Technologies spatiales et satellitaires : où en est l’algérie ?

Numéro dossier: 107

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L’Algérie s’apprête à lancer son premier satellite de fabrication 100% locale. Voilà une bonne nouvelle qui tranche avec la morosité ambiante de ces dernières années, dès qu’on parle de technologies de pointe. Après Alsat 1 et Alsat 2, le pays a tenu sa promesse de maîtriser cette technologie et de réaliser un satellite 100% algérien. Le one two threesme est de rigueur.

 

L’Algérie maîtrise-t-elle les technologies spatiales et satellitaires pour autant ? Peut-être, dans les centres de recherches ou de défense et certains pôles technologiques pointus. Mais celles-ci ne sont pas à la portée de toute la société. D’abord pour des questions de moyens et de savoir-faire. Il en existe mais très peu d’entreprises, de centres de recherches et autres pôles scientifiques sont spécialisés dans les technologies satellitaires et spatiales.

Malgré leur sensibilité et leur importance, ces technologies sont reléguées au second plan tellement le pays a du retard à rattraper ailleurs, notamment pour des technologies plus faciles à maîtriser et dont l’impact est rapide. Mais aussi pour des questions de volonté, politique ou d’orientation économique. Les programmes de développement spatiaux et satellitaires ne
foisonnent pas. Sans caricaturer, le pays est plus pressé à régler des problèmes d’énergie par exemple via le programme national des énergies renouvelables, ou de santé via un prochain plan Cancer. Sans parler de la résorption du problème du logement, du chômage, de l’indépendance alimentaire, etc.

De plus, économiquement, la rentabilité de ces technologies est lente, voire très lente. Avec des autorités qui se serrent la ceinture, seuls les plus courageux parmi les opérateurs économiques privés et publics se lanceront dans ces types de technologies. Ils délaisseraient alors des industries qui rapportent gros et rapidement pour des technologies pointues certes, mais dont ils ne verront les fruits que bien plus tard. Ce n’est pas gagné. Autant de freins au développement de ces technologies en Algérie. Pour autant, le pays a fait son petit bonhomme de chemin dans ce domaine et les exemples sont nombreux. Géolocalisation, GPS, GPRS, prévision météorologique, climatologie et autres outils de contrôle du trafic aérien et terrien. Où en sommes-nous en Algérie ? Eléments de réponse.

 

Le GPS en Algérie, ça existe, et depuis longtemps

Contrairement à ce que l’on pense, le GPS en Algérie existe déjà. Le GPS est un système de géolocalisation basé sur le positionnement à partir d’un récepteur par rapport aux signaux satellites qu’il reçoit. Il permet de connaître un positionnement géographique partout dans le monde et avec précision, qu’on soit en milieu urbain ou dans un coin perdu. Accessible au grand public depuis 2011, cette technologie a connu une croissance et un succès fulgurants. L’urbanisation forcée et accélérée que connaît le monde fait du GPS un système indispensable dans certains pays pour pouvoir se déplacer, en plus de ses nombreuses utilisations à usage professionnel et industriel (construction, grands travaux routiers, etc).

Mieux, cette technologie a permis la création de nombreux autres services connexes à valeur ajoutée, utilisant la technologie du GPS pour faire certaines commandes à distance, notamment sur les véhicules. Il n’y a qu’à voir notre téléphone et toutes les applications dont nous disposons qui nous demandent d’activer notre GPS. Une aubaine.

En Algérie, nous ne sommes pas en reste. De nombreuses entreprises proposent ce service au moins depuis 2011, notamment pour ce qui est de la localisation de véhicule et qui représente le marché le plus important chez nous. Elles se trouvent à Alger ou à Béjaïa et ont comme clients des PME, TPE et autres multinationales qui disposent de flottes importantes. Historique des déplacements, identification des conducteurs, consommation de carburant, mais aussi contrôle de la vitesse, coupe-moteur en cas de besoin et bien sûr positionnement.

Tous ces services à valeur ajoutée sont proposés en Algérie, malgré leur sensibilité. Certes, il faut montrer patte blanche pour pouvoir se lancer dans ce type de prestations et un tas d’autorisations est nécessaire, délivrées notamment par l’Autorité de Régulation de la Poste et des Télécommunications (ARPT), mais le marché est tellement à fort potentiel que les prestataires de ce type voient le jour régulièrement. De grandes entreprises ont aujourd’hui recours à ces services comme Air Algérie, Mobilis, Lafarge, Cevital ou Danone, pour des prix de plus en plus à la baisse.

