Produits High-Tech : la production locale face aux blocages psychologiques

Numéro dossier: 61

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Rares il y a peu de temps, les entreprises qui ont compris que l’avenir appartenait à ceux qui optent pour la production sont de plus en plus nombreuses dans le secteur des nouvelles technologies.



Si certaines entreprises font du simple montage d’équipement, d’autres, plus ambitieuses, ont mis en place de véritables services de recherches et de développement à l’image des grandes compagnies. Plus compliqué que beaucoup d’autres, le domaine des équipements électroniques ne semble plus aussi « effrayant » qu’avant. Des résultats ont été réalisés même s’il reste un long chemin à parcourir. Des produits fabriqués en Algérie, généralement sur la base de technologies asiatiques, trouvent aujourd’hui très naturellement leur place dans les étals des magasins à côté d’équipements de grandes marques. Quelques entreprises algériennes ont même étonné en exportant des marchandises sortant de leurs unités de production vers des pays européens tels que l’Espagne. Les prix compétitifs et leur qualité globalement acceptable leur ont permis de se frayer un chemin dans les marchés les plus improbables. En somme, un assez bon début pour les producteurs algériens dont la majorité n’y croyaient tout simplement pas, il n’y a pas si longtemps. Les plus pessimistes assurent, pour leur part, que l’on ne peut pas réellement parler d’un label « made in Algeria » dans le domaine des nouvelles technologies étant donné que la plupart des entreprises versés dans ce domaine ne font que du montage et parfois même se contentent de croiser plusieurs technologies dans un même équipement. D’autres, en revanche, considèrent que le montage est le préalable à la mise en place d’une véritable industrie locale exploitant des idées tout aussi locale. Des pays tels que la Corée du Sud, la Chine et même le Japon ont commencé par faire du montage et n’ont pas hésité à copier des produits originaux.

Allant plus loin encore, certaines entreprises algériennes se sont tournées vers des inventeurs et autres chercheurs locaux pour enrichir leurs produits. L’exemple de Condor, qui a présenté récemment un détecteur de fuite de gaz électronique mis au point par un scientifique algérien, est assez édifiant. A travers cette démarche, les entreprises algériennes démontrent leur volonté de produire des équipements sans s’appuyer sur une technologie étrangère tout en donnant l’opportunité aux chercheurs algériens de concrétiser leurs idées, ce qui sert, cela va sans dire, leur image de marque.

Cependant, quelle que soit l’opinion que l’on se fait de la production locale, l’épreuve du marché est déterminante. Les équipements montés localement trouvent preneurs et c’est déjà une victoire pour les entreprises qui les proposent.

Le montage, une évolution naturelle

Passer au montage localement et offrir aux clients des équipements plus ou moins algériens n’a pas été un défi facile mais représente, cependant, une évolution très naturelle des choses. La désormais célèbre zone industrielle de Bordj Bou Arreridj est le meilleure exemple illustrant cette évolution. Connus pour ces entreprises essentiellement spécialisées dans le domaine des équipements électroniques, cette zone industrielle était à ses débuts un conglomérat d’entreprises proposant des produits importés. Les acteurs, qui ont donné à cette wilaya le surnom de « Silicon Valley algérienne », ont profité de leur succès, mesuré par les ventes qu’ils ont réalisées, pour asseoir leur position en décidant de faire du montage. Faire du montage localement réduit les coûts et permet, d’une manière ou d’une autre, de mettre les bases d’un processus de transfert de technologies. Le calcul a été vite fait et les résultats ont été plutôt satisfaisants. Ceux qui avaient l’habitude de s’approvisionner à Bordj Bou Arreridj ne voyaient pas d’inconvénients à ce que leur marchandise soient en partie composée de produits montés localement. Le reste était une affaire de prix.

Suivant l’exemple des pionniers, d’autres marques de la région ont mis en place leurs unités de montage. Le même phénomène s’est également produit dans d’autres régions du pays. Tout le monde semblait d’accord sur le fait que le succès commercial devait avoir, comme suite logique, le montage. Dans ce même processus, une troisième étape a été franchie récemment celle de la mise en place de services de recherches et de développement de la part des grandes marques locales. La touche algérienne dans les équipements montés localement est donc de plus en plus prononcée. La dernière étape, pas encore atteinte celle là, est l’étape de la production 100% algérienne. Pour cela, il faudrait attendre encore quelques années. Quoi qu’il en soit, l’idée de passer à la production est aussi ingénieuse qu’incontournable. La réduction des coûts n’est pas la seule motivation des producteurs. Les complications et autres désagréments accompagnant inévitablement les opérations d’importation sont également de bonnes raisons poussant les acteurs économiques algériens à penser à faire du montage. Une réalité qui s’applique à différents secteurs d’activité.

