Internet en Algérie: 75% des internautes accros au web

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L’étude WebDialn@™, initiée par IDEATIC et Med&Com, sur les usages et perceptions des internautes du web algérien, donne un éclairage sur les nouveaux comportements qui ont tendance à se généraliser. Passée l’étape de la découverte et de la fascination, les algériens adoptent de plus en plus ce média qui fait sérieusement de l’ombre aux autres supports de communication (presse écrite, radio, TV).


Les jeunes semblent les plus réceptifs à ces bouleversements surtout ceux qui sont nés avec un clavier et une souris entre les mains. La génération numérique prend le pouvoir et affiche volontairement son indépendance. La présence à la maison d’une connexion Internet joue un rôle fondamental dans l’appropriation de l’outil et le développement de la pratique. Ceux qui sont familiarisés avec l’univers informatique manifestent ainsi moins d’appréhension et éprouvent plus de facilité devant Internet.

Les jeunes semblent connaître, par expérience directe ou par ouï-dire, les différents modes d’interaction que permet Internet. Ils voient en lui avant tout un outil de communication qui peut les mettre en contact avec le monde entier, mais aussi une source de documentation très riche dans tous les domaines. La très grande majorité d’entre eux a une idée vague de l’architecture d’ensemble et du fonctionnement d’Internet, mais cela ne les empêche nullement de l’utiliser en fonction de leurs goûts et de leurs préférences. L’activité dominante des jeunes, qu’elle soit d’ordre encyclopédique ou communicationnel, consiste beaucoup plus à revisiter des terrains connus qu’à tenter l’exploration de nouvelles parties du réseau. Nous sommes souvent très loins de l’image du jeune internaute qui, grâce au branchement Internet à la maison, communique avec des correspondants du monde entier ou passe son temps à explorer de nouveaux domaines de connaissances. Dans ces conditions, pouvons-nous dresser un portrait-type de l’internaute algérien ? L’entreprise est difficile car les variations sont multiples liées essentiellement aux conditions et aux lieux d’accès, au sexe et au degré de pratique.

Cette étude est importante d’autant plus qu’elle vient combler un vide : les opérateurs économiques (Etat, entreprises, administrations,...) manquent de données statistiques fiables. C’est même un reproche qui revient souvent dans la bouche des potentiels investisseurs qui recherchent plus de visibilité. Les ministres du secteur qui se sont succédés parlent plus « d’estimations » que de données collectées sur le terrain. Les rares indicateurs TIC de la société de l’information en Algérie, disponible sur le site web du ministère de la Poste et des technologies de l’information et de la communication, ont pour source le Centre de Recherche en Economie Appliquée pour le Développement (CREAD) de décembre 2008. Pour cette étude, IDEATIC et Med&Com ont réalisé une enquête auprès de 5944 internautes via un questionnaire électronique publié sur plusieurs sites web populaires algériens, et renforcée par une campagne de e-mailing.

Elle révèle que la majorité des algériens sont des « accros de la Toile ». 75% des internautes déclarent qu’Internet est un outil indispensable. Pour plus de 90% d’entre eux, Internet fait partie de leur quotidien depuis au moins un an. D’ailleurs, ils se connectent au moins une fois par jour et passent en moyenne une à deux heures devant leurs écrans. Pour eux, Internet est un double média (recevoir/diffuser) qui possède un grand nombre de sites gratuits et qui permet une facilité d’échanger. Internet est un formidable outil qui a foncièrement révolutionné leurs habitudes. Ils n’agissent plus et ne pensent plus de la même manière depuis qu’il est entré dans leurs vies.

Internet permet une mise en relation plus rapide avec les gens. Nous faisons connaissance, nous échangeons quelques e-mails et nous voilà dans les réseaux. Nous nous faisons plus rapidement des amis. Nous connaissons aujourd’hui beaucoup plus de monde. La mise en relation y est favorisée et le nombre de nos amis croît chaque jour. Les timides se révèlent, les messages passent davantage, nous osons plus. La communication est plus brute. Qui ne possèdent pas aujourd’hui une boîte mail ? Il est inconcevable de ne pas aller vers Facebook. Les amitiés virtuelles fleurissent et même la drague s’est mise au goût du net. Les hommes (74,2%) sont plus nombreux que les femmes (25,8%), tous âges confondus.
En général, l’utilisation d’Internet par les femmes est plus pratique (envoi de cartes de vœux, voyages). Tout en utilisant aussi ces services, les hommes passent plus de temps à chercher, lire, se documenter et à télécharger des applications. 

  

Les internautes algériens sont-ils actifs ou passifs ?

