Le paiement sur Internet en Algérie : enfin, la délivrance !

Numéro dossier: 101

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Depuis quelques années, les pouvoirs publics algériens évoquent les nouvelles mesures adoptées dans le cadre du lancement du paiement électronique et affichent, à chaque occasion, leur détermination à venir à bout de tous les obstacles qui empêchent les Algériens d’avoir accès à cette nouvelle méthode de paiement imposée par l’avènement des nouvelles technologies. Malheureusement, les choses ne restent qu’au stade des promesses et le paiement électronique peine à évoluer en Algérie. Pourquoi les Algériens n’arrivent-ils pas à changer leur mode de paiement ? Pourquoi, en dépit de la mise à leur disposition des cartes bancaires, ils demeurent peu confiants et préfèrent payer leurs transactions en liquide ? Est-ce par manque d’information sur ce nouveau mode de paiement ou existe-t-il d’autres raisons ? Nous avons essayé de répondre à toutes ces questions à travers notre dossier.

 

La réforme financière et bancaire et l'application du système de paiement global en Algérie sont confrontées à plusieurs obstacles, mais le Ministère des Finances affirme que son plan actuel est de faire en sorte de contribuer à l’introduction du système de paiement via Internet. C'est ce qu'a affirmé le Ministre des Finances, Mohamed Djellab, qui a annoncé en mai dernier le lancement d’opérations de paiement à distance avant la fin de l'année en cours en tant que premier pas vers la modernisation du système financier algérien.

Soulignant le fait que la modernisation du système est une opération continue qui repose sur plusieurs axes dont l’introduction du système de paiement via Internet, M. Djellab a reconnu que plusieurs entraves empêchaient l'exécution des réformes financières et bancaire et l’application du système de paiement global en Algérie. Il a, par ailleurs, souligné que son département oeuvrait pour la généralisation de l’e-paiement qui a été, selon lui, accompagnée par des textes réglementaires visant à sécuriser les opérations et définir les droits et les devoirs des clients.

Se montrant optimiste quant à l’avenir du paiement électronique en Algérie, le Ministre a affirmé que le Groupement d'Intérêt Economique de la Monétique (GIE-monétique), la nouvelle instance instituée avec pour mission la régulation et la gestion de ce nouveau système de paiement, aura un important rôle à jouer dans ce domaine. Ainsi, en dépit des retards qui persistent dans le « décollage » du e-paiement en Algérie, le Ministre se veut rassurant en affirmant que les banques sont de plus en plus engagées pour proposer à leurs clients des produits et des prestations variées consistant à encourager l’utilisation des outils du paiement électronique et l’introduction du e-banking en vue de fournir aux clients toutes les informations sur leurs comptes par le biais d’Internet.


La culture du cash, premier facteur handicapant

En dépit de plusieurs réformes introduites au niveau des banques publiques et privées dans le domaine de l’epaiement, plusieurs consommateurs demeurent réticents et préfèrent faire confiance aux moyens classiques. " Ils sont nombreux à préférer le cash ", nous dira cette employée de la banque. Il semble clair que pour des raisons d’ordre culturel, les Algériens hésitent à faire confiance au paiement électronique, pourtant il s’agit là d’un moyen bien plus sécurisé et rapide. « Je possède une carte bancaire CPA, mais je ne vous cache pas que j'ai une peur bleue d'effectuer des transactions commerciales avec cette carte de peur que mon compte ne soit piraté », avoue Dalila, 32 ans, cadre.


Pour cette jeune femme, les Algériens ne sont pas habitués à ce nouveau mode de paiement et préfèrent retirer leur argent en cash pour leurs dépenses. Si du côté des citoyens l’obstacle est plus culturel, les commerçants quant à eux ne sont pas emballés par l’e-paiement pour une raison bien simple; dans ce nouveau mode de paiement, les transactions commerciales sont facilement traçables, ce qui ne leur permet pas d'échapper au FISC.