Le facteur psychologique

Face au montage local, il subsiste, il faut le dire, un obstacle majeur. Probablement le plus important des défis à relever. Il s’agit de la perception de la production locale par les consommateurs. Une grande partie de ces consommateurs reste dubitative face à toute production nationale quel qu’en soit le marché concerné. Qu’il s’agisse d’équipements montés ou de marchandises fabriquées en Algérie, un grand nombre de consommateurs hésite. L’idée négative qu’ont ces consommateurs n’est pas infondée et représente une barrière difficilement surmontable devant la volonté de donner une nouvelle image aux biens produits en Algérie. Si une certaine catégorie des Algériens leur est acquise, les entreprises spécialisées dans le domaine très pointu des nouvelles technologies ont encore beaucoup de travail à faire pour convaincre. Celles-ci sont supposées agir sur deux fronts totalement différents: fournir des produits acceptables et effectuer un travail de communication autour du savoir-faire algérien. Une partie de ce travail a été d’ailleurs faite de façon indirecte au profit de ces producteurs à travers la réputation acquise au niveau international par les scientifiques algériens.

Les médias algériens, mais aussi les autorités, regardent depuis quelques années en direction des chercheurs algériens résidant à l’étranger et dont les compétences et les travaux ont été mondialement reconnus. « Découvrir » que l’Algérien est capable de briller dans les domaines très particuliers des sciences et des nouvelles technologies a eu un effet direct sur la confiance des Algériens en eux-mêmes. « Si les bonnes conditions se réunissent, l’Algérie est capable de faire de grandes choses » est désormais le point de vue que se partagent beaucoup de gens. Sur cent personnes interrogées dans le cadre d’un mini-sondage réalisé par N’TIC Magazine, 57 disent opter pour les produits électroniques montés en Algérie. Une bonne partie d’entre eux le ferait pour « encourager la production nationale ». Une motivation à comprendre et à prendre en considération.

Encore prudents, certains producteurs d’équipements électroniques proposent en même temps du matériel monté localement et des produits importés, probablement en attendant que les idées bloquant certains consommateurs changent. De manière générale, l’on peut donc dire que l’Algérie progresse de façon très naturelle passant de la simple consommation au montage. La vitesse à laquelle les choses progressent reste un élément très important.


 

D’une capacité de 400 000 unités par an, Condor ouvre une usine de production de cartes mères


Condor Informatique produira désormais des cartes mères. L’entreprise s’est officiellement dotée d’une unité de production de cartes mères le 24 novembre dernier. L’unité de production installée dans la zone industrielle de Bordj Bou Arreridj est capable de produire 400.000 cartes par an. « Contrairement aux compagnies multinationales qui sous-traitent la fabrication de cartes mères auprès d’entreprises chinoises, l’Algérie fabriquera elle-même ses cartes mères », dira M. Abdelmalek Benhamadi, président-directeur général de Condor, lors d’un point de presse tenu en marge de l’inauguration.

M. Benhamadi a précisé, d’autre part, que Condor Informatique produira des cartes et pourra aussi en réparer sur place. En plus des économies à faire, de l’ordre de 2 à 3 dollars par unité, la réparation de la carte prolonge sa durée de vie». L’inauguration de l’unité de production s’est faite en présence du directeur général de Microsoft et du président de l’Algerian Information Technology Association (AITA). M. Mourad Nait Abesselam, directeur général de Microsoft Algérie, a exprimé son soutien à Condor Informatique tout en mettant l’accent sur l’importance que revêt la mise en place d’une unité de production de cartes mères en Algérie.

De son côté, M.Farid Lefkir, président de l’AITA, a évoqué l’importance d’une telle unité de production pour l’économie algérienne. M.Lefkir a exprimé la volonté de l’association qu’il représente d’aider Condor Informatique à exporter ses cartes mères. Les représentants de Condor Informatique ambitionnent, en effet, de commercialiser leurs produits à l’étranger. Un objectif accessible à en croire le président de l’AITA qui joindra sa voix à celle de Condor en affirmant que « si les compagnies internationales font appel à la soustraitance chinoise, rien n’empêche les Algériens de se proposer comme sous-traitants en ce qui concerne les cartes mères ».