Ils sont plutôt passifs et curieux. Cependant, il faut relativiser ce constat car de plus en plus d’algériens s’intéressent aux blogs. Ils mettent en ligne des tranches de vie, des expériences vécues, des opinions sur des évènements qui secouent le pays ou une partie du monde et publient des photos de leurs quartiers ou des photos souvenirs d’une période de leur vie. Les blogs sont ainsi devenus un espace à eux, un repère, voire un territoire et un coin numérique qu’ils alimentent régulièrement sans oublier les sites de partage de vidéos en ligne. De plus en plus de connexions se font à partir du domicile. Cela dénote le succès de l’ADSL en Algérie même s’il faut aussi dans ce cadre ne pas conclure hâtivement que le haut débit est une réalité en Algérie. D’autres algériens continuent de se connecter à partir des cybercafés. Un lieu qui a réellement démocratisé Internet car sans ces « cybers », la progression du net aurait été plus lente. Une infime partie a choisi les écoles, collèges et universités pour accéder au net car ils n’ont aucun autre moyen de le faire.
Il y a aussi les clés USB Internet proposées par les opérateurs de téléphonie mobile qui permettent à une frange de la population d’aller vers le virtuel.
La clé USB, utilisable sur un PC ou un ordinateur portable, peut être ainsi mise en poche ou dans une sacoche et prête à être utilisée à tout moment et dans les 48 wilayas. Idéale pour surfer sur Internet en situation de mobilité, elle est surtout utilisée par des cadres d’entreprises et les citoyens au fort pouvoir d’achat. Quant à la qualité du débit, il semble selon l’étude que tout le monde ne soit pas satisfait. 72,1% des internautes sont insatisfaits de la qualité du débit de leur connexion à domicile et 79,7% se plaignent des coupures fréquemment subies. 

L’Algérie en retard dans l’Internet haut débit

L’analyse du déroulement et des résultats de l’opération Ousratic a montré que le développement des technologies de l’information et de la Communication en Algérie a suscité l’intérêt des familles dans toutes les strates de la population. Cependant, seules 2,5% des familles algériennes sont équipées à la fois d’un PC et de l’ADSL. Le plan Ousratic n’a pas atteint ses objectifs essentiellement à cause d’une mauvaise gouvernance de l’opération et de l’absence de maîtrise du dispositif dans son ensemble. Ceci a engendré le désintéressement et l’absence d’engouement du citoyen.

Interrogés sur le projet Ousratic, seuls 5,4% des internautes algériens déclarent en avoir bénéficié. Ils trouvent ce projet intéressant, mais déplorent le coût excessif de l’opération d’achat du matériel informatique, les lourdeurs administratives rencontrées et pensent que les banques n’ont pas vraiment joué le jeu. « Ousratic II » est la version revue et corrigée de la première promise par le ministre du Ministère de la Poste et des Technologies de l’Information et de la Communication. Elle tentera de se concrétiser en ciblant des couches de la population (étudiants, fonctionnaires) mais elle attend toujours une décision du gouvernement qui devra donner son aval. Espérons qu’elle aura plus de chance que la première, sinon, il faudra l’enterrer définitivement.  L’analyse de la situation générale d’Algérie Télécom notamment, au plan de l’infrastructure des télécommunications, fait ressortir des insuffisances en matière de support sécurisé et de qualité du haut et très haut débit.

D’autre part, le développement d’Internet en Algérie pourrait être plus rapide si le contenu était plus étoffé. Les officiels aiment bien annoncer des chiffres et des technologies. Ils jouent l’effet d’annonce. C’est vrai que sur Internet, il existe beaucoup  d’informations. Il suffit de taper Google et un flot de réponses nous est fourni. Mais où est le contenu purement algérien ? Sans les industries de contenu, Internet serait vide. Nous ne comptons plus les services permettant de lire, regarder la TV, écouter de la musique, voir des vidéos ou jouer à tout un tas de jeux. Pourtant, à l’origine Internet a été créé comme un moyen de communication, et non pas un moyen de divertissement. C’est l’adoption massive d’Internet par les entreprises puis par le grand public qui permettra son plein essor. Des constats s’imposent : l’intérêt des pouvoirs publics pour les infrastructures prime sur celui du contenu, une sous exploitation du patrimoine culturel (faible numérisation des contenus culturels), une production culturelle déficitaire dans les domaines des médias, du cinéma et de la traduction, une production culturelle très peu novatrice caractérisée par la prépondérance des contenus religieux et pédagogiques. Les logiques d’une communication unilatérale, centrée sur l’émetteur ont rendu problématique la production du contenu électronique.  

Certains dirigeants ont du mal à saisir l’intérêt des nouvelles technologies alors que l’économie du savoir, qui constitue les fondements du mode de développement mondial, ne leur laisse d’autres choix que de suivre le courant ou de se voir marginaliser pour ensuite disparaître. Le danger ne se définit plus alors en termes de domination ou de dépendance, mais en termes de marginalisation, de mise à l’écart de la mondialisation et de ses bénéfices potentiels. L’étude nous démontre que si l’Algérie est au début du processus, il ne faut pas perdre plus de temps pour au moins concrétiser une partie du plan E-Algérie 2013. Sans une utilisation massive des TIC dans notre pays, nous ne pourrons pas prétendre au progrès.

Source: N'TIC 37 / OCTOBRE 2009