Le paiement sur Internet, introduit officiellement à partir de juin

Si le commerce électronique est encore à un stade primaire en Algérie, c’est en raison de l’absence d’un encadrement règlementaire. Selon les propos du Directeur Général du GIE-Monétique, Mouatassem Boudiaf, le commerce électronique qui met en relation deux entités distantes physiquement, mais qu’une transaction commerciale lie, nécessite impérativement un encadrement juridique et légal par des textes de loi clairs. A ce propos, M. Boudiaf a souligné que « l’ouverture du paiement sur Internet à la vente de biens matériels à travers la carte CIB reste tributaire de la promulgation des textes d’application de la loi 15-04 relative à la signature et à la certification électroniques, publiée au journal officiel en février dernier ». Ce cadre juridique permettra le lancement du E-commerce en Algérie car les textes promulgués seront en mesure de réguler les litiges et les infractions. Chargé de réguler le secteur de la monétique en Algérie et de le promouvoir par la généralisation de l’usage de la carte de paiement, le GIEMonétique a été créé en juin 2014.


 Le lancement officiel du paiement sur Internet ne concernera que quelques sociétés

Dans un premier temps, le paiement sur Internet qui sera lancé officiellement à partir de juin prochain ne concernera que certaines sociétés, à savoir des sociétés de distribution d’eau, d’électricité et de gaz (Sonelgaz), de transport aérien, de téléphonie et de l’Internet fixe et mobile, selon Mouatassem Boudiaf. Plusieurs grandes sociétés de services pourront introduire le paiement par internet pour leur clientèle à partir de fin juin prochain. M. Boudiaf nous a expliqué que « face à la demande pressante du secteur économique, le GIE-Monétique s’est proposé de lancer une alternative visant l’établissement d’un recueil documentaire interbancaire devant permettre la mise en oeuvre du paiement sur Internet au profit d'un certain nombre de sociétés de services et de grands facturiers ». Un protocole d’accord a été signé, portant délégation par le GIE-Monétique de la gestion de la plateforme interbancaire d’autorisation à la Société d’automatisation des transactions interbancaires et de monétique (Satim).

S'exprimant sur les difficultés qui freinent le lancement du e-paiement en Algérie, notre interlocuteur a souligné que « la vente à distance n’est pas encadrée en Algérie car pour ce faire, nous avons besoin de s’appuyer sur les textes d’application de la loi portant sur la certification et la signature électroniques. Ce périmètre n’est pas le nôtre. Celui qui nous concerne est celui du paiement où l’on agit avec l’appui des pouvoirs publics et l’approbation de la Banque d’Algérie qui examine actuellement le recueil que nous lui avons remis. Elle reviendra vers nous pour une approbation totale ou partielle ».

Mettant l’accent sur l’importance de la plateforme interbancaire qui permettra à l’avenir de lancer d’autres types de paiement, comme le paiement via le téléphone mobile, le directeur du GIE a précisé que la Satim prendra en charge, par délégation, les autorisations interbancaires mais aussi la sécurisation de la plateforme, de ses infrastructures et des équipements techniques en assurant sa continuité et en augmentant sa capacité de transaction qui avoisine actuellement les 20 millions de transactions/an. La plateforme en question répondra aux normes internationales de sécurité et permettra la densification du nombre de porteurs de cartes CIB, un impératif pour la réussite du paiement électronique en Algérie.


L’importance de mener des campagnes de sensibilisation

Pour de nombreux spécialistes, le manque d’engouement des Algériens pour l'e-paiement peut également être expliqué par le manque de sensibilisation. Selon ces derniers, la carte de paiement n'a pas bénéficié de campagne de sensibilisation et de publicité auprès des clients pour les amener à l’utiliser. Cette opération de sensibilisation devrait impliquer aussi bien les banques algériennes que les établissements financiers qui devraient se montrer plus offensifs pour convaincre les Algériens à adopter ce mode de règlement. Ainsi, en plus d’assurer un cadre juridique et la sécurité des clients, il est indispensable de procéder à la vulgarisation à large échelle, notamment concernant l’usage des cartes interbancaires afin de permettre au paiement électronique de trouver sa place en Algérie.


