L’univers de l'e-sport

L’arrivée des consoles nouvelles générations a fait évoluer à grands pas les possibilités créatives des éditeurs. L’aspect omniprésent du « tout-connecté » a chamboulé notre manière de jouer seul ou à plusieurs. L’interopérabilité des plateformes améliore grandement l’expérience utilisateur qui peut dorénavant interagir avec l’univers de son jeu favori lorsqu’il n’est pas devant sa console. PS4/Xbox One, laquelle des deux machines arrivera à tirer son épingle du jeu et comment les nouvelles sorties parviendront-elles à renouveler le genre ? Toutes ces questions sont déjà depuis bien longtemps en tête des priorités des studios de jeux vidéo.

 


L’e-sport, un phénomène mondial

L’e-sport a connu ses débuts en même temps que l’arrivée de l’ADSL, c’est à dire dans les années 90. Avec le temps, ce mouvement est devenu un business à part entière. L’exemple le plus récent est l’ESWC (Electronic Sports World Cup) qui a eu lieu à la Paris Games Week début novembre dernier.

Cet événement sportif regroupe des organisations nationales de sports électroniques du monde entier afin de faire sortir du lot les 400 meilleurs joueurs de la planète. Ceux-ci se sont donc affrontés devant 5 000 spectateurs pendant 5 jours et ont également été suivis par près de 2 millions de spectateurs sur le Net. Cette diffusion en direct des rencontres est possible grâce à Twitch, dont le rachat par Amazon, pour un montant de 970 millions de dollars, a beaucoup fait parler. Google convoitait également ce réseau social dont les promesses d’avenir sont immenses. Voici les quelques mots de Jeff Bezos, patron du géant américain de la vente en ligne, concernant ce rachat :


« Diffuser et regarder des jeux vidéo est un phénomène mondial et Twitch a construit une plateforme qui réunit des dizaines de millions de gens qui regardent des milliards de minutes de jeux chaque mois ».
 
Les ventes de jeux vidéo ne font qu’augmenter, et si l’e-sport se regarde comme un spectacle, c’est également un bon moyen pour s’informer sur un jeu. Un autre acteur de ce phénomène grandissant est Dailymotion, qui a su prendre le pas sur son concurrent YouTube (principalement en Corée du Sud), en diffusant en direct les plus grandes compétitions d’e-sport.

Ces événements sont massivement suivis par les fans et si un jeu comme League Of Legends parvient à réunir 70 millions de joueurs, ce n’est qu’une partie, la plus infime soit-elle, de cette communauté, qui est prête à payer de son argent ou de son temps pour regarder s’affronter les meilleurs joueurs au monde.

Les éditeurs, tremplin ou frein au développement d’une communauté

L’ESWC et la KESPA sont sur le terrain depuis bien longtemps et sont les précurseurs de ce type de compétition. Au vu de l’engouement, les éditeurs organisent eux aussi des championnats internationaux comme les Starcraft 2 World Championship Series de Blizzard ou les tournois de League Of Legends de Riot Games.

Le sport électronique est donc représenté par une poignée d’organisations mondiales et des centaines d’acteurs locaux, qui permettent aux « gamers » de faire leurs armes dans des compétitions à moindres enjeux. Des associations ont donc vu le jour dans de nombreuses grandes villes à travers le monde et sont uniquement composées de bénévoles passionnés (comme Lyon e-sport en France).

Un jeu peut-il être tourné vers la compétition si l’éditeur n’en fournit pas les moyens ? La réponse semble donc être non, car celui-ci doit s’adapter aux demandes des joueurs les plus assidus et les plus exigeants. Il revient donc à l’éditeur de mettre en place des modes de jeux adaptés à cette pratique, ce qui demande souvent des coûts supplémentaires, mais peut également engendrer de nombreuses retombées positives en termes d’image, de fidélisation de la communauté, ainsi que financièrement.

