Baisse du pouvoir d’achat et crise mondiale: le mobile d’entrée de gamme à la rescousse

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La situation du marché de la téléphonie mobile est assez particulière. Celui-ci connaît indéniablement une baisse de régime mais cela ne semble pourtant pas affecter l’ensemble des acteurs de ce secteur de la même manière. Beaucoup de commerçants ont vu leurs ventes baisser alors que d’autres continuent à couler des jours heureux et affirment même que leurs affaires ne se sont jamais portées aussi bien.

Une tournée dans les rues de la capitale nous a permis de comprendre cette situation à priori ambiguë. Manifestement, la régression du marché du mobile est ressentie de manière variable selon les quartiers dans lesquels se trouvent les boutiques proposant des téléphones portables et autres accessoires. En ces temps de crise, l’emplacement de ces points de vente et le niveau de vie du voisinage semblent plus déterminants que jamais.

« Les affaires ne marchent pas très bien surtout depuis ces derniers mois », assure sans hésiter un commerçant installé dans une rue assez peu fréquentée de la capitale. «Les gens s’intéressent de plus en plus à des appareils bas de gamme, sans beaucoup d’options », ajoute-t-il. Occupant un bon emplacement au quartierTelemly, un autre commerçant explique quant à lui que la demande s’oriente, au contraire, vers les portables hauts de gamme à écrans tactiles. «Je reçois régulièrement la visite de clients qui achètent à leurs enfants, à peine âgés de 11 ou 12 ans, des portables dont les prix peuvent atteindre les 80.000 dinars ! », précise le commerçant qui informe au passage que «la demande sur les iPhone, par exemple, est très forte actuellement ». « Cela fait trois ans que  je vends des portables et la demande n’a jamais cessé d’augmenter. Le téléphone portable est devenu un cadeau à offrir aux lauréats du bac ou même aux nouveaux mariés », indique le propriétaire d’une boutique à Ben Aknoun. Un commerçant d’El Harrach fera remarquer, par contre, que les portables sont loin de «marcher» comme avant et que « seuls les appareils bas de gamme trouvent encore preneurs ».

Afin d’obtenir davantage d’informations, nous nous sommes rendus au célèbre marché  de Belfort : une succession de boutiques proposant toutes sortes d’appareils, des téléphones d’origine douteuse, mais aussi de la  marchandise introduite légalement. Sur place, une foule très animée d’habitués, quelques  novices à la démarche prudente et au regard scrutateur, des policiers en tenue faisant les cent pas, des commerçants chargeant fiévreusement des véhicules de marchandises. A première vue, rien ne laisse supposer que le marché de la téléphonie mobile va mal.  Comme toujours, des détaillants venus s’approvisionner, des particuliers à la recherche de la bonne affaire et même des enfants visitent, une par une, des boutiques modestes ou spacieuses. Connaissant la nature peu loquace des commerçants qui peuplent ce lieu, nous avons préféré nous faire passer pour des commerçants désirant se lancer dans la vente de portables et à la recherche à la fois d’informations et d’un fournisseur régulier. La réponse de nos interlocuteurs était la même « le marché de la téléphonie mobile a laissé ses beaux jours derrière lui ».  La demande sur les téléphones portables a visiblement chuté de manière vertigineuse, particulièrement en raison de la baisse du pouvoir d’achat.

« Si vous voulez ouvrir une boutique, il vaut mieux commencer par les appareils bas de gamme et surtout, choisissez bien l’endroit où vous voulez ouvrir votre commerce », nous conseillent paternellement certains commerçants.  « Vous savez, les gens achètent de moins en moins de portables, mais il y a toujours de la demande», constatent quelques-uns. Interrogés sur les origines des marchandises proposées, nos interlocuteurs nous informent que les téléphones portables sont introduits au pays soit par des importateurs, soit par de petits commerçants (les revendeurs du « cabas »). Beaucoup des produits proposés à Belfort viennent d’Europe et plus particulièrement d’Hongrie. D’un autre côté, si les commerçants de Belfort ressentent les effets de la crise, c’est précisément en raison de leurs marges relativement réduites à en croire un détaillant pour lequel les affaires semblent assez bien marcher. La baisse du pouvoir d’achat, le fait que les algériens aient passés l’étape de la découverte du portable aux multiples fonctions et bien d’autres raisons semblent orienter le marché vers une consommation axée prioritairement sur les téléphones servant tout simplement à téléphoner. Par ailleurs, une autre catégorie de consommateurs, beaucoup moins importante celle-ci,  continuera immanquablement d’utiliser des appareils de haute technologie pour les avantages qu’ils procurent mais aussi pour la symbolique de réussite sociale qu’ils recèlent.

De manière générale, il est possible de résumer l’évolution du marché de la téléphonie mobile en trois grandes phases. La première était celle où seule une poignée de privilégiés pouvaient avoir un téléphone portable. Cette phase, qui a duré quelques années, a été suivie par la démocratisation de cet outil à grande échelle. Il semblerait aujourd’hui que la dernière phase de cette évolution soit celle de la décantation : d’un côté, une multitude de consommateurs achetant  des téléphones simples, usagés ou bas de gamme; de l’autre, des clients intéressés par des produits de luxe.

Des portables sur les trottoirs

Après les tables à cigarettes, ce sont les tables à téléphones portables qui font leur apparition. Depuis quelques temps, des jeunes exposent sur des étals des téléphones portables de différentes marques à des prix relativement abordables. Il s’agit généralement d’appareils usagés proposés aux bourses les plus faibles, notamment au niveau des quartiers populaires de la capitale. Ce phénomène, qui a fait une discrète apparition il y a deux ou trois ans, semble se développer. La baisse du pouvoir d’achat des algériens en est certainement la raison principale.

Classement des marques selon la demande

Nous avons interrogé un certain nombre de commerçants au sujet des marques de téléphones portables les plus demandées sur le marché. Même si les données recueillies ne peuvent être considérées comme des résultats exhaustifs reflétant la réalité du marché, il s’agit tout de même d’indices à prendre en considération. Les commerçants avec lesquels nous nous sommes entretenus mettent la marque Nokia en première position juste avant Samsung et LG. Ces marques sont suivies par Sony Ericsson et Sagem. Pour certains commerçants,  le iPhone est extrêmement demandé par une certaine catégorie de clients.

Pénurie de cartes de recharge téléphoniques

Depuis quelques semaines, les cartes de recharge des téléphones portables se font rares. Cette pénurie concerne, faut-il le signaler, les trois opérateurs. D’après les informations que nous avons pu obtenir, ce sont, en fait,  certains commerçants qui ont décidé de ne plus s’approvisionner en cartes de recharge et de se contenter de la formule dématérialisée de recharge proposée par les opérateurs téléphoniques ; « Flexy » pour Djezzy, « Storm » pour Nedjma et « Ersselli » pour Mobilis. La décision a été prise, de façon non concertée, par certains commerçants en raison de la baisse de leurs marges sur les cartes de recharge.  Celles-ci seraient passées de 3 à 1%. Les marges assurées par  la deuxième formule de recharge ont elles aussi baissé mais restent assez acceptables.