 

Entretien avec Mouatassem BOUDIAF, Directeur Général de GIE-MONETIQUE

« J’espère que dans 5 ans, tous les Algériens seront dotés d’au moins une carte de paiement et qu’ils en feront usage une à deux fois par mois »


Mouatassem Boudiaf est le directeur Général de GIE MONETIQUE, le groupement d’Intérêt Economique de la monétique créé dans le but d’assurer la régulation, la normalisation du système monétique et d’assurer la convention, la diffusion et la représentation de ce système. Dans cet entretien accordé à notre magazine, le premier responsable de la GIE nous dresse un tableau de l’état du e-paiement en Algérie.



Monsieur Boudiaf, parlez-nous de GIE Monétique.

Le Groupement d'Intérêt Economique de la Monétique a été créé avec l’appui des pouvoirs publics et avec la participation de la Banque d’Algérie. Il y a plusieurs périmètres dans lesquels nous opérons. Le GIE a pour objectif d’assurer la régulation, la normalisation du système monétique et d’assurer la convention, la diffusion et la représentation de ce système. Pour que nous puissions mettre en oeuvre le paiement par carte, nous nous devons d’assurer un certain nombre de fonctions dont celle de définir les spécifications techniques de tout matériel ou logiciel devant construire et constituer le système monétique. Par conséquent, si nous définissons ces spécifications, nous allons devoir nous prononcer sur la conformité d’un présumé équipement ou logiciel qui serait conforme. Le GIE va certifier, agréer, homologuer tout matériel et logiciel, devenant ainsi l'autorité de certfication dans le monde de la monétique en Algérie. Ensuite, nous devons aussi définir les nouveaux produits monétiques et leur adosser des procédures d’exploitation. Le e-paiement est par exemple un nouveau produit aujourd’hui et nous nous devons de lui adosser une mégaprocédure qui va dérouler tout le process d'usages et de bonnes fins transactionnelles. Enfin, le Groupement veille aussi au respect de la sécurité de ce système de paiement par carte. Il faut savoir que l’interbancarité va s’appuyer sur une plateforme d’autorisation interbancaire. Nous avons décidé de déléguer cette mission à la SATIM qui va devoir la rehausser à des niveaux et à des standards qui vont devoir supporter la capacité volumétrique de ce projet et son niveau de sécurité.

Parlez-nous du travail que vous êtes en train d'effectuer, de vos réalisations.

Le Groupement est passé par deux phases. Le premier semestre était consacré à la création du GIE qui a coïncidé avec le deuxième semestre 2014. Cette période était consacrée essentiellement à l’aspect administratif et logistique du Groupe qui a été opérationnel dès janvier 2015. Le plan d’actions a tout de suite été mis en oeuvre avec un dossier prioritaire qui a été amorcé, celui du paiement sur Internet. A suivi une question : est-ce que le paiement sur Internet était réglementé ou pas ? On s’est rendu compte que Non et il a fallu beaucoup de temps pour qu’il soit encadré. Le Groupement s’est alors proposé de construire une alternative à travers un recueil documentaire interbancaire sur lequel on pourrait s’appuyer pour lancer progressivement sur Internet le paiement par carte.

Quelques initiatives sont en cours notamment du côté des opérateurs et des banques. Sur quel ancrage juridique se basent-ils ?

Il faut savoir qu’aujourd’hui, il ne devrait pas y avoir de paiement sur Internet. En principe, il n’y en a pas sauf pour un opérateur que je ne veux pas citer et avec lequel nous avons décidé de faire des tests pilote et de s’appuyer sur les retours d’experts pour avancer. Aujourd’hui, nous avons besoin de ce recueil documentaire qui a été finalisé en avril et qui a été transmis afin qu'il soit adopté par le comité de normalisation de la Banque d’Algérie qui promulguera un certain nombre de nouvelles normes. Seulement à ce moment-là, on pourra mettre en ligne le paiement sur Internet, qui devrait arriver en 2015.

