PIRATAGE ELECTRONIQUE DES LOGICIELS: Jusqu’à quand ?

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Le piratage de logiciels est un phénomène qui nuit aussi bien aux utilisateurs qu’aux revendeurs, puisqu’il crée une situation de concurrence déloyale. En Algérie, ce fléau a atteint un seuil alarmant. Comment s’y prémunir? Quelles sont ses conséquences sur le marché? Y’a-t-il des alternatives? Les lois algériennes sont-elles suffisantes pour lutter contre le piratage de logiciels? N’TIC Magazine ouvre le dossier.

Algérie : le plus mauvais élève


Nul n’ignore en Algérie que la généralisation du piratage électronique a atteint un niveau alarmant. L’organisation Business Software Alliance (BSA) estime que le taux de piratage de logiciels en Algérie est estimé à 84%, la propulsant au premier rang dans le monde arabe. Qu’il s’agisse des systèmes d’exploitation (Windows notamment), des applications les plus ordinaires (Word, Excel, Photoshop, Antivirus, etc.) ou des jeux et autres didacticiels, toutes les formes de piratage sont pratiquées en Algérie.

Qu’en est-il du monde arabe ?

Selon les dernières statistiques de la Ligue arabe, après l’Algérie vient la Tunisie avec un taux de 79% puis le Liban (73%). Le taux le plus faible de piratage de logiciels a été enregistré aux Emirats Arabes Unis avec un taux de 35%. D’ailleurs, la Ligue arabe devait organiser du 19 au 21 Octobre 2008 le premier forum arabe pour la protection du consommateur et des marques commerciales. Toujours selon elle, les différentes formes de piratage et de contrefaçon coûtent au monde arabe une perte d’environ 50 milliards de dollars US par an.

Le piratage recule dans les pays nantis


Les derniers chiffres de l’International Data Corp (IDC) démontrent clairement que le piratage de logiciels a nettement reculé, pour la quatrième année consécutive, dans les pays développés. En effet, les Etats-Unis se classent à la première place des plus bas taux de piratage avec 21% en 2007 contre 24% en 2006, suivis de la Nouvelle Zélande (22% contre 24%), du Japon (25% contre 28), et du Canada (34% contre 37). Selon IDC, « du fait de la généralisation du haut débit dans les pays développés, Internet devient le canal de distribution prédominant pour les logiciels illicites. Dans les pays émergents, on préfère aujourd’hui encore les CD contrefaits, mais une fois ces marchés mieux équipés, il est probable que le canal Internet gagnera du terrain ».

Des pertes considérables

Le piratage de logiciels représente un manque à gagner certain pour les éditeurs de logiciels, ainsi que pour les distributeurs et développeurs du monde entier. C’est ainsi que l’Union Européenne (UE) a subi, selon BSA, des pertes de l’ordre de 11 milliards de dollars durant l’année 2006. Aussi, les pertes totales résultants du piratage de logiciels ont atteint les 34 milliards de dollars au niveau mondial. Pis, si la tendance se maintient, prévient BSA, ce sont plus de 180 milliards de dollars de logiciels pour PC qui seront piratés au cours des trois prochaines années.



Les enjeux de «l’Open Source»

L’inégalité entre pays en voie de développement et pays développés doit motiver aujourd’hui bon nombre d’acteurs à se mobiliser pour apporter aux pays en voie de développement des solutions accessibles et viables pour qu’ils puissent également profiter des avantages des TIC. C’est l’exemple de l’ordinateur à 100 dollars US développé par le MIT (Massachussetts Institut of Technology), fonctionnant avec le logiciel libre Linux. En effet, les logiciels libres, pouvant être copiés légalement par tous, sont presque toujours téléchargeables gratuitement sur Internet. Cette gratuité permet aux populations les moins favorisées de ne pas être forcées d’avoir recours à la copie illégale pour bénéficier des avancées technologiques. Les logiciels libres sont par nature des outils de lutte contre la «fracture numérique». Le fait qu’ils soient diffusés avec leur code source permet en plus d’étudier les techniques qu’ils mettent en oeuvre. Ainsi, ils facilitent les transferts de compétences par delà les frontières. Tous les analystes s’accordent à dire que les logiciels «Open-Source» sont un bien non marchand et ceux qui les développent contribuent à la diffusion au plus grand nombre de la connaissance scientifique, d’un savoir-faire technologique et de technologies permettant l’accès au savoir. D’ailleurs, le projet GNU, projet-phare du logiciel libre, a été classé Trésor du Monde par l’UNESCO car il s’agit d’une réelle alternative aux logiciels des éditeurs informatiques comme Microsoft, Adobe et autres Symantec, beaucoup trop onéreux pour les pays en voie de développement. Mais attention, il ne faut pas confondre logiciel libre et logiciel gratuit. Un logiciel libre n’est pas un logiciel qui n’a pas de licence, mais un logiciel dont la licence vous garantit certaines libertés.

