Call centers : de l’Eldorado à la réalité

Numéro dossier: 112

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Apparus au début des années 2000 dans une Algérie qui commençait à peine à se relever d’une décennie doucereuse, les call centers ont longtemps été la poule aux œufs d’or des entrepreneurs algériens. C’était avec l’arrivée du premier opérateur de téléphonie mobile, qui avait montré le chemin à bon nombre d’entreprises pour se lancer dans cette activité. Plutôt simple en apparence, pas très élaborée (hors investissements technologiques) et surtout très rémunératrice, cette activité avait suscité un engouement, notamment dans la capitale. Les exemples de réussite se multipliaient en Algérie, et le voisin marocain, plus avancé dans ce domaine, brandissait une croissance insolente grâce à cette activité.

 

16 ans plus tard, où en est-on? L’Algérie a-t-elle réussi à faire de cette activité un moteur économique, créateur d’emplois et de richesses? Comme au Maroc, les européens ont-ils délocalisé en masse sur le sol algérien permettant un transfert de savoir-faire et une entrée de devises au pays ? Enfin, l’environnement économique algérien profite-t-il de la profusion de call centers qui facilite la vie de tout le monde, réconcilie le citoyen avec son administration et permet de faire de plus en plus d’activités à distance, tout en réduisant certains coûts non négligeables ? Pas sûr.

Force est de constater que le constat est très mitigé voire décevant. L’activité qui connaît une croissance exponentielle ailleurs a décru en Algérie. Elle ne fait toujours pas figure de gros employeur, et ne rémunère pas son homme comme celui-ci l’attendait. Pourquoi ? Pour plusieurs raisons dues essentiellement à la bureaucratie. Celle-ci s’est abattue sur l’activité des centres d’appel telle une massue, reléguant une croissance à portée de main aux calendes grecques. L’Algérie ne sera définitivement pas l’eldorado des call centers au Maghreb, malgré toutes ses fortes dispositions à l’être. Pourquoi ? Explications…

 

La loi tue l’activité

Tout avait pourtant bien commencé. Nous sommes en 2004, l’espoir emplit le ciel d’une Algérie qui sort la tête de l’eau, et l’Algérien découvre le concept de Call Center. Une entreprise ou organisation dont l’activité consiste à répondre par téléphone à des appels en grand nombre, ou à émettre des appels en grand nombre, soit pour ses besoins propres, soit pour le compte d’un ou de plusieurs clients, expliquait alors l’Autorité de Régulation de la Poste et des Télécoms (ARPT). Mais surtout une activité en pleine croissance, notamment chez nos voisins de l’Est et de l’Ouest, laissant croire les opérateurs locaux de la possibilité de rééditer les modèles marocain et tunisien chez nous.

Ces derniers enchaînaient entrées de devises et plein emploi grâce aux call centers et tout portait alors à croire que l’Algérie allait être le prochain eldorado de cette activité. De nombreux entrepreneurs locaux y croient, commencent à investir et à s’installer. Les Algériens de l’étranger aussi s’y intéressent. Nombreux sont ceux qui viennent se lancer dans l’activité ici, attirés par un marché vierge et à fort potentiel.

Même le Ministre de la Poste et des TIC de l’époque, Amar Tou, semble y croire. Il organise en 2004 une journée d’études sur les call centers, et déclare quelques mois plus tard vouloir encourager et soutenir la création de centres d’appel en les soumettant au régime de la simple déclaration. Que du bonheur. Mais voilà, le pays est connu pour une relative instabilité juridique, notamment en termes de lois économiques, et l’activité des centres d’appel va en faire les frais en premier lieu.

 

Un milliard pour ouvrir un centre d’appel

Un décret exécutif, signé par le Premier Ministre de l’époque, vient mettre un frein au développement de cette activité d’un seul coup de crayon. Sans que personne ne s’y attende, l’arrêté stipule alors que toute activité de call centers est soumise à une autorisation, mais surtout à une redevance de 10 millions de dinars (1 milliard de centimes) et une ponction de 5% sur le chiffre d’affaire de l’entreprise. Catastrophe. “ C’est comme si l’on demandait à un coureur de remporter une course avec un boulet attaché à la cheville ”, se rappelle un opérateur économique.

En effet, avec des obstacles pareils, non seulement la création de call centers devient difficile et pas spécialement rentable, mais elle rend impossible toute concurrence avec les voisins marocains et tunisiens sur le marché français des call centers à délocaliser, principale source de revenus des centres d’appels. L’histoire raconte qu’un groupe d’entreprises algériennes se trouvait au Maroc, lors de l’annonce de ce nouveau décret. A l’annonce de la nouvelle, les Marocains auraient applaudi, voyant l’opportunité qui s’offrait à eux dorénavant, rapportait le journal El Watan.