Pouvons-nous en savoir plus ?

Les sociétés qui vont bénéficier prochainement du paiement sur Internet sont dans une première phase les grands facturiers : les sociétés de distribution d’eau, d’énergie (gaz et électricité), de téléphonie fixe et mobile, les compagnies d’assurances et de transport aérien, et quelques administrations (administration fiscale, le Trésor et les douanes) dans un premier temps, et les autres sociétés de service dans un second temps. Ensuite, dans une deuxième phase, le service sera élargi à tout ce qui est produit et matériel. Aujourd’hui, quand on parle de e-commerce, il y a 2 périmètres qui viennent se superposer dont le périmètre relatif au commerce et qui relève du Ministère du Commerce. La vente à distance n’est pas encadrée en Algérie car pour ce faire, on a besoin de s’appuyer sur les textes d’application de la loi portant sur la certification et la signature électroniques. Ce périmètre n’est pas le nôtre. Celui qui nous concerne est celui du paiement où l’on agit avec l’appui des pouvoirs publics et l’approbation de la Banque d’Algérie qui examine actuellement le recueil que nous lui avons remis. Elle reviendra vers nous pour une approbation totale ou partielle. L'intérêt de proposer ce type de prestation destination des grands facturiers a un intérêt commun pour les uns et pour les autres. Le premier intérêt est que nous allons nous appuyer sur des entreprises citoyennes. Ensuite, il s’agit de sociétés à densité de porteurs qui vont nous permettre de densifier notre réseau de porteurs, ce qui est très important. L'intérêt pour ces entreprises est de désengorger leurs guichets. Ils n’auront plus besoin d’envoyer les factures par courrier, le client y aura accès sur un portail et pourra la régler de suite.

Justement, les partenaires que vous avez choisi auront leur propre portail ou s’appuieront-ils sur des solutions déjà existantes ?

Il y aura un portail web pour chaque société. L’intégration de ce portail sur la plateforme interbancaire sera validée par le Groupement. Il y a un recueil documentaire qui définit toutes les étapes et qui stipule qui fait quoi, qui signe quoi. Cela ne se fait donc pas de manière anarchique. Nous savons ce que la banque doit faire avec son client, ce que la banque doit faire avec la SATIM, ce que la SATIM doit dérouler comme tests préalables à l’intégration d’un site web marchand, etc. Cela va nous permettre à nous de consolider tous ces documents et de prononcer soit une autorisation soit un refus.

Quand la 2ème phase sera lancée, n'avez-vous pas peur d'être submergé de demandes de web marchands ?

Dans la première phase, cela n’arrivera pas car les grands facturiers se comptent sur les doigts de la main. Pour la deuxième phase, nous ne nous inscrivons pas dans une démarche limitative, au contraire. La plateforme interbancaire est appelée à évoluer en capacité de volumétrie.

Parlons de Terminaux de Paiement Electronique (TPE). Comment développer ce moyen de paiement sachant qu'on rencontre une certaine crainte du côté des commerçants ?

Il y a plusieurs raisons concernant le rejet de ce système de paiement. Le problème majeur est l’information, la communication. Nous avons quelques 3 000 TPE et 120 seulement ont généré une transaction en 2015. C’est très inquiétant quand on sait que nous avons un peu plus de 1 300 000 porteurs de cartes de paiement en activité en 2015, et qu’il n’y a que quelques milliers de transactions qui ont été effectuées. Il y a de quoi se poser des questions. Les Algériens ne savent pas tous que leur carte est une carte de paiement. Nous avons aussi besoin d'instaurer une confiance dans l’usage de cette carte en vantant ses mérites. Il faut aussi former les commerçants. Je vous assure que 9 fois sur 10, les gens ne savent pas utiliser le TPE. Nous allons mettre en place des actions de sensibilisation via des supports audiovisuels et papiers, et les mettre à la disposition des acteurs concernés.

