BIG DATA : entre enjeux économiques, capitaux et intrusion dans les vies privées

Depuis le fameux scandale des révélations d’Edward Snowden sur la surveillance en ligne de la NSA et le programme PRISM, une paranoïa s’est emparée des internautes à travers le monde et des dizaines d’associations des droits de l’homme ont fait des pieds et des mains pour interpeller l’ONU sur ces pratiques. Jusqu’à ce que même la chancelière allemande soit la cible de cette machinerie grandissante. Mais vos données numériques ne sont pas seulement espionnées par la NSA. Appels téléphoniques, mails, discussions sur les réseaux sociaux, mouvements bancaires sont aussi captés par les géants du Net. Google, Amazon, Facebook et Apple détiennent 80% des données personnelles mondiales. Ces masses de données sont appelées les BIG DATA. Les posséder et les gérer est le nouvel enjeu mondial.

 

Sport, économie, politique… le BIG DATA est partout. Ces milliards d’informations permettent de nous ficher et même de prévoir nos comportements. Les génies de l’informatique amassent déjà des fortunes grâce à ce BIG DATA, leur boule de cristal.

Bien évidemment, les géants du Net contestent les déclarations d’Edward Snowden et minimisent leurs implications. Pourtant, à chacun de nos clics, nous sommes espionnés. Vous l’aurez surement remarqué mais lorsque vous cherchez un produit en ligne, vous recevez dans les jours qui suivent des offres promotionnelles dans vos boites mails ou directement dans les sites que vous visitez régulièrement. Tous les sites surveillent nos faits et gestes grâce à des fichiers cachés qu’on appelle des COOKIES. Encore plus fort ! Grâce à ces COOKIES, des sites que vous n’avez jamais consulté vous surveillent à distance. Vous pouvez d’ailleurs vous amuser à utiliser l’extension Lightbeam de Firefox pour vous en rendre compte.

Nous avons visité pendant une heure environ 20 sites mais en réalité plus de 200 autres et cela en toute légalité. Leurs objectifs : connaître nos goûts et nos habitudes pour pouvoir anticiper nos désirs. On appelle cela l’analyse prédictive, une mine d’or pour les devins de la consommation. Pour les spécialistes, les données, c’est le nouveau pétrole.
Les données sont donc comme le pétrole. Il faut les raffiner pour qu’elles prennent de la valeur. Pour faire l’analogie, considérons les raffineries comme des supercalculateurs qui trient et analysent des milliards de données en temps réel grâce à des algorithmes, des modèles mathématiques qui mettent nos comportements en équation pour être capable de savoir ce que vous achetez, où vous vous trouvez et du coup anticiper vos comportements. Pour réaliser cette analyse prédictive, on commence d’abord par tracer et analyser chacun de vos déplacements à l’aide de la géolocalisation ou des antennes téléphoniques par triangulation. On saura à quel moment et à quel endroit telle ou telle personne a utilisé par exemple sa carte bancaire. Ils pourront par la suite analyser des comportements d’achats et les visualiser sur une carte.

Comment ça marche ? Quand une personne passe par exemple devant une boutique où elle a déjà fait ses achats, son téléphone reçoit par exemple une offre de -10% servant à inciter ce dernier à acheter. Espionner le comportement des consommateurs pour une pub de plus en plus ciblée, tel est le nouveau business. Ils franchissent même les lignes rouges en puisant leurs informations directement de nos données personnelles, jusqu’à scruter nos humeurs car au-delà de piocher dans nos données de transactions, ils s’attaquent même à nos données sociales, via Facebook par exemple. Ils sont capables, grâce à des données textuelles, d’isoler des sentiments et de savoir dans quel état est tel ou tel utilisateur pour, oui ou non, lui proposer un produit ou un service. Il existe même des logiciels dédiés aux entreprises pour savoir, à partir des données récoltées, si un client a exprimé son mécontentement.

Car pour savoir ce que pense un client, rien de tel que Facebook, Twitter, Google+ ou les pages web créées par les marques. En cliquant dessus, on accepte de partager nos informations. Sur les réseaux, les opinions circulent et les devins de la consommation les observent et les récoltent. Preuve que les internautes sont encore naïfs face au pouvoir des géants du Net. Et on pourrait résumer cela en une phrase : si vous utilisez un service gratuitement sur Internet, alors c’est vous qui êtes le produit. Les géants du Net utilisent nos informations pour nous vendre de la pub, car aujourd’hui on est dans un monde où tous les opérateurs sont à la recherche de données privées qui valent de l’or. Car, une fois mise gratuitement sur Internet, elles peuvent être vendues.

Mais au fait, à qui nos données sont vendues sans même nous demander nos avis ? Et bien ce sont des sociétés comme Twitter ou d’autres beaucoup moins connues appelées DATA BROKER, des courtiers de données. C’est un nouveau business mais avec déjà beaucoup de concurrents. Le leader mondial est ACXIOM, une société inconnue du grand public mais qui exploite les données de 700 millions de personnes à travers le monde faisant un chiffre d’affaire de plus de 1.1 milliard de dollars par an.

Pour ce genre de société, chaque événement de votre vie a un prix. Votre âge, adresse et sexe : 0.007$. Vous envisagez de vous marier : 0.107$. Vous attendez un enfant : 0.0187$. Une maladie : 0.447$. Ces sommes sont faibles mais multipliées par des milliards d’internautes, le montant est colossal. 315 milliards pour les données des européens et 40 milliards pour ceux d’Afrique, des chiffres qui seront multipliées par 3 d’ici 2020. Tout cela, bien sûr, sans que vous touchiez le moindre centime.

A ce jour, les lois qui existent partout dans le monde concernant les données sont là depuis les années 90 voire même les années 70 en ce qui concerne le respect des vies privées. En attendant que ceci change, les gens devraient penser à protéger leurs données sur le Net. Mais le combat est inégal car ces mastodontes cumulent pouvoir économique et influence politique et médiatique. Et cela parce que le BIG DATA est le nouveau moteur économique international générant des centaines de milliards de dollars. Face à ces enjeux, notre anonymat ne pèse pas lourd et le BIG DATA a encore de beaux jours devant lui.