Technologies mobiles : bilans et perspectives

Numéro dossier: 106

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Premier pays à disposer de cette technologie sur le continent africain, l’Algérie avait lancé la 4G LTE fixe en Avril 2014, tambour battant, annonçant l’entrée officielle du pays dans l’ère numérique. La 4G devait permettre pour la première fois à l’internaute algérien d’accéder au haut débit, une couverture de l’internet plus étendue, notamment dans les zones sans couverture téléphonique, et enfin un développement de l’environnement multimédia, de la vidéo sur internet et du streaming. Mieux, elle devait préparer le terrain pour le lancement de la 4G mobile. Une révolution qui devait succéder à celle de la 3G qui avait (ou aurait du) changer nos vies. On se souvient encore des annonces à la veille du lancement de la 3G. C’était une nouvelle Algérie qu’on devait découvrir à la faveur de l’achat d’une nouvelle puce téléphonique. Une Algérie connectée, moderne, rapide et efficace. 2 ans plus tard, qu’en est-il ?

 

C’est un bilan très mitigé que nous sommes obligés de faire du lancement des différentes technologies mobiles en Algérie. D’abord parce qu’elles se sont faites dans la douleur. Ensuite parce que celles-ci n’ont pas été la révolution numérique tant attendue. Elles n’ont pas eu les effets attendus sur l’économie, en termes de développement du contenu, de l’amélioration de la qualité de la connexion internet, de la création d’entreprises et d’emplois et encore moins de richesses. C’est la montagne qui a accouché d’une souris. Ces technologies mobiles, qui restent restreintes à la connexion internet, ont tout juste fourni des services alternatifs d’internet aux exclus de l’ADSL, à ceux qui ne possèdent pas de ligne téléphonique, ou aux habitants des zones non couvertes par Algérie Télécom et autres nomades du numérique. Certes, ceci a eu des conséquences plutôt positives.

En effet, la pénétration d’Internet dans la société algérienne a augmenté sensiblement (elle est passée de 6% à 24% en quelques mois), grâce à l’engouement pour la 3G, mais c’est comme si on avait apporté un char pour tuer une mouche. Les technologies mobiles devaient être nombreuses et variées, efficaces, de pointe, toucher un large pan de notre économie et plusieurs de ses domaines, et tirer l’environnement numérique vers le haut, mais c’est comme s’il y avait eu un bug, ou une évolution lente.

 

La 3G, une révolution ratée ?

 

L’histoire de l’arrivée de la 3G en Algérie en est un exemple. D’abord par son retard. Pour rappel, la 3G n’est arrivée en Algérie que 3 années après ses plus proches voisins de l’Est et de l’Ouest, à savoir la Tunisie et le Maroc. Reportée plusieurs fois, elle finit par pointer le bout de son nez en fin d’année 2013. Elle devait changer nos vies, bouleverser nos habitudes de consommation, nous sortir du sous-développement numérique et nous mettre au diapason des grandes nations dans ce domaine. On se souvient encore des tests effectués par les opérateurs concernés, face caméra, avec des débits ahurissants, une rapidité de connexion insolente, et de nombreuses promesses. “Ce ne sera pas cher ”, “ ce sera rapide et ce sera de bonne qualité ”. Ils nous avaient promis une connexion partout et à tout moment, rapide, et accessible. On en est loin malheureusement.

La 3G, bien qu’elle ait clairement apporté sa pierre à l’édification d’une économie numérique aussi fragile soit-elle, n’a pas tenu ses promesses. D’abord par sa qualité. “ La 3G partout et tout le temps ” qu’on nous avait vendu, ce n’est pas toujours vrai. La qualité du réseau fait débat, tout opérateur confondu. On se connecte parfois très difficilement et surement pas partout. D’ailleurs, ceux qui peuvent accéder à la 3G et à l’ADSL en même temps préfèrent la seconde option, beaucoup plus fiable. Il est loin le temps où les experts prédisaient la disparation d’Algérie Télécom avec l’avènement de la 3G. On devait tous céder nos vieux modems contre cette nouvelle technologie, plus pratique et de meilleure qualité. Nous n’en sommes pas encore là. Une situation qui est pourtant arrivée chez nos voisins, où la 3G a pris le dessus sur les connexions filaires.

Vient ensuite le problème du prix. La 3G est chère en Algérie. Plus chère que chez nos voisins, preuves et affiches publicitaires à l’appui. Evidemment, les opérateurs trouveront toujours des arguments pour nous l’expliquer : “ le pays est grand, il faut couvrir de larges zones, rattraper un retard énorme ”, “ tout doit être importé ”, et bien sur “ la 3G a été amortie chez nos voisins mais pas chez nous ”. Mais cela ne change rien à notre constat.