Aujourd'hui, toutes les banques sont-elles prêtes à se lancer dans le paiement sur Internet ?

Quand vous allez effectuer votre paiement sur Internet, vous allez devoir insérer le numéro de votre carte, les chiffres se trouvant au dos de la carte (cryptogramme), ainsi qu’un mot de passe que votre banque devra vous fournir. Le Groupement demande aux banques de commencer à diffuser les mots de passe aux porteurs de cartes. Je voudrais en profiter pour lever une confusion dans l’esprit de vos lecteurs. Il faut qu’ils sachent que nous allons ouvrir le paiement sur Internet. Cela ne veut en aucun cas dire qu’il y aura de suite généralisation de ce moyen de paiement. Cela veut dire qu’il y a possibilité pour les sociétés concernées d'offrir ce service. On ne peut pas parler maintenant de généralisation car c’est encore un chantier. Tout n’est pas encore prêt. Nous allons démarrer avec deux opérateurs téléphoniques, une compagnie aérienne et une société de distribution. Concernant les autres sociétés, nous sommes derrière elles et nous essayons de les booster un petit peu pour qu’elles se lancent.

Le fait que 99% des sites algériens qui vont peut-être faire du e-commerce par la suite ne soient pas hébergés en Algérie, consitue-t-il un frein selon vous ?

C’est un gros problème, oui. Exiger que le site soit hébergé en Algérie serait l’idéal mais il ne faut pas non plus que cela devienne un fardeau. Nous n’avons sérieusement pas encore tranché concernant cette question, elle est en suspens. Elle ne concerne pas les grands facturiers donc on verra par la suite.

Si l'on voit ce qui se passe dans les pays voisins, il n'y a pas photo. Malgré ce que l'on entend, le paiement électronique stagne. Qu'est-ce qui pourrait booster les choses ?

J'ai beaucoup de respect pour mes confrères marocains et tunisiens mais je pense qu'aujourd'hui, on a besoin les uns comme les autres de se retrousser les manches et d'aller identifier les raisons de cet échec quant à l'usage de la carte. Cela afin que nous puissions réunir les conditions nécessaires à la généralisation de l'usage de la carte de paiement. Pourquoi ? Parce que nos concitoyens, que ce soit ici ou ailleurs, sont friands de nouvelles technologies. Il n'y a qu'à voir l'appropriation du GSM, de la 3G, d'Internet, des réseaux sociaux et de la fréquence d'interaction sur ces sites. S'il y a quelqu'un qui n'a pas su encadrer cette envie technologique pour généraliser le paiement par carte, c'est bien nous. Je suis ravi de voir que les pouvoirs publics ont décidé enfin de créer cet organe de régulation et j'espère que dans 5 ans, tous les Algériens seront dotés d'au moins une carte de paiement et qu'ils en feront usage une à deux fois par mois, sans courir le moindre risque.


Rencontre avec Eric NIZARD, Président de l’Association des Experts Européens en Systèmes de Transactions Electroniques EESTEL

« Il est impératif de sécuriser l’acte commercial pour lancer le e-paiement en Algérie »

ERIC NIZARD est le président de l’Association des Experts Européens en Systèmes de Transactions Electroniques EESTEL, une association née en 1998 avec la volonté des membres fondateurs de partager de l’expertise, des expériences et de formuler un jugement global et indépendant de toute structure commerciale sur les échanges dématérialisés. L’association compte aujourd’hui 55 membres dont majoritairement des experts reconnus qui réalisent d’importants projets de développement et de spécifications d’applications autour du paiement, de la billettique, de la santé, de l’e-identité, de la sécurité, des technologies NFC et autres objets nomades. M. Nizard nous parle de la nécessité de sécuriser les transactions commerciales via Internet afin d’initier les citoyens.


