E-Algérie: la création de startups au point mort

Numéro dossier: 65

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Un promoteur ANSEJ nous raconte son parcours jusqu’à la création de sa startup



Riad Djabou, gérant d’une entreprise de solutions web

« Après une expérience de six ans dans le monde de l’entreprise, j’ai décidé de créer ma propre société, spécialisée dans les solutions web, à l’âge de 28 ans. Comme beaucoup de jeunes entrepreneurs, j’ai décidé de constituer un dossier ANSEJ, en raison des nombreux avantages qu’il présente : prêt sans intérêt, remboursable après plusieurs années, trois années sans payer d’impôts,… Ce sont des avantages qu’on ne peut pas renier lorsqu’on démarre dans la création d’entreprise. Pourtant, je ne suis pas sûr aujourd’hui, avec du recul, de repasser par l’ANSEJ si je devais créer une entreprise. Et pour cause, je n’ai bénéficié de mon prêt qu’après 20 longs mois d’attente ! La faute à un processus extrêmement long, faisant intervenir plusieurs acteurs (ANSEJ, banque, impôts), avec un nombre incalculable de procédures à faire. J’ai déposé mon dossier ANSEJ pour un financement triangulaire (ANSEJ + banque) en mai 2010, après avoir longuement mûri mon projet, et établi un Business Plan. Je me suis rendu compte que ce travail ne servait pas à grand chose auprès de l’ANSEJ : la projection financière qui sera prise en compte pour l’amortissement des investissements se base sur les calculs établis par l’administration, et non ceux du promoteur. En réalité, tout se passe lors du passage devant la Commission Locale d’Etude de Financement des projets, qui va décider de vous accorder ou non les avantages de l’ANSEJ. Mon projet a convaincu la dite commission, qui m’a accordé le financement. Soit environ deux mois après le dépôt de mon dossier, et je me disais alors qu’il ne restait plus que quelques étapes à passer pour pouvoir débuter mon activité.

Que nenni ! Après avoir fait toutes les formalités pour créer la société (création des statuts, signature du bail de location, établissement d’un registre de commerce, création du compte bancaire, etc.), il ne restait plus qu’à attendre l’accord de la banque choisie pour financer une partie de mon projet. Celui-ci n’interviendra qu’en… mars 2011 ! Soit dix mois après mon dépôt de dossier. La confirmation de l’accord bancaire m’avait redonné le moral, moi qui commençais à perdre patience et ma motivation. Là encore, je pensais pouvoir enfin débuter ce projet sous peu.

Cafouillages à l’ANSEJ depuis février 2011

Entre temps, une décision gouvernementale avait demandé à l’ANSEJ d’augmenter le nombre de dossiers financés, en baissant le taux d’apport personnel du promoteur, et en rallongeant la durée du remboursement, passée de cinq à huit ans. Cette décision a eu pour effet de multiplier de façon spectaculaire le nombre de candidats pour un financement, alors que les effectifs des antennes de l’ANSEJ n’ont que très peu augmenté. J’ai souhaité bénéficier aussi de ces mesures, mais cela n’a fait que retarder encore plus la finalisation de mon dossier. L’agence dont je dépends devenait littéralement prise d’assaut, il fallait patienter des heures pour avoir la moindre information. L’accueil, la communication, la prise d’information, s’étaient considérablement dégradés.

Pour pouvoir bénéficier des nouvelles mesures, on m’a fait rédiger une lettre à l’attention du directeur de l’ANSEJ. J’ai patienté plusieurs semaines pour une réponse, jusqu’à ce que j’apprenne, en allant m’informer directement auprès de la direction générale, que cette lettre n’était pas nécessaire, et que j’avais parfaitement le droit de bénéficier des nouvelles mesures, tant que je n’avais pas encore obtenu le financement. Au bout de plusieurs semaines, j’ai pu refaire ma projection financière avec l’ANSEJ, pour un remboursement sur huit ans au lieu de cinq. Il a fallu ensuite patienter pour bénéficier de la décision d’octroi d’avantages. J’ai, là encore, attendu plusieurs semaines, jusqu’à ce que j’apprenne que mon dossier avait été perdu ! Finalement, en sollicitant une aide pour régler mon cas auprès de la direction, j’ai pu, enfin, récupérer cette décision d’octroi d’avantages.

Après une nouvelle série de procédures à faire, que ce soit auprès de la banque et des impôts, j’ai enfin pu bénéficier de mon prêt en janvier 2012. Au total, 20 mois se sont écoulés entre le dépôt de mon dossier et l’obtention de mon financement. Une période durant laquelle j’ai du m’autofinancer, car le candidat à l’ANSEJ doit prouver qu’il n’est pas salarié dès le dépôt initial de son dossier. De plus, j’ai du payer le loyer de mon local sans même pouvoir commencer mon activité! Autant prévenir les candidats à l’ANSEJ : compter sur un soutien financier de sa famille est primordial, car le processus dans lequel vous vous engagez est long et parfois décourageant. Tous ceux qui se sont lancés dans cette aventure partagent ce même constat : l’ANSEJ est une très bonne initiative, qui a permis à plusieurs PME de se créer et se développer, mais, hélas, les procédures sont beaucoup trop longues et peuvent mettre en péril un projet. Un exemple parmi d’autres : votre local doit subir trois visites au total à savoir celle de l’ANSEJ, celle de la banque, et celle des impôts, alors qu’une seule suffirait amplement. Il faut absolument alléger le processus, quitte à diminuer le nombre de projets acceptés. Je pense aussi que les fonds devraient être divisés, afin que chaque secteur d’activité soit financé, en privilégiant les projets créateurs d’emplois ».    (suite p.3)