Ceci dit, cette activité souffre de deux freins en Algérie et pas des moindres. Le premier, leur restriction. En effet, ces services n’étaient accessibles jusqu’il n’y a pas si longtemps que pour les professionnels. Aucune entreprise n’avait alors de services destinés aux particuliers, pour plusieurs raisons pratiques. Second handicap, l’importation de ce service. En effet, les offres Pro qui sont disponibles sont pour la plupart le fruit de partenariats avec des fournisseurs étrangers de logiciels et de savoir-faire. Les entreprises algériennes ne font que de « l’intégration ». Une manière politiquement correcte pour dire, vendre, distribuer et installer. Ce sont autant d’emplois et de devises qui nous échappent, même si ces entreprises n’ont pas trop le choix. D’abord pour des questions de savoir-faire que nous ne maîtrisons pas pour le moment, ou très peu. Après, pour des raisons de moyens.

A l’étranger, des opérateurs étrangers peuvent disposer de moyens satellitaires notamment de télécommunications. Ils peuvent monétiser leurs moyens pour ce type de services, une chose impensable pour le moment en Algérie. Enfin, depuis peu, des entreprises proposent des GPS pour particuliers pour des prix qui restent assez chers, autour de 30 000 dinars, plusieurs fois leur prix en France par exemple.


 

Technologies satellitaires et spatiales, l’import-import

La nuée de technologies satellitaires qui existent sous d’autres cieux ne sont disponibles en Algérie que sous forme de produits et surtout de services importés. Comme la pomme de terre, la tomate, le sucre, l’huile et les céréales, les services liés aux technologies satellitaires et spatiales sont importés sous plusieurs formes, afin que le consommateur algérien puisse en profiter. Il suffit pour cela de jeter un oeil sur les smartphones qui circulent en Algérie pour le comprendre. Pour se géolocaliser, une application étrangère. Pour connaître la météo, encore une appli étrangère et pour le trafic routier… une appli étrangère. Les applications algériennes qui se servent des technologies spatiales et satellitaires n’existent pas. Ce sont les étrangers qui en profitent. Et le fait de ne pas avoir la possibilité de payer via son smartphone ne nous protège en rien. Au contraire, nous autres consommateurs sommes en train de nous habituer à ces services, et dés qu’ils trouveront un moyen de nous faire payer des services à valeur ajoutée, nous nous ruerons pour le faire. Il y va de même pour toutes les autres technologies notamment liées à l’environnement, tels que la climatologie, le contrôle de l’air ou de la température. Seuls des organismes publics en disposent et ils sont pour la plupart importés ou fournis clés en main par des mastodontes mondiaux du domaine. Il n’y pas de raison commercial à les maîtriser. Relever la qualité de l’air et la température à Paris peut être monétisé en France par des acteurs privés, mais pas en Algérie.

Enfin, concernant les télécommunications, c’est kif kif. L’Algérie, n’ayant pas de satellites propres pour ce type de services, est complètement dépendante de l’étranger, y compris pour ce qui est du savoir-faire. Il y va pourtant de l’indépendance du pays. D’ailleurs, certains Etats qui ont peur pour leur avenir, parce qu’ils se trouvent dans des régions en conflit ou qu’ils sont entourés de pays hostiles, pensent à créer leurs propres réseaux internet et de télécommunication. C’est le cas de l’Iran ou de certains pays des BIRCS. C’est dans ce sillage que l’Algérie s’apprêterait à lancer son premier satellite de télécommunication. Bien que le pays soit en retard sur beaucoup de points, les questions de souveraineté et d’indépendance sont sensibles, et les autorités ont bien compris que les télécommunications y sont directement liées. Si le projet se concrétise, l’Algérie sera le premier pays d’Afrique à posséder son propre satellite de communication.

L’activité spatiale : l’Algérie sauve la face

C’est une prouesse, une fierté et très peu de pays peuvent se targuer d’être arrivé à le faire. L’Algérie s’apprête à lancer son propre satellite de fabrication 100% algérienne, comme promis il y a quelques années de cela. Les chercheurs algériens avaient donné la date de 2016 pour le lancement de ce satellite Made in Algeria. Chose promise, chose due. Ils sont en passe de réussir leur défi. Et c’est le Ministre de l’enseignement supérieur, Tahar Hadjar, qui vient de l’annoncer. Le premier satellite 100% algérien, réalisé au niveau du Centre de Développement des Satellites (CDS) à Oran, plus précisément au niveau de la commune de Bir El Djir, sera lancé vraisemblablement en février 2016.