Dès qu’il s’agit de paiement électronique, la première question qui vient à l’esprit des clients est la sécurité des transactions effectuées sur le Net. Comment peut-on convaincre les consommateurs et les commerçants de franchir le pas, de mettre de côté la méfiance qui s'installe quand on paye sur le Net ?

Un travail de pédagogie et d’accompagnement des usages vis à vis des clients et des commerçants sera nécessaire de la part de tous les acteurs, qu’il s’agisse des sites de e-commerce mais aussi et surtout des banques, des instances gouvernementales et particulièrement de la presse qui, comme votre journal, peut faire passer des messages éducatifs et positifs. Les banques devront également mettre en œuvre des outils et des politiques permettant d’apporter plus de sécurité et de rassurer les utilisateurs. L’authentification forte des acteurs de l’acte d’achat est un bon levier. La rédaction de guides de bonnes pratiques et de recommandations en est un autre, il en existe de nombreux autres. On observe toutefois en Afrique un vrai boom du e-commerce malgré de nombreux facteurs compliquant son développement. La génération Y qui est née dans un univers fortement dématérialisé en est l'un des principaux moteurs. Il est avant tout important que l’ensemble des acteurs concernés s’entendent sur un message clair et homogène car sinon, cela ne fera que renforcer les craintes des utilisateurs qu’ils soient clients ou commerçants. Derrière les mesures techniques de sécurisation de l’acte commercial, il est aussi possible de s’appuyer sur des approches de types assurance pour garantir la transaction.

Lors d'un paiement sur Internet, comment est-ce que les clients algériens peuvent être rassurés et savoir que telle ou telle transaction est bien sécurisée ?

Ils doivent notamment :

- contrôler la présence d’un cadenas dans la barre d’adresse ou en bas à droite de la fenêtre de votre navigateur Internet (remarque: ce cadenas n’est pas visible sur tous les navigateurs);
- s’assurer que la mention « https:// » apparaît au début de l’adresse du site Internet;
- vérifier l’exactitude de l’adresse du site Internet en prenant garde aux fautes d’orthographe par exemple.

Des pirates spécialisés peuvent intercepter les données lors d’une transaction commerciale électronique. Quelles sont les dispositions nécessaires à prendre ?

L’utilisateur doit sécuriser son poste de travail par des antivirus performants qui protègent ses transactions (anti-virus, anti-spam, anti-intrusion,etc.). Il doit vérifier que les sites marchands qu’il utilise ont une bonne notoriété et qu’ils sont sécurisés par des organismes certificateurs. Il ne doit pas utiliser de logiciels ou d’OS piratés. Il est recommandé de privilégier la méthode impliquant la confirmation du paiement de la commande (SMS, Application mobile, One-time password, …). De manière générale, il ne doit jamais transmettre le code confidentiel de sa carte bancaire et ne pas hésiter à se rapprocher de sa banque pour connaître et utiliser les moyens sécurisés qu’elle propose.

Vous êtes partenaire du colloque franco-algérien sur la monétique et le paiement électronique organisé par Business France. Qu’attendez-vous de votre participation ?

Le partenariat entre EESTEL et Business France, dans le cadre du colloque qui aura lieu du 14 au 16 juin à Alger, apparait comme une évidence ! Un grand nombre d’experts EESTEL interviennent régulièrement pour des missions de conseil en Afrique et au Maghreb. Ce colloque franco-algérien est important pour faire connaître le savoir-faire d’EESTEL afin que les grands acteurs des moyens de paiement en Algérie sachent auprès de quels experts internationaux - ceux d’EESTEL - ils peuvent bénéficier de conseil et d’accompagnement dans leurs projets.  Nos experts sont désireux d’être acteurs de la dynamique d’innovation et de développement du paiement électronique sur le continent africain. A cet égard, le colloque créée des opportunités pour les experts EESTEL de rencontrer les décideurs des systèmes de paiement afin de nouer des relations partenariales durables.