Le développement de la 3G est bridé par ses tarifs. La plupart des consommateurs ne prennent que des forfaits basiques, car seuls à être dans leurs moyens, la plupart du temps à la journée. On ne télécharge pas, on ne regarde pas de vidéo, on ne partage pas sa connexion, trop onéreux ! Et cela impacte directement le contenu. Tout au plus, on utilise la 3G pour les réseaux sociaux, ou lire ses mails, en prenant bien soin d’éviter toute application à notification. C’est dommage.

Enfin, le récurent problème de l’environnement ou de l’écosystème qui ne suit pas le développement du numérique en Algérie. C’est bien d’avoir la connexion tout le temps, sur son portable, toujours à portée de main. Mais c’est encore mieux de l’utiliser et de l’exploiter à sa juste valeur. D’acheter ou de réserver en ligne, de prendre des rendez-vous via des terminaux mobiles, de se géolocaliser, et d’utiliser des applications pour des gestes de la vie de tous les jours. Mais ça, ce n’est pas encore possible en Algérie.

Le contenu algérien est pauvre et si c’est le cas, c’est évidemment à cause d’un environnement qui ne s’y prête pas. Si les applications d’achat et de réservation en ligne n’existent pas ou si peu, c’est parce que le paiement en ligne n’est toujours pas autorisé. Les alternatives comme le M-paiement (paiement mobile via ce que l’on appelle communément le Flexy) n’existent pas chez nous, alors que les pays d’Afrique les moins développés en font un booster de leur économie. On peut créer du contenu, des applications, des systèmes ingénieux, mais pas les monétiser. Du coup, on n’en crée pas ! Pire, les plateformes de réservation ou de livraison en ligne font encore face au phénomène du canular, les reflexes d’une économie numérique n’étant pas encore entrés dans nos moeurs. Bref, l’environnement ne se prête pas à une économie numérique dynamique. Il ne manquerait plus que les prix de la 3G augmentent.


 

4G mobile : ce n’est pas pour demain, parole de Ministre

 

C’était le Lundi 02 Novembre 2015, en direct sur les ondes de la radio chaîne 3. L’invitée n’est autre que la Ministre de la Poste et des TIC, Houda-Imane Faraoun et le sujet n’est autre que la 4G. On attendait une date, à court ou moyen terme
pour le lancement de la 4G mobile. Une perspective, au pire, quant au lancement de cette technologie, dont on a tant entendu et qu’on a tant attendu. On nous avait préparé à cela, au très haut débit rapide et sans fil. Mais voilà, la Ministre qu’on remercie pour sa franchise n’est pas sur la même longueur d’onde que nous, consommateurs. Sur les ondes de la chaîne 3 où elle intervenait en direct, Houda-Imane Faraoun a avoué temporiser avant l’entrée en service de la 4G pour cause de viabilité économique.

En des termes plus simples, la 4G ce n’est pas pour demain. Les autorités, comme les opérateurs, ne sont pas sûrs que le lancement de la 4G soit rentable économiquement. Est-ce une demande des opérateurs eux même ? « Absolument », répond la Ministre. Et on peut le comprendre. Il faut dire que l’extension de la 3G à tout le pays n’est pas encore terminée. La qualité n’est pas au rendez-vous, et l’Algérie est l’un des rares pays au monde à connaître encore des black-out (coupure totale d’Internet dans tout le pays) à cause d’un simple câble sectionné en mer par un bateau étranger. Bref, ce n’est pas étonnant. Evidemment, les autorités ne restent pas les bras croisés face à cette situation. Ils s’activent et pour nuancer ses propos, la Ministre a annoncé d’autres chantiers comme l’installation d’un nouveau câble internet entre Oran et Valence, puis un second entre Alger Valence. Des chantiers dont le montant s’élève à 36 millions d’euros.

Mieux, elle a indiqué la baisse probable et prochaine des prix d’Internet. On ne sait pas quand, on ne sait pas comment, mais les prix d’Internet vont baisser. C’est une volonté de la Ministre pour permettre l’accès au web à tout le monde. Reste que la bataille à mener est celle du contenu, dont la clé est l’environnement qui entoure les TIC en Algérie. La Ministre le sait, elle le dit, elle promet de faire quelque chose. Wait & see.

 

Les autres technologies mobiles

 

Pas de box, pas de triple play. Il n’y a pratiquement aucune technologie mobile innovante en expérimentation en Algérie. Les technologies mobiles chez nous se résument à la 3G, question de priorité. Evidemment, une fois qu’ils ont lancé la 4G, qu’ils ont disposé de box, de GPS en tous genres et autres objets connectés, les pays à la pointe de la technologie expérimentent les voitures sans chauffeur, l’assistance médicale personnalisée et à domicile et une série d’autres technologies mobiles qui changeront les vies de ceux qui en profitent. Mais chez nous, nous n’en sommes pas encore là.