Baptisé Alsat 2B (il changera peut-être de nom), il a été mis au point par des compétences algériennes. Son objectif : poursuivre les mêmes missions que les premiers satellites Alsat-1A et Alsat-2A et répondre aux préoccupations de différents secteurs tels que l’aménagement du territoire, le cadastre et les ressources naturelles. Plus au point que ses prédécesseurs, ce satellite sera doté de caractéristiques techniques de haute performance (2.5 m de précision contre une trentaine pour Alsat-1A). Un grand pas pour l’Algérie qui n’en est pas à son premier coup en la matière. En effet, le pays a fabriqué et lancé deux satellites déjà en orbite, qui fournissent des données et images très utiles à l’Agence Spatiale Algérienne, ASAL, organisme chargé de la conception et de la mise en oeuvre de la politique nationale de promotion et de développement de l’activité spatiale.


 

Une aventure qui a débuté en 2002

L’aventure spatiale algérienne a démarré au début des années 2000, avec le lancement d’Alsat 1 en novembre 2002 (13 ans déjà !). Alsat 1 faisait partie d’une série de cinq microsatellites lancés dans le cadre d’une constellation internationale. Il avait pour objectif de fournir des images de résolution moyenne et de permettre des activités de surveillance notamment pour des catastrophes naturelles ou de télédétection. S’en est suivie une série d’actions visant à développer l’activité et la recherche spatiale en Algérie. C’est ainsi que le Centre de Développement des Satellites (CDS), qui vient de développer Alsat 2B, a vu le jour à Oran. Puis vint le lancement d’Alsat 2A depuis une base indienne en 2010. Il permet l’observation de la terre à haute résolution.

Grâce à Alsat 2, l’Algérie s’est affranchie de sa dépendance vis à vis de ses fournisseurs de données satellitaires. C’est ainsi que 23000 photos ont été fournies par ce satellite. Ils ont servi au domaine de l’agriculture, de l’hydraulique, du transport, des forêts, de l’industrie, etc... A savoir que ces deux satellites avaient été réalisés en partenariat avec des compétences britanniques.

Un avenir radieux

A l’avenir, ce sont quelques 80 projets opérationnels d’application spatiale qui sont prévus dans le cadre d’un programme de développement des activités spatiales algériennes. L’arrivée d’Alsat 2B étant la cerise sur le gâteau. L’Algérie réussit ainsi à créer son propre satellite, prouvant les disponibilités des compétences (et des moyens) qui vont surement être appelées à faire mieux et plus à l’avenir. L’avenir de l’activité spatiale algérienne s’annonce chargé et assez radieux. Selon nos informations, l’ASAL a programmé le lancement d’une série de satellites, dont Alsatcom, dédiés exclusivement aux télécommunications. Ce dernier permettra la réalisation d’un bon nombre d’objectifs dans le domaine de la radiodiffusion, le développement de la photo numérique et l’utilisation du téléphone portable et fixe. Une révolution. Seul bémol dans toute cette success-story, l’utilisation des moyens que possède le pays.

Le secteur privé n’ayant pas été associé à l’aventure spatiale algérienne, ces moyens que l’Algérie est en train de mettre en place ne bénéficient toujours pas à la sphère économique algérienne. Selon nos informations, aucun organisme proprement économique, et surtout pas privé, n’utilise ces moyens pour proposer des services à valeur ajoutée aux consommateurs algériens. On pourrait penser que la disponibilité d’images et de données serviraient à des opérateurs économiques dans l’agriculture, la géolocalisation, ou le monitoring. Que des entreprises proposent des applications qui se servent de ces données, qui les monétisent au profit d’exploitants agricoles, d’entreprises de grands travaux, d’opérateurs téléphoniques, et pour de simples fournisseurs de données statistiques. Que nenni.

Pour le moment, les moyens que s’est donnée l’Algérie restent l’apanage des pôles scientifiques ou de recherches. Economiquement, le pays ne les exploite pas assez. Pourtant, beaucoup d’entreprises privées et publiques, qu’elles soient nationales et étrangères, opérant en Algérie dans l’exploitation minière, le pétrole, les travaux hydrauliques, ou la prospection, payeraient pour cela. Ils rémunèrent peut-être d’autres fournisseurs de données géologiques dont nous disposons, faute de pouvoir les acheter en Algérie. Dommage...