 

Le bureau Business France, près de l’ambassade de France en Algérie, organise en partenariat avec le GIE-Monétique et l’EESTEL, l’Association des Experts Européens en Systèmes de Transactions Electroniques, un colloque sur la monétique et les systèmes de paiement électronique. Il se tiendra le 15 juin 2015 à l’hôtel El Aurassi. Parmi les sujets qui seront traités : les outils de lutte contre la fraude dans le paiement électronique, les outils de sécurisation des paiements en ligne, la gestion du parc TPE, etc.


 

HB Technologies, leader dans la production et la personnalisation de cartes intelligentes

HB Technologies a été fondé en 2004 avec pour objectif l’implémentation d’un projet d’unité de production et de personnalisation de cartes intelligentes. Ses installations de production et de personnalisation furent achevées en fin 2006. Début 2007, l’entreprise met sur le marché les premières cartes au profit d’Algérie Poste, sous un environnement hautement sécurisé et selon les standards et normes internationaux. Impossible donc quand on évoque le paiement électronique de ne pas citer HB Technologies qui ne cesse de se développer dans le domaine du paiement électronique et de la signature numérique. N’TIC Magazine est donc allé à la rencontre de M. Hamid Benyoucef, Directeur Général de HB Technologies, qui nous a ouvert les portes de son entreprise.

 

M. Benyoucef, parlez-nous de HB Technologies.

HB Technologies est une entreprise familiale 100% algérienne. Aujourd’hui, elle emploie 120 personnes dont plus de 60% d’ingénieurs, produit plus de 40 millions de cartes par an avec une capacité de plus de 100 millions de cartes. Nous sommes donc pratiquement à 40% de taux de production. Notre chiffre d'affaires est d’environ 1 milliard de dinars. Nous faisons aussi un peu d’exportation dans plusieurs pays, notamment des cartes carburant pour l’Afrique dans environ 10 pays pour le groupe SHELL. Nous exportons aussi des puces 3G, nous sommes d’ailleurs sur le point de signer un grand contrat avec l’Europe. Tout cela grâce à nos ingénieurs et à la ressource humaine algérienne parce que exporter, aujourd’hui, n’est pas chose facile. Le transfert de technologie en Algérie n’existe pas. Celui qui veut acquérir la technologie doit la développer, c’est pour cela que j’insiste sur le fait que HB Technologies a son département de Recherche et Développement qui existe depuis plus de 10 ans et qui compte 6 docteurs et plus d’une quinzaine d’ingénieurs et de développeurs. Nos solutions sont développées localement et la technologie utilisée chez HB Technologies nous appartient. Aujourd’hui, nous avons
installé la signature électronique, la PKI (Public Key Infrastructure), au niveau du ministère de la justice et nous sommes sollicités par quelques institutions aussi dans ce sens-là.

Parlez-nous du lien entre la signature électronique et l'e-paiement.

On ne peut parler d’e-paiement sans PKI. C’est grâce à la PKI que l’échange de clés se fait entre deux ordinateurs, deux terminaux de paiement, etc. Aujourd’hui par exemple, nous pouvons récupérer notre casier judiciaire sur Internet en moins de 25 secondes grâce à la signature électronique, grâce à HB Technologies et au Ministère de la justice qui a fourni un gros travail. Il suffit de le vouloir pour pouvoir. Maintenant, en ce qui concerne le paiement électronique, le marché des cartes en Algérie est estimé à 9 millions de cartes. En ce début d’année, l’Etat a réagi en créant le GIE-Monétique qui essaiera de résoudre les problèmes existants et rattraper ainsi le retard accumulé.

Il y a plusieurs cartes qui sont en circulation mais leur utilisation reste limitée. Pourquoi selon vous ?

