Plongée dans l’empire Google

Omniprésent dans la vie de chacun, que serions-nous sans Google ? L’entreprise américaine a bâti un empire, régnant sur les contrées les plus reculées du web. Si son moteur de recherche est la première chose à laquelle on pense, une minute de réflexion suffit pour se rendre compte que ses services ont fleuri sur chaque pixel accessible à une souris. Du sobriquet de « Big Brother » qu’on lui attribue aux velléités affichées de rendre ce monde meilleur, de l’algorithme secret de son moteur de recherche à la controverse des Google Glass, bienvenue chez Google.



Une rencontre, Big Bang de l’univers Google


L’embryon de Google est la rencontre de deux hommes, en doctorat à Stanford. Larry Page et Serguei Brin se croisent dans les couloirs de la prestigieuse université en 1995. En utilisant l’algorithme révolutionnaire « PageRank » qu’a conçu Page, ils lancent en 1996 un moteur de recherche baptisé « BackRub ».

L’année suivante naît Google, nom dérivé de Googol, qui définit le chiffre 10100. Dans une Silicon Valley, sorte de Far West moderne, où les claviers ont remplacé les Colt, et les bugs informatiques les pendaisons, les start-up poussent dans chaque garage, arrosées par les capitaux d’investisseurs attirés par cette ruée vers l’informatique. Google va ainsi connaître une croissance exponentielle, conclue à l’aube de l’an 2000 par le chiffre ahurissant d’un milliard de pages indexées.

Le moteur de recherche, cœur de l’empire

L’entreprise terrasse la concurrence, se décline en plusieurs langues et devient un phénomène populaire. On parle partout de ce site qui a réponse à tout. On s’imagine Google tâtonnant la toile du web à chaque requête, affinant ses algorithmes d’années en années, jusqu’à atteindre aujourd’hui le chiffre de plus de 3.5 milliards de requêtes de recherche par jour. Derrière ces requêtes se cache le modèle économique du moteur de recherche, la publicité, basée sur 2 systèmes qui sont :

- AdWords : Google touche de l’argent de la part des annonceurs à chaque fois qu’un internaute clique sur les liens publicitaires, générés suite aux mots-clés achetés par ces derniers.


- AdSense : plus classique, Google installe des publicités sur d’autres sites et partage ensuite les revenus.


Cela a permis au groupe de faire son entrée en bourse en 2004, le prix de l’action fut fixé à 80 dollars. Aujourd’hui, l’action Google est côtée à plus de 1 000 dollars, cela témoigne du bond qu’a connu l’entreprise durant un peu plus d’une décennie, d’un garage californien à son siège ultra moderne de Mountain View.

Les tentacules de Google enserrent le Net

Très vite, Google se sent à l’étroit, cantonné dans son rôle de moteur de recherche. C’est ainsi que voient le jour d’autres produits, venant toujours proposer à leurs lancements de meilleures performances que la concurrence. Ainsi, Gmail, un service de messagerie en ligne, est créé en 2004. Il offre 1 Go d’espace de stockage (15 Go à l’heure actuelle), laissant de court tous les autres standards du domaine. Gagnant la confiance des professionnels, c’est aujourd’hui le service de messagerie électronique le plus utilisé au monde.

L’année suivante voit le lancement d’un service de cartographie accessible à tous, Google Earth, basé sur les travaux d’une entreprise rachetée peu avant. Fenêtre sur le monde, ce logiciel symbolise une mondialisation par l’image, et l’avènement d’un monde où « isolation et anonymat » sont des mots bannis. Il est loin le temps où des pans blancs parsemaient les cartes de papier usé, la polémique naîtra d’ailleurs du fait que même des installations militaires sont dévoilées par le logiciel. Néanmoins, il permit de réaliser des découvertes scientifiques et révéla certaines curiosités de notre terre.

Dans la continuité de Google Earth, Google Map offre un service de cartographie en ligne et sur smartphone. Il permet d’afficher rues et adresses précises, à une échelle proche de celle d’un piéton.

Diversification des produits

En 2006, Google rachète YouTube, le site de partage de vidéos, pour 1.64 milliards de dollars. Aujourd’hui, plus de 2 milliards de vidéos sont vues quotidiennement sur le site, qui est leader incontesté du marché. Le site arrive même à générer de sérieux profits grâce à un système publicitaire qui porte enfin ses fruits, et rentabilise l’investissement initial de Google.