L’inauguration de la nouvelle unité de production a également été une occasion pour les responsables de Condor informatique qui ont annoncé les nouveautés prévues pour l’année 2012. Il s’agit d’un tableau interactif destiné, entre autres, au secteur de l’enseignement, le PC-All-In-One +TV, ne disposant pas d’unité centrale, un PC destiné exclusivement aux banques, et enfin des tablettes PC.

Un détecteur de fuite de gaz « unique au monde »

Parallèlement à l’inauguration de l’unité de production de cartes mères, les représentants de Condor informatique ont présenté un produit considéré comme « une première mondiale ». Il s’agit d’un détecteur de fuite de gaz mis au point par Condor. Abdelghani Chekkar est le nom de l’inventeur de cet appareil. Condor a semble-til beaucoup misé sur cet inventeur qui a été présenté à la presse par le président-directeur général de Condor. Le détecteur de fuite de gaz mis au point par M. Chekkar est destiné aussi bien aux foyers qu’aux complexes industriels. Le détecteur doté d’une technologie de pointe permet de repérer et de stopper, très tôt, la moindre fuite de gaz, ce qui réduit de beaucoup les risques d’asphyxie ou d’explosion. L’invention a déjà décroché un certain nombre de prix au niveau international. Selon le P-D G de Condor, Abdelmalek Benhamadi, ce produit « unique au monde » devra être proposé à la compagnie Sonelgaz mais sera aussi commercialisé à l’étranger.




A partir de 2012, ENIE produira des téléviseurs intelligents


L’Entreprise Nationale de l’Industrie Electronique (ENIE) de Sidi Bel-Abbès se lancera officiellement dans la production de téléviseurs intelligents dès l’année 2012. Les Smart TV ENIE seront vraisemblablement bien équipés et donneront, entre autres, la possibilité de se connecter à Internet à l’image des Smart TV des grandes marques. L’entreprise ENIE devra bénéficier de l’appui de l’entreprise d’industrie électronique "ALFATRON" installée à Oran. De son côté, ENIE entend moderniser ses infrastructures de production à travers un investissement de 14 milliards de dinars, tels qu’il a été annoncé dernièrement par les responsables de cette entreprise. Cet investissement permettra globalement d’étendre la superficie de l’usine principale de Sidi Bel-Abbès de 28 à 54 hectares et d’augmenter le nombre de travailleurs qui passera de 1 090 à 2 500 personnes dans les cinq prochaines années.

La mise en place de nouvelles unités de production sont également au programme. Celles-ci seront destinées à la fabrication de puces et de circuits électroniques ainsi qu’au développement de panneaux photovoltaïques. ENIE envisage également de créer un centre de recherche et de développement, l’objectif étant d’aller toujours un peu plus loin pour améliorer les produits proposés par cette entreprise sur le marché. Il y a lieu de noter, enfin, qu’ENIE s’est déjà distinguée en produisant des téléviseurs LCD et à écran Plasma.


Samha Home Appliance: des téléviseurs avec un taux d’intégration de 40%


L’entreprise Samha Home Appliance est manifestement consciente de l’intérêt que représente la production des équipements électroniques localement puisqu’elle a mis en place toute une stratégie allant dans ce sens. L’entreprise ne se contente désormais plus de faire du montage favorisant l’intégration. « Chez Samha, nous faisons de la production d’équipements étant donné que nous avons des équipes qui travaillent sur la mise au point de certaines composantes», explique M. Samhar Saoudi, directeur marketing au sein de cette entreprise. « En ce qui concerne les téléviseurs par exemple, le taux d’intégration que nous assurons se situe entre 30 et 40% », indique M. Saoudi qui précise que l’objectif de Samha est d’aller toujours plus loin en termes d’intégration. L’entreprise Samha a, par ailleurs, mis en place une équipe de recherche et de développement depuis environ six mois. L’objectif de cette équipe est de faire le nécessaire pour augmenter le taux d’intégration au niveau des équipements produits dans son usine.

Cette même équipe a également pour charge de faire en sorte que les équipements proposés soient les plus adaptés aux besoins du marché algérien. Actuellement, Samha produit des téléviseurs LCD, LED et CRT. «Nous avons un certain nombre de nouveautés cette année en ce qui concerne les téléviseurs produits dans notre usine. Il s’agit de trois nouveaux LED, d’un plasma, d’un plasma 3D, de trois nouveaux LCD et d’un CRT », informe M. Saoudi. Par ailleurs, Samha envisage d’entamer l’année 2012 en lançant une ligne de production de Smart TV.