Prenons comme exemple Algérie Poste. Ils ont utilisé une bonne polique dès le début. Ils ont offert les cartes gratuitement à leurs clients et ont limité la distribution des chèques ce qui a conduit les gens à utiliser ces cartes-là. Maintenant, c’est devenu une habitude. On a un pays rempli de jeunes, des jeunes fans de tout ce qui touche aux nouvelles technologies. Cela veut dire que la population algérienne est prête à utiliser des cartes. Il faudrait seulement que l’Etat prenne son courage à deux mains et crée des organismes comme le GIE. Si l’Etat met la main à la poche pour mettre en place plus de TPE et de distributeurs de billets aux normes internationales, la population suivra. On compte seulement 1 000 DAB dans toute l’Algérie, avec des normes purement algériennes. Comment voulez-vous que les Algériens utilisent leurs cartes et que le procédé réussisse ? Cela serait en plus bénéfique que l'Etat exige que les DAB soient fabriqués en Algérie. Cela obligera les entreprises à créer des emplois et à diminuer leurs prix. Il faudra aussi assurer la sécurité des transactions pour pouvoir lancer la monétique. A mon avis, il faudra au moins 2 à 3 ans pour lancer de vraies opérations d’e-paiement et cela, si le GIE continue sur la cadence actuelle.

Comment voyez-vous l'avenir de la monétique en Algérie ?

D’ici 2-3 ans, dans le cas de la standardisation des procédés, la population algérienne suivra sans doute car elle reste fan de cette culture technologique et les entreprises, comme la nôtre, sont prêtes à passer le cap et à aller vers le paiement électronique. Il faudrait maintenant que les moyens nécessaires soient débloqués, avec les standards et la sécurité derrière. Je pense que le GIE est sur la bonne voie. Ne reste que les pouvoirs publics qui doivent aider les banques à faire des déploiements importants pour généraliser les moyens de paiement.

Concernant votre entreprise, comment tout cela va influer sur vos activités ?

La standardisation de la monétique sera une bouffée d'oxygène pour HB Technologies et pour les autres entreprises aussi. Dès que nous connaîtrons les standards qui doivent être respectés, nous saurons dans quelle direction aller. La technologie évolue et reste chère donc on ne peut se permettre d’acheter des puces et attendre. Tout cela dépendra de la standardisation qui va être mise en place.

En tant que producteurs algériens, comment envisagez-vous l’ouverture de ce marché par rapport à vos concurrents qui sont des entreprises étrangères ?

Avant la crise financière, beaucoup de personnes disaient que l’Algérie était intouchable. Les autres pays ont l’habitude de tomber et de se relever à chaque fois mais nous, si on s’effondre, on ne se relèvera pas facilement. Heureusement pour cette fois, il y a eu une réaction globale de la société et du gouvernement, suite à cette crise, qui commencent à prendre conscience du fait que ramener tout de l’étranger constitue un problème. Donc, aujourd’hui, favoriser le travail en Algérie est une nécessité pour agrandir le marché de l’emploi. C’est dans ce sens qu’un marché ouvert constitue un réel danger. C’est pour cela qu’il faut demander aux entreprises étrangères qui veulent conquérir le marché de venir s’installer ici.

HB Technologies ne fournit pas que des cartes à puces ou des cartes de paiement. Parlez-nous donc de vos autres activités ?

Nous travaillons sur plusieurs domaines entre le e-paiement, la sécurité des transactions, les transactions via TPE,... De plus, nous avons créé une panoplie de logiciels développés au sein de notre entreprise, signature électronique incluse, et on compte lancer de nouveaux produits fin 2015. Notamment une clé USB sécurisée qu’on a créé ici et qui est accompagnée d’un système de sécurité. Après trois tentatives d’accès infructueuses, la clé se bloque et un code PUK sera nécessaire pour la débloquer. Cela réduira le risque lié aux données personnelles en cas de perte de la clé. On y travaille depuis 2 ans et c’est un produit 100% algérien. On lancera aussi le disque dur sécurisé fin 2015 où la sécurisation des données se fera à travers du cryptage.