Une loi pour réprimer les fraudeurs

L’Algérie, qui entre à petits pas dans l’ère des TIC, est l’un des pays les plus exposés au phénomène du piratage de logiciels. Face à cette situation alarmante, les autorités ont décidé de frapper fort en instaurant de nouvelles lois contre la contrefaçon et les atteintes à la propriété intellectuelle, et de former certains services judiciaires et de sécurité en fonction de cette nouvelle donne. A ce propos, l’ONDA et BSA viennent d’élaborer une stratégie commune visant à favoriser «la mise en place d’un environnement sain répondant aussi bien aux besoins de l’utilisateur qu’aux préoccupations de l’éditeur».

Lutte contre le piratage de ses logiciels: MICROSOFT MONTE AU FRONT

 

Le taux de piratage en Algérie est évalué à plus de 80%. La lutte contre ce phénomène passe par une sensibilisation des différentes communautés et des utilisateurs de logiciels (particuliers et entreprises) quant à la valeur des logiciels originaux.

En tant qu’éditeur de logiciels, le rôle de Microsoft est d’informer les clients et les utilisateurs sur ses produits et sur les risques auxquels les exposent les produits piratés. Ils exposent leurs utilisateurs à des risques techniques et de sécurité. En effet, l’origine de ces produits étant illicite et non contrôlée, ils sont source de problèmes techniques : risques de virus, endommagement du système et perte de données. Les logiciels sont un actif important pour les entreprises et un élément indéniable de leur productivité. Le piratage informatique est un phénomène qui nuit aussi bien aux utilisateurs qu’aux autres revendeurs, puisqu’il crée une situation de concurrence déloyale.
“Les logiciels sont l’une des technologies les plus stratégiques de l’ère de l’information. Ils permettent de faire fonctionner l’ensemble de la chaîne, des PC jusqu’à Internet. Malheureusement, en raison de leur valeur même et parce que les ordinateurs permettent de réaliser facilement une copie exacte d’un programme en quelques secondes, la contrefaçon de logiciel est largement répandue”, note le BSA (Business Software Alliance), la principale organisation consacrée à la promotion d’un monde numérique légal et sûr. En effet, depuis les ordinateurs des particuliers en passant par les professionnels qui font le commerce en gros de logiciels piratés, la fraude est omniprésente, à la maison, à l’école, dans les entreprises et au sein des administrations. Les pirates de logiciels volent non seulement les entreprises créatrices de logiciels, mais avec la diminution des budgets réservés à la recherche et au développement de nouveaux logiciels, ce sont aussi tous les utilisateurs qui en subissent les conséquences. La contrefaçon de logiciels est un type de piratage qui correspond à la duplication et à la vente illégale de supports protégés par droit d’auteur avec l’intention d’imiter directement les dits produits. Dans le cas des progiciels, il est fréquent d’y trouver des exemplaires contrefaits de CD ou de disquettes comportant des programmes logiciels, ainsi que tout le conditionnement, les manuels, contrats de licence, étiquettes, cartes d’enregistrement et autres dispositifs de sécurité associés.


Pourquoi est-il essentiel de disposer d’une licence ?