 

Bomare Company: des équipements exportés vers l’Europe


Bomare Company, une entreprise algérienne spécialisée dans le domaine de l’électronique, a brillé à travers ses exportations. Cette entreprise qui fait du montage d’équipements localement a réussi à commercialiser ses téléviseurs et récepteurs en Espagne. Une prouesse dont les dirigeants de Bomare Company sont fiers. Créée en 2001, cette entreprise connue par sa marque commerciale Stream System a décidé, à partir de l’année 2006, de franchir le pas de la production locale de cartes mères sur la base d’une technologie coréenne. Depuis peu, Bomare Company s’est lancée dans la sous-traitance électronique dans tous les domaines proposant à ses clients différents équipements. En 2010, elle a mis au point un notebook intégrant un microprocesseur Intel cadencé à 1.6 GHZ, 1 Go de RAM, un disque dur SATA de 160 Go. Il intègre aussi une webcam de 1.3 mégapixels, le WiFi et un lecteur de carte mémoire. D’un autre côté, l’entreprise commercialise, entre autres, des lecteurs DVD, différents récepteurs, des téléviseurs CRT et des LCD Home Cinéma.

Bomare Company a, d’autre part, dépassé le simple fait d’être un producteur d’équipements puisqu’elle entretient, nous dit-on, d’étroites relations avec des universités. « Nous travaillons en collaboration avec les universités afin de créer un lien direct entre elles et le monde du travail en formant les étudiants durant leur cursus universitaire et en les recrutant à la fin de leurs études », explique un responsable de la compagnie.


Mini-sondage au sujet de la production locale: une majorité favorable aux équipements montés localement


Un mini-sondage en rapport avec la production locale en matière d’équipement technologique a été mis en ligne sur la version électronique de N’TIC Magazine et sur sa Fan Page Facebook. Ce sondage, qui a fait intervenir une centaine d’internautes, avait pour objectif de définir le rapport existant entre le consommateur et les équipements électroniques produits localement. Sans avoir la prétention d’être une étude applicable sur l’ensemble de la population, le sondage lancé par N’TIC Magazine donne, cependant, quelques éléments d’informations à prendre en considération.

Même si cela pourrait paraître surprenant pour certains, la majorité des personnes interrogées semble favorable à l’achat d’équipements montés localement. 57% des sondés disent faire confiance à la production locale contre 43% de récalcitrants. Les motivations des internautes questionnées ne sont, toutefois, pas les mêmes. 24% d’entre eux disent vouloir acheter des équipements montés localement pour «encourager la production nationale ». 17% d’entre eux estiment que le rapport qualité/prix des produits locaux est «équilibré», ce qui les pousse à prendre leur décision d’achat. 11% considèrent que les produits locaux sont de bonne qualité. Ils sont rejoints par 5% de sondés qui affirment ne pas voir de différence entre ces équipements et ceux fabriqués par des marques étrangères. En revanche, 23% des internautes interrogés déclarent être méfiants quant à la production locale de manière générale. Il s’agit donc d’une idée préconçue, généralement fondée, qui empêche ces consommateurs de penser à acheter un équipement monté localement, à plus forte raison lorsqu’il s’agit d’un équipement électronique.

D’autre part, 12% considèrent le rapport qualité/prix des produits locaux comme « déséquilibrés » au moment où 8% ne s’attardent pas sur les prix puisqu’ils assurent que la qualité de ces équipements laisse beaucoup à désirer. Globalement, ce qu’il y a à retenir de ce mini-sondage, c’est que la décision d’achat pour ces consommateurs est fortement influencée par deux éléments. L’un est concret, celui du rapport qualité/prix alors que l’autre est plutôt abstrait. Il s’agit de l’idée que l’on se fait ou que l’on voudrait se faire de la production algérienne. Une bonne partie souhaiterait croire en la production locale puisqu’elle désire essentiellement encourager cette production. L’autre partie, quant à elle, prend comme point de départ l’idée plutôt médiocre qu’elle se fait du produit algérien. Cette catégorie de consommateurs ne désire même pas mettre ces produits à l’épreuve.
En résumé donc, encourager la production locale passe, évidemment, par un travail sur le rapport qualité/ prix de chaque équipement mais aussi, et c’est le travail le plus ardu, faire en sorte de changer la perception négative que certains ont depuis longtemps sur la production algérienne.

N'TIC 61 / DECEMBRE 2011. GASMIA Ahmed