Marché du jeu vidéo en Algérie: L’informel occupe le terrain

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M. Fouad Bestandji, organisateur de la coupe d’Algérie des sports électroniques: « Pas d’avenir pour les tournois de jeux vidéo en Algérie »

M. Fouad Bestandji, président de l’association culturelle SIAN, a organisé deux années de suite la coupe d’Algérie des sports électroniques ESWC Algérie. Il évoque les difficultés rencontrées mais aussi les raisons pour lesquelles il est aujourd’hui pratiquement impossible de tenir des tournois de jeux vidéo d’envergure nationale.

Vous avez organisé un tournoi de jeux vidéo en 2007. Pouvez-vous nous en parler ?

Oui effectivement, c’était l’ESWC ALGERIE 2007 ou la Coupe d’Algérie des Sports Electroniques 2007, qui était en fait la deuxième édition de cette coupe, la première ayant été organisée une année plus tôt au palais de la culture, à Alger. La deuxième édition s’est distinguée de la première par son caractère plus professionnel et par la participation de passionnés de « Games » qui étaient venus beaucoup plus pour gagner que pour le côté ludique du jeu. A noter la présence durant le tournoi du vice champion du monde du jeu de foot ESWC 2006. L’organisation était bien maîtrisée mais nous avons rencontré beaucoup de problèmes, vu la défection de nos principaux partenaires et sponsors en plein parcours. C’était d’autant plus rude qu’en 2006 nous avions prouvé notre sérieux. Le grand tournoi de l’année 2006 fut, de l’avis des « Gamers », un franc succès sans oublier que nous avions respecté tous nos engagements envers eux.

Quel a été l’issue de cette expérience et pourquoi n’a-telle pas été renouvelée ?

Plutôt que de parler d’issue, je préfère parler de l’enseignement tiré de cette expérience. Il ne peut y avoir d’avenir pour les tournois de sports électroniques en Algérie parce que les partenaires et sponsors naturels de ce type très spécifique de discipline sportive n’existe pas encore sur notre marché. Nous n’avons pas d’éditeurs de jeux ni de grandes surfaces spécialisées, comme partout en Europe ou en Asie, dans la vente des consoles de jeux. Pas de grandes surfaces représentant officiellement et légalement de grands constructeurs (Sony, Nintendo, Microsoft, Intel…) pas plus que nous n’avons de magazines spécialisés sauf un dont je salue l’effort. Il n’y a pas de radios ou de chaînes de télévisions dédiées aux Games. Ce sont les partenaires et les sponsors des sports électroniques dans les pays d’Europe, où les tournois et concours existent, qui font vivre des Gamers professionnels. Il faut, par ailleurs, souligner qu’il faut beaucoup de moyens pour organiser des tournois et du matériel informatique de pointe toujours renouvelé pour être en mesure d’exploiter les dernières versions des jeux encore plus performants et gourmands en résolution et en rapidité. Pour toutes ces raisons évoquées, il ne nous a pas été possible d’organiser d’autres tournois.

Quels sont, de votre point de vue, les jeux ou les catégories de jeux les plus populaires en Algérie ?

Les jeux de football bien sûr, notamment PES et FIFA comme partout dans le monde sauf aux Etats-Unis. Sinon, il y a aussi les jeux de simulation qui sont très prisés et les FPS.

Beaucoup parlent de la prolifération des CD de jeux contrefaits en Algérie. Que pouvezvous nous dire au sujet du marché algérien des jeux vidéo de manière générale ?

Il est évident que les CD de jeux contrefaits sont monnaie courante sur le marché algérien. Ils ne sont pas chers et donc accessibles aux amateurs de jeux vidéo. D’une certaine manière, cela a contribué à la « démocratisation » des jeux mais, en contrepartie, nous avons beaucoup perdu. Un marché informel n’a jamais favorisé l’implantation des éditeurs de jeux et constructeurs de consoles et donc, paradoxalement, la contrefaçon a tué l’essor des sports électroniques, sans oublier tous ces jeunes algériens férus de jeux en 3D et animés. Ils auraient pu s’épanouir dans des métiers comme concepteurs et créateurs de jeux vidéo.


Les jeux piratés inondent le marché


Les jeux vidéo contrefaits inondent littéralement le marché algérien et se vendent beaucoup mieux que les jeux originaux. Le succès des copies est, bien évidemment, dû à leurs prix très réduits en comparaison avec les originaux qui eux ne peuvent être acquis que par une minorité de privilégiés. Ces jeux sont parfois assez difficiles à trouver. Il va sans dire aussi que l’absence d’un contrôle strict a fortement favorisé la prolifération des copies qui sont cédées à des prix étonnement bas. D’un autre côté, l’absence de représentations officielles de la plupart des créateurs mondiaux de jeux sur le marché algérien n’arrange pas la situation. La majorité des « joueurs » algériens doit donc se contenter de CD de jeux de qualité douteuse et sans aucune garantie. Ces derniers sont proposés au niveau des magasins spécialisés mais sont également vendus sur des étals dans les rues au même titre que les CD de films piratés qui sont aussi nombreux.


Source: N'TIC 43 / AVRIL 2010