Classes numériques, joujoux ou vrais outils de développement ?

Numéro dossier: 111

Index de l'article

Les classes numériques, c'est quoi au juste ?

Bien que leurs noms renseignent beaucoup sur l'utilité des classes numériques, leur fonctionnement, leur adaptabilité à l'environnement de l'éducation dans une Algérie diverse et variée et enfin les objectifs que l'on en attend ne sont pas très clairs. Disposer de solutions d'enseignement de haute performance technologique et donner également aux élèves la possibilité de développer davantage leurs connaissances, c'est beau mais très générique, même venant de la bouche de la Ministre. Les classes pilotes, appelées Smart School et inaugurées ici et là par les autorités, sont des salles de cours qui comptent des postes équipés de tablettes Pro, reliées elles-mêmes à un smart-board (tableau intelligent) à travers duquel élèves et enseignants interagissent. Partages en un clic, exercices digitaux et interactifs projetés sur le tableau, l'environnement web s'invite en classe. Un apport intéressant en termes d'outils pédagogiques mais qu'il faut prendre avec prudence et pragmatisme. Car avant la mise en place de ces classes, toute une série de questions mérite d'être posée avant qu'il ne soit trop tard.

En effet, avec une pénétration d'Internet et de la téléphonie fixe encore en deçà des besoins, peut-on envisager ce genre de classes partout ? Les élèves n'ayant pas un accès privé chez eux aux nouvelles technologies peuvent-ils suivre la cadence de leurs camarades plus avancés et plus habitués? Les autorités compétentes ont-elles les moyens de former les enseignants pour exploiter au mieux ce type d'outils ? Mieux, qu'en sera-t-il de la maintenance de ces derniers, lorsque bugs, pannes et blocages feront leur apparition ? Car l'erreur à éviter serait que ces bijoux technologiques ne se transforment en simples joujoux, et le seul moyen d'y échapper reste un retour d'expérience fiable et synthétisé.

Evidemment, en mettant en place des projets pilotes, le Ministère de l'Education a choisi la meilleure méthode pour les tester et retirer un maximum d'enseignements. C'est d'ailleurs probablement pour cela que ces classes ont été installées un peu partout dans le pays y compris au Sud, et non centralisées sur une seule ville, afin d'avoir un maximum de retour dans des environnements et des habitudes de consommations différents. Reste maintenant à savoir si ces outils permettent vraiment aux élèves d'être meilleurs ou plus performants. S'ils appréhendent mieux les matières dites complexes comme les mathématiques, s'ils développent plus facilement leurs capacités de rédaction, si les enseignants les exploitent à leur juste valeur et enfin s'ils apportent une valeur ajoutée au système d'enseignement.

Il n'y a que de cette manière que ce système pourra être efficace. Les responsables concernés lui apporteront les rectificatifs nécessaires, pour une utilisation idoine. Pour cela, les retours d'expériences faites à l'étranger tels qu'en Suisse par exemple seraient d'une grande utilité aux autorités compétentes.


"Samsung Smart School", le cheval de Troie de la firme coréenne

C'est une offensive sans précédent qu'a amorcé la firme coréenne Samsung en Algérie depuis 2013. Après les smartphones dont Samsung se taille la part du lion en Algérie, l'entreprise technologique, leader mondial dans le domaine, s'est tournée vers les équipements de pointe liés à l'éducation. Consciente des potentialités du secteur et surtout de l'énorme cible que constituent les 8 millions d'élèves algériens, Samsung s'est fendu d'un partenariat gagnant-gagnant avec le Ministère de l'Education, qui met hors jeu tous ses concurrents.

Equiper gratuitement des classes de cours un peu partout dans le pays, il fallait le faire. C'est ainsi que la firme coréenne a décidé d'installer plusieurs classes numériques pilotes, avec tout le matériel nécessaire, dans plusieurs villes d'Algérie. L'idée était de permettre à la tutelle, grâce à ces projets pilotes, de se projeter dans ce domaine, sans trop dépenser d'argent. Les autorités se feraient ainsi une idée sur les classes numériques, leur adaptabilité à l'environnement local et la faisabilité de ces dernières en Algérie, le tout à moindre frais. En contrepartie, la firme coréenne mettrait un pied (voire deux) en classe. Les salles équipées sont évidemment aux couleurs de la marque asiatique. De la tablette que l'élève a entre les mains, au tableau que manipule l'enseignant, tout est brandé Samsung.

Une opération marketing très intelligente à l'influence certaine. Et la firme asiatique voit loin. Lorsque les autorités décideront de s'équiper sérieusement en matériel pédagogique numérique pour le généraliser à toutes les écoles algériennes, on les voit mal s'adresser à une autre marque que celle qui leur a offert leurs premiers prototypes. Surtout que toutes les études et autres retours d'expérience qui seront en la possession de la tutelle seront faits sur la base des équipements Samsung. Mieux, preuve de la pertinence des opérations de Samsung, même un changement de Ministre, véritable commandant de bord au sein de la tutelle, n'a pas fait vaciller le projet. Inauguré par l'ancien Ministre Baba Ahmed, ce dernier a normalement suivi son cours avec l'arrivée de Nouria Benghebrit.

Il faut dire que Samsung s'est engagé à accompagner le Ministère de l'Education Nationale dans la réalisation de projets similaires et non pas faire office de simple vendeur, allant jusqu'à ouvrir une salle numérique dans le Sud du pays, à Adrar. Si le projet devenait pérenne, les futurs élèves pourraient bénéficier d'une gamme d'outils de ce type plus large. On pourra ainsi dire Adieu à nos vieilles copies.