Il faut savoir que le développement d’un logiciel implique un travail d’équipe qui associe les idées et les talents créatifs de programmeurs, de rédacteurs et d’artistes graphiques. Et comme la plupart des oeuvres de création telles que les livres, les oeuvres musicales et les films, les logiciels informatiques sont protégés par la législation sur le droit d’auteur. En Afrique du Nord, près d’un logiciel sur deux est installé sans l’acquisition d’une licence. Si l’usage non-autorisé d’un logiciel n’est pas toujours volontaire et peut être le résultat d’une mauvaise politique de gestion des logiciels ou d’une simple négligence, il s’agit d’un acte illégal qui expose le contrevenant à de lourdes sanctions civiles et pénales. “Les chiffres prouvent aujourd’hui qu’il ne s’agit pas d’un phénomène sans importance ! Le piratage impacte fortement l’économie. En Afrique du Nord, ce sont ainsi près de deux millions d’euros qui sont perdus chaque jour !”, est-il écrit sur le site de Microsoft North Africa. En Algérie et depuis son installation, Microsoft a lancé périodiquement des campagnes de sensibilisation sur ce phénomène. Si le piratage des particuliers inquiète, c’est surtout dans les entreprises où il est intolérable. C’est ce qu’a laissé entendre Samir Saïd, Directeur Général de Microsoft Algérie, lors d’une récente rencontre avec la presse. Et pour mieux faire passer le message, il a invité Aly Harakeh, spécialiste Microsoft en droit de la propriété intellectuelle pour la région Afrique du Nord, Moyen-Orient et Pakistan, à s’exprimer sur ce sujet. La volonté de la firme américaine, dit-il, est de “créer un écosystème qui aide le développement de la créativité et l’innovation des jeunes, notamment dans les universités mais il faut aussi éduquer les consommateurs, le législateur, les partenaires et les agences qui protègent la propriété intellectuelle”. Autant dire que Microsoft veut s’impliquer totalement dans l’économie du pays lui garantissant le meilleur du numérique et l’aidant à accroître ses performances. Mais toute cette ambition ne sera efficace que si le piratage baisse et passe d’un phénomène à grande échelle à un phénomène mineur.
Le directeur général de Microsoft Algérie a insisté avec beaucoup de tact pour dire que “les gens doivent être éduqués sur le respect et les avantages de la propriété intellectuelle. Il y a des produits de plus en plus sûr. Audelà de ces aspects, il faut un travail de collaboration avec des partenaires locaux. La loi doit être respectée. Nous sommes lésés. On perd 20 milliards de dollars par an. Nous devons faire respecter la loi”. Il reconnaît néanmoins l’existence d’une “dynamique de légalisation en Algérie, mais il y a encore beaucoup de travail à faire”. L’Office national des droits d’auteur (ONDA) fait ce qu’il peut mais, face à l’immensité de la tâche qui lui incombe, il ne peut tout contrôler. Selon une enquête effectuée il y a quelques années par le bureau d’études IDC, l’Algérie a été classée, en 2004, au 9e rang mondial avec un taux de piratage, dans le domaine des programmes d’ordinateurs (logiciels), estimé à 83% de l’ensemble des produits mis sur le marché. Ce taux était de 84% en 2003, ce qui avait valu à l’Algérie, précise la même enquête, la 7e place mondiale.
On distingue deux infractions :

- la copie de logiciels sur le disque dur d’ordinateurs offerts à la vente. Cette forme de piratage à des fins commerciales provient de la pratique, totalement illicite, de certains revendeurs. Adoptée comme un argument de vente, cette pratique vise à convaincre le consommateur d’acheter l’ordinateur équipé gratuitement des copies illicites. Ce dernier se retrouve alors avec une copie contrefaite de logiciels, sans licence, ni disques originaux, ni documentation et ne peut pas bénéficier d’un support technique.


- la contrefaçon de logiciels. Il est purement et simplement recopié, à l’identique, à grande échelle, dans un but commercial, sans la moindre autorisation de la part du titulaire des droits du logiciel, et naturellement sans payer ces droits. Il s’agit de “copie servile”, reproduisant la documentation, les disquettes ou les CD-Roms et l’emballage du logiciel, parfois même l’hologramme.

 

Par Nassim LOUNES