En 2008, le nouveau cheval de bataille de Google est son navigateur web Chrome, débarquant dans un domaine ultra-concurrentiel. Faisant face aux Firefox et autre Internet Explorer, Google Chrome par sa rapidité, sa simplicité d’utilisation et son interface très épurée, se fraye un chemin vers la cour des grands. Il prend rapidement des parts de marché à ses concurrents, qui tentent eux aussi d’alléger leurs navigateurs. Mais Chrome a déjà récolté le sésame. Du « navigateur le plus rapide » dans l’inconscient collectif, il devient donc aujourd’hui, malgré une lutte sans merci avec Firefox, le navigateur le plus utilisé.

La même année, flairant l’intérêt du marché des mobiles, Google lance Android, son système d’exploitation open source pour smartphones et tablettes. Il est alors cédé gratuitement aux grandes firmes, qui peuvent donc librement le modifier et l’adapter selon les spécificités de leurs appareils. Accompagné par le lancement de son magasin d’application, Google Play, Android équipe des appareils Samsung, Motorola et HTC qui a conçu notamment le premier Google Phone.

Polémique autour de Google Books

Des nuages vinrent troubler l’horizon bleu de Google, car de l’ambition vient naturellement l’arrogance. Google Books, lancé en 2004, en est le parfait exemple. C’est un projet titanesque visant à créer la plus grande bibliothèque numérique du monde. Il consiste en la numérisation de millions d’ouvrages, allant du roman à la réflexion philosophique, d’auteurs balayant tous les âges et les époques de la littérature. Il posa bien entendu la question du droit d’auteur, car Google brise à travers ce projet tous les codes de l’édition classique.

Au départ, l’idée est philanthropique : offrir au plus grand nombre un savoir cloîtré dans les bibliothèques. Il s’en suit donc des partenariats avec des universités américaines pour scanner leurs ouvrages, grâce à de nouvelles techniques qui n’endommagent pas les livres concernés. Seulement, la numérisation des ouvrages ne concerne pas que des livres libres de droit, et elle est faite sans l’accord des auteurs et des maisons d’éditions. Google est donc lestée en justice dans plusieurs pays. Aux Etats-Unis, par l’author’s guild et l’association of American publishers, en France par des éditeurs tels Gallimard.

Suite à des tractations interminables et une longue bataille judiciaire, des accords sont signés et Google peut donc continuer son projet. Ecrasant au passage la concurrence, comme l’a souligné Robert Darnton, historien américain, en parlant de Google : « son empire numérique reléguerait Amazon au rang de boutique de quartier ».

Rôle insoupçonné dans la recherche scientifique

« Entre les débuts de la culture humaine et 2003, l’humanité a produit 5 exaoctets d’informations (5 millions de téraoctets). Aujourd’hui, nous produisons autant d’informations tous les deux jours ». Ces mots sont d’Eric Schmidt, président exécutif de Google. Face à ce déferlement d’informations, le modeste cerveau humain ne peut être que spectateur.

C’est là qu’apparaît la révolution des Big Data dans la réflexion scientifique. Elle consiste en l’utilisation d’algorithmes inspirées par le moteur de recherche Google, pour brasser les informations et découvrir les corrélations entre elles. La mise en relation d’innombrables données permet de mettre en exergue la présence de certains mots clés, dans divers articles scientifiques, et ainsi lier les résultats de recherche de labos à travers le monde entier.


Cela relègue le génie humain loin du champ des découvertes, pour ne lui céder que le rôle d’observateur générant des intuitions. Celles-ci sont confirmées, voire enrichies, par les calculs d’algorithmes de recherche à la Google.

Une hégémonie planétaire qui inquiète

Les derniers projets de Google ont de quoi subir les foudres des défenseurs des libertés individuelles. Que ça soit la géo-localisation de votre smartphone, les Google Glass ou la collecte d’informations personnelles à des fins commerciales, beaucoup s’inquiètent. Car l’entreprise américaine est potentiellement une source d’information très bavarde sur le comportement des internautes, voire à travers un suivi personnalisé de certaines personnes. Elle est aussi attaquée sur les rumeurs de soumission d’informations confidentielles à la NSA, et de conserver les données personnelles de ses utilisateurs.

On accuse Google de complaisance avec les gouvernements. Ainsi, sur Google Maps, certaines régions sont floutées ou moins visibles dans les régions de conflit. La controverse a aussi touché l’activité de l’entreprise en Chine, où elle se soumet aux restrictions du gouvernement chinois.

Dernier né, les Google Glass, qui pourraient apparaître sur le marché dans un avenir proche, concrétisent les fantasmes de réalité augmentée et suscitent aussi des interrogations.

Allons-nous vers un monde où l’accès à la technologie s’accompagnera de la perte de notre anonymat ? Google a probablement la réponse.