Ce relais de croissance permettrait de faire tenir un jeu sur la durée, notamment en exploitant l’aspect compétitif depuis chez soi. Pour ce faire, les joueurs professionnels deviennent des ambassadeurs et gagnent progressivement en crédibilité envers le grand public grâce aux sponsors de plus en plus prestigieux (récemment Redbull a pris sous son aile l’équipe e-sport la plus populaire au monde : OpTic Gaming).

Même les éditeurs les plus réticents commencent à faire machine arrière, comme Electronic Arts, dont le PDG a déclaré lors d’une interview pour le site Redbull :

« Une des motivations qui pousse les gens à jouer est l’interaction sociale. Et ce que l’e-sport fait, soit en jouant, soit en regardant, c’est vraiment rassembler des personnes autour d’un super divertissement créatif. Je pense réellement que cela va continuer de grandir. Quand nous avons fait une review de nos franchises, j’ai vu un nombre de propriétés qui font que certains ont potentiellement un intérêt e-sportif. En tant qu’entreprise, nous croyons que c’est quelque chose qui va continuer de croître. Nous avons quelques franchises toutes faites pour cela dans nos propriétés sportives, mais nous avons aussi un nombre d’autres franchises pour lesquelles les gens ne voient pas encore  les opportunités e-sportives, mais pour lesquelles nous pensons qu’il y en aura probablement dans le futur. C’est donc quelque chose que vous verrez plus régulièrement de notre part ».

La firme aux 4 milliards de dollars de chiffre d’affaire par an est donc l’un des cadors de l’industrie du jeu vidéo, mais n’est que très peu représentée dans l’univers e-sportif. Battlefield, Titanfall, FIFA, Madden NFL et même les Sims sont autant de licences que EA peut exploiter en intégrant une nouvelle dimension compétitive, et les moyens qu’ils mettraient en œuvre pourraient être colossaux.


Les acteurs de ce succès

La professionnalisation des joueurs est encore récente et ne touche pour le moment que certaines des grandes licences implantées sur la scène e-sportive. Par exemple, pour la finale de League of Legends, le montant reversé à l’équipe gagnante s’élevait à 1 million de dollars. Cette enveloppe a été remportée par l’équipe sponsorisée par Samsung (Samsung White).

L’ESWC, pour son événement à la Paris Games Week, a prévu 150 000 dollars de gains pour l’ensemble des tournois. D’après ce que l’on sait et ce qui veut bien être révélé, une dizaine de joueurs gagneraient aujourd’hui autour de 1 million de dollars par an (essentiellement en Chine et en Corée) et environ 200 joueurs toucheraient entre 100 et 500 000 dollars par an en fonction des « Cash prize » (gains du vainqueur) que le joueur a pu remporter ainsi que tout le sponsoring que l’on peut y ajouter. Le français Stephano aurait remporté, grâce à son jeu de prédilection Starcraft 2, 208 500 dollars en 2014. Soit de quoi être tranquille pour se préparer aux prochaines compétitions.
 
Bien évidemment, le succès de l’e-sport dépend des éditeurs, des joueurs, mais également des coachs, des commentateurs et surtout du genre. Le travail des managers d’équipe sera donc de gérer les individualités tout en créant une cohésion de groupe parfaite. Il devra également s’occuper des choix stratégiques en terme de recrutement, car, comme au football, les transferts de joueurs se font à prix d’or. Mais, les personnalités qui bénéficient le plus de visibilité sont les commentateurs. Ils sont les médiateurs entre la compétition et le spectateur. Ils doivent expliquer le déroulement du jeu et les choix stratégiques en mettant en valeur leur connaissance poussée en la matière tout en accentuant le côté divertissant de la compétition.
 
Pour qu’un jeu trouve son public et devienne un succès, il doit donc regrouper tous ces facteurs et les adapter au genre en question. Pour le moment, très peu de genres trouvent leur place sur cette scène hormis les classiques FPS (Counter Strike), jeux de sport, DOTA (LOL) ou RTS (Starcraft).


Espérons que les éditeurs ont déjà plus d’un tour dans leur sac et nous promettent des nouveautés dignes de nos envies de jouer, mais aussi de se divertir en regardant les performances toujours plus spectaculaires des meilleurs joueurs de la planète.