Web : la toile algerienne se développe, doucement mais surement...

Numéro dossier: 108

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C’est dur, c’est lent, c’est laborieux, mais ça avance. La toile algérienne évolue, doucement mais surement, même si ce n’est pas comme on le voudrait évidemment. Alors que la toile chez nos voisins est un axe de développement économique à part entière, générant emplois et richesses, chez nous, elle continue à être un complément, un plus, la cerise sur le gâteau. Ressources humaines difficiles à trouver, environnement non propice, coûts élevés de développement, absence de moyens de monétisation, et enfin mentalités résistantes aux changements, voila une liste non exhaustive des freins au développement de la toile algérienne en 2016.

 

Pourtant, tiré vers le haut par une jeune génération hyper connectée et hyper compétente, la toile algérienne se développe contre vents et marées, parfois de manière surprenante et forcée bien qu’elle ait son rythme à elle. Ainsi, ils sont prés de 80.000 à avoir lancé des sites internet selon les différentes statistiques, la plupart établis à l’étranger. Un chiffre qui peut paraître important, mais qui reste non seulement en deçà de ce qui se fait ailleurs et notamment chez nos voisins, mais qui surtout ne reflète pas le dynamisme de la société algérienne et son potentiel d’innovation. Manque de volonté politique, manque d’anticipation des entrepreneurs privés, désorganisation d’un secteur et enfin manque de sensibilisation. Nous tenterons de développer les tenants et les aboutissants de son évolution et ses freins.

Concepteurs de sites, où êtes-vous ?

Le problème de la ressource humaine est surement et de loin le talon d’Achille de la toile algérienne de nos jours. Codeurs, développeurs et autres concepteurs de sites internet sont rares et très demandés, alors que le secteur pullule de bricoleurs. Dans un marché aussi demandeur que le nôtre, concevoir un site internet en bonne et due forme peut vite se transformer en cauchemar.

Délais dépassés, cahier des charges non respecté, développeurs débordés et petits bricoleurs prêts à tout pour engranger un maximum de projets, tout cela freine le développement de la toile algérienne, et cela se ressent. La compétence est pourtant bien là, mais elle n’est ni organisée ni encadrée, la difficulté de créer une entreprise aidant. Au moins une dizaine de producteurs de contenus et d’entrepreneurs sur le web nous l’ont confirmé. « Les bons développeurs de sites internet disponibles sur le marché en Algérie sont rares, et la filière est tellement désorganisée que s’y retrouver est très difficile ».

Le domaine est garni de bricoleurs très peu soucieux des délais ou du respect des cahiers des charges, selon eux. Et les effets pervers d’un marché dérégulé ne s’arrêtent pas là. Conscients de l’importance de la demande sur le marché, même les bons développeurs imposent leurs lois, préférant travailler à leur compte et à leur manière. Ils peuvent ainsi disposer de leur temps et prendre plusieurs projets en parallèle, rallongeant les délais d’exécution de leurs tâches, sans parler des tarifs exorbitants qu’ils proposent en comparaison avec leurs homologues étrangers.

Du coup, la mort dans l’âme, les acteurs économiques qui désirent une présence sur la toile sont de plus en plus nombreux à aller voir ailleurs, sous d’autres cieux. Français, franco-algériens et marocains ont trouvé en Algérie un bon filon dans la conception des sites internet. La concurrence faisant rage chez eux, ils proposent leurs services chez nous où le marché est demandeur. Des milliers d’euros partent ainsi chaque année enrichir les économies des autres, créer des emplois et de la richesse, alors que le pays en a grand besoin.

Selon nos informations, de grands sites algériens font appel aux compétences étrangères pour leurs mises à jour, leurs maintenances et leurs gestions quotidiennes. Tout cela à cause de la désorganisation de la filière des « boîtes de com » en Algérie. Au lieu de s’organiser, de capitaliser sur les expériences de chacun, de gagner en compétence et expérience, et enfin de préparer l’arrivée du commerce en ligne, les acteurs locaux s’entredéchirent sur un terrain où ils sont tous perdants, face aux faibles coûts de la main-d’œuvre étrangère. Une situation bien dommageable.

Le .dz n’a pas la cote

Voilà une autre situation symptomatique des freins au développement de la toile en Algérie. Alors qu’il faut quelques secondes et deux ou trois clics pour disposer d’un nom de domaine .com par exemple, demander un nom de domaine algérien, encore en 2015, relève des 12 travaux d’Hercule (toutes proportions gardées). Car en plus de la tonne de documents à présenter à l’organisme chargé de l’extension DZ, l’obtention de ce nom de domaine est soumis à