènement. Selon notre interlocuteur, les objectifs des conférences et des concours lancés dans le cadre de cette semaine de festivités ont été atteints.

Le Networking a été au rendez-vous

« Il y a eu un bon Networking. Des experts de qualité ont participé à nos travaux et ont mis à la disposition des participants toute leurs connaissances. Une dizaine d’entreprises spécialisées sont venues présenter et exposer leurs activités. Nous avons été un bon carrefour d’échanges et je suis sûr que de nombreuses opportunités Business ont été étudiées », a assuré ainsi Abdellah Mallek qui n’hésite pas à exprimer sa satisfaction. Une satisfaction due aussi au succès des concours qui ont été mis en place.

En effet, le concours Startup Week-end Women a connu un intérêt manifeste puisque pas moins d’une soixantaine de participantes ont répondu présentes à ce concours. 24 projets ont été présentés et au final seuls 10 ont été retenus. L’équipe gagnante a donc eu la chance de profiter d’une prise en charge à l’incubateur de Sidi Abdallah pour pouvoir mettre en pratique son projet. Des licences de logiciels ont aussi été offertes et un accompagnement par des experts a été également proposé. Il est à préciser que c’est la première fois en Algérie qu’un tel concours est organisé.

BeMyApp Algeria, le concours portant sur les applications mobiles les plus innovantes, s’est déroulé aussi dans de bonnes conditions. Une trentaine de participants professionnels ont été recensés et Samsung a offert son sponsoring pour booster cet évènement. Des récompenses financières de 30 millions jusqu’à 15 millions de centimes ont été offertes aux lauréats de ce concours.

Ce dynamisme prouve, enfin, que l’entreprenariat web a de l’avenir en Algérie. L’espoir 2.0 est donc une réalité palpable. Il manque juste cette synergie entre l’Etat, institutions et organismes publics, et les opérateurs privés, start-up, agences de communications, sites d’information en continu, pour surmonter l’ensemble des obstacles qui empêchent encore les TIC de vivre leur âge d’or en Algérie.