Toutefois, tout n’est pas perdu. Même si les acteurs du domaine avancent à pas comptés, des tentatives ici et là existent, faut-il le faire remarquer. Ainsi, depuis plus d’une année, le WiFi de rue est en expérimentation dans les rues d’Alger par l’un des 3 opérateurs installés en Algérie. Il sera prochainement étendu aux campus universitaires, et aux salons et foires, à la Safex et aux grands centres urbains. Les gens pourront s’y connecter à partir de 100 dinars, dehors, en se posant seulement à côté d’une des bornes internet installées par l’opérateur. Certes, l’engouement n’est pas celui de la 3G ou la 4G LTE, mais la curiosité et l’intérêt des consommateurs sont là. Pour peu que son utilisation soit plus pratique.

Il y va de même pour d’autres technologies, plus ou moins destinées aux professionnels, cette fois proposées par des fournisseurs privés d’accès à Internet, comme le système de vidéo-conférence plus fiable que Skype, l’envoi de SMS en masse, l’envoi de e-Fax, ainsi que des solutions de connexion internet sans fil plus pratiques lors de déplacement dans les chantiers du Sud par exemple et autres No man’s land qui existent dans notre grand pays. Et à la vitesse où le marché algérien du mobile et de l’internet mobile avance, les retards peuvent être rattrapés pour peu qu’on y mette les moyens. En un an, le marché de la 3G en Algérie a cru plus rapidement qu’en 6 années chez nos voisins marocains. De quoi rester optimiste.


Les technologies mobiles chez nos voisins

 

D’abord en France où la 3G est entrée dans les moeurs. Avec un territoire convenablement couvert, une concurrence des plus féroces, et surtout l’arrivée d’un opérateur dit low-cost qui a bouleversé le marché, la 3G est en pleine expansion, et la guerre des prix est une aubaine pour les consommateurs, alors que le débit peut dépasser les 5 Mb/s. La 4G, bien plus rapide, souffre d’une couverture pas très équitable selon que l’on soit au Nord, au Sud, à l’Est ou à l’Ouest mais en termes de qualité, celle-ci est impeccable sachant que le débit peut atteindre 24 Mb/s chez l’un des opérateurs. Un rêve !

En Tunisie, la 3G couvre elle 90% du territoire. Les Tunisiens, qui ont découvert cette technologie en 2010, abandonnent peu à peu l’ADSL et remballent leurs vieux modems, tellement la 3G constitue une offre intéressante et de substitution. Ses prix imbattables (plus faibles que ceux pratiqués en Algérie), et surtout par sa qualité, feraient oublier l’ADSL aux internautes tunisiens. Plus de 3 millions de personnes s’étaient abonnés à la 3G en 2014 en Tunisie, qui connait une croissance fulgurante. Pour ce qui est de la 4G, c’est à peu de chose prés le même scenario qui se profile à Tunis et Alger. Les tests sont faits, les cahiers de charge fin prêts, restent que les acteurs du domaine se décident. Enfin au Maroc, la révolution 3G est passée par là.

Disponible depuis 6 ans chez nos voisins de l’Ouest, la 3G représente aujourd’hui plus de 80% du parc internet marocain. C’est dire la fiabilité de cette technologie dans ce pays, où les prix sont également plus bas que ceux pratiqués chez nous. La 3G au Maroc, qui souffre d’inégalité territoriale, a surtout permis l’accès à Internet à des populations qui n’auraient pas pu se connecter autrement. La 4G, pour sa part, est attendue pour le début de l’année prochaine.


Tout n’est pas perdu

 

Il y a beaucoup de choses à faire, beaucoup de chantiers en suspens, et d’énormes efforts sont attendus, mais tout n’est pas perdu. Les Algériens, acteurs, opérateurs et consommateurs ont faim, et l’arrivée des nouvelles technologies mobiles ne devraient pas se faire dans la discrétion. Les Algériens l’ont déjà prouvé par le passé, via la fulgurante ascension de la téléphonie mobile, puis de la 3G. Ils ne font pas dans la demi-mesure, surtout lorsqu’il s’agit de répondre à leurs besoins. Cela, les opérateurs économiques l’ont bien compris, même s’ils passent leurs temps à critiquer la lente ascension de l’économie numérique et font mine de baisser les bras. Ils se préparent à la révolution numérique qui arrive. L’installation probable d’Orange en Algérie (qui sait ?) en serait la preuve.