DOSSIER : DU NOUVEAU DANS LE HAUT ET LE TRES HAUT DEBIT

Numéro dossier: 0

L’Etat passe à la vitesse supérieure.

Le tout nouveau Ministre de la Poste et des Technologies de l’Information et de la Communication, M. Hamid Bessalah, semble bien décidé à donner un coup d’accélérateur dans le secteur des TIC, notamment en ce qui concerne le haut débit et le trèshaut débit. N’TIC Magazine vous brosse ce mois un état des lieux de l’ADSL en Algérie, ses forces, ses faiblesses, ses opportunités et ses perspectives.


Les raisons d’un ratage

L’Algérie a très tôt pris conscience de l’importance des mutations technologiques profondes (et rapides) qui se sont produites dans le monde, au cours des cinq dernières années. Bien que le pays a mis en place une stratégie pour promouvoir les technologies de la communication et de l’information, force est de constater aujourd’hui que très peu d’objectifs ont été atteints, notamment concernant l’accès à l’ADSL. En effet, loin d’être généralisé, le nombre de connexions au haut débit ne dépasse pas les 200 000 alors que le précédent Ministre avait tablé dans son programme sur 3 millions d’abonnés ADSL à l’horizon 2010.

Pourquoi avoir raté le départ en 2003 ? De l’avis de nombreux participants à la journée d’étude sur le « haut débit et le très haut débit : technologies, enjeux et perspectives»,
organisée par le nouveau Ministre le 28 Juillet dernier, trois raisons majeures expliquent ce constat d’échec : le manque d’expertise, la faible pénétration du filaire en Algérie, et
l’absence de contenu. Pour Mebarek Boukaaba, PDG de Touiza Télécom, la condition sinéquanone pour le déploiement rapide de l’ADSL est la production intense personnalisée et soutenue de contenu adapté à tous les modes de diffusion (TV, PC,...). « Il faut transformer la télévision pour beaucoup d’applications courantes du PC », souligne M. Boukaaba.
Nagi Abboud, DG adjoint chargé des opérations chez Orascom Télécom Algérie, aborde dans le même sens tout en insistant sur une « indispensable mise à niveau du réseau filaire ». Même son de cloche chez M. Hamzaoui, vice-président de l’AAFSI (Association Algérienne des Fournisseurs d’accès à Internet) et le PDG de SERI. « L’infrastructure du haut débit, les supports, en particulier le réseau filaire doit être de qualité, disponible et accessible pour le plus grand nombre d’utilisateurs à des prix très bas. Le dégroupage sera plus aisé, la
régulation plus facile et le marché du haut débit totalement ouvert à la concurrence. La rémunération se fera par le contenu ».

Quels choix technologiques ?

Parmi les autres points soulevés par les participants, on retrouve le choix technologique du haut débit filaire et sans fil. Si certains ont insisté sur la nécessité d’opter pour le haut débit filaire, d’autres en revanche plaident pour le sans fil. C’est entre autre l’avis de Lotfi Nezzar, DG de SLC. Ce dernier estime en effet que le Wimax est « l’avenir de l’ADSL».
Toutefois, M. Nezzar prévient que les insuffisances nationales avérées constituent un frein au déploiement massif du Wimax sur le territoire national. Parmi celles-ci, il cite : l’iniquité zonale et régionale en matière d’offres de services ADSL, l’absence d’actions de régulation pour une affectation logique et rationnelle ; et la pénurie de ressources spectrales de transport et de distribution radiofréquence cellulaire. De l’avis de nombreux intervenants, l’Algérie gagnerait à privilégier les deux options (haut débit filaire et sans fil). La première présente l’avantage d’offrir des coûts de connexion extrêmement réduits. Néanmoins, l’architecture à mettre en oeuvre pour le filaire nécessite de gros investissements, surtout dans les zones et régions les plus reculées du pays. Quant à la seconde, bien que les tarifs de connexion restent plus élevés que le filaire, elle renferme de nombreux atouts (un débit non limité et accès à n’importe quel endroit du pays,...). Karim Shafik, cadre chez Ericsson Algérie, a traité dans sa communication des tendances enregistrées au niveau mondial, faisant remarquer que les proportions de revenus émanant de services haut débit sont plus importantes pour les opérateurs fixes que pour les mobiles. Il s’agit d’une tendance générale du marché mondial de l’ADSL. Les utilisateurs semblent ainsi privilégier les « packs » (Internet, TV et téléphonie fixe) aux tarifs très avantageux. Néanmoins, l’ADSL mobile a, selon lui, un bel avenir notamment en ce qui concerne le marché des entreprises et les personnes qui se déplacent souvent. M. Shafik souligne que l’Algérie n’échappera pas à cette tendance mondiale.

Recommandations

La situation dans laquelle se trouve le secteur des TIC en Algérie n’est pas une fatalité, et les nombreux intervenants à ce séminaire s’accordent à dire que des solutions existent pour rattraper ce retard. Tour à tour, les conférenciers se sont relayés pour présenter leurs solutions pour, d’une part permettre au plus grand nombre de posséder un ordinateur et, d’autre part à tous d’accéder au haut débit. M. Boukaaba recommande quatre propositions essentielles : assainir et moderniser l’environnement réglementaire, réhabiliter et
favoriser les PME dans le secteur des TIC, établir un transfert technologique selon des règles claires et transparentes, et enfin l’Etat doit s’impliquer davantage financièrement.
Pour ce qui est du haut débit, Mohamed Boukaaba considère que le recours massif à l’ADSL 2+ sera le moyen le plus adapté pour résorber rapidement et à moindre coût le déficit en connexions à haut débit et permettre un taux de pénétration significatif de l’Internet en Algérie pour les usages économiques, sociaux et culturels. Quant à M. Hamzaoui, il estime que l’espace des fréquences doit être libéré au maximum pour permettre à plusieurs opérateurs de fournir le haut débit sans fil dans une situation de libre concurrence. Il ajoute que si le contenu doit être un service à valeur ajoutée rémunérateur, le support infrastructure de base ne doit pas constituer une activité spécifiquement lucrative.
Ainsi, il plaide pour la mise en place d’une entité publique de gestion du câble « en laissant l’opérateur historique se déployer dans un cadre concurrentiel, utilisateur comme tous les autres intervenants du réseau filaire et à des tarifs symboliques ». 

Un plan stratégique en préparation

La journée d’études sur le haut débit et le très haut débit s’inscrit dans le cadre d’une opération sur l’état des lieux de l’ADSL. M. Bessalah a affirmé dans son discours inaugural que
son ministère s’est lancé dans l’élaboration d’un plan stratégique des TIC en coopération avec d’autres départements ministériels, les opérateurs économiques, les distributeurs, les intégrateurs, les associations activant dans les TIC et les laboratoires de recherches universitaires. « Tout cet ensemble sera codifié en terme d’objectifs », a-t-il souligné. M. Bessalah considère que le haut débit est un axe majeur et un thème qui pose des questionnements. « Il faut accélérer les usages et l’esprit de compétitivité », ajoute le Ministre. Cette journée d’études a eu le mérite de réunir tous les acteurs des TIC afin de présenter les insuffisances qui existent en la matière, de diagnostiquer la fracture numérique et de proposer des solutions. C’est bon signe ! Pourvu que ça dure.

 

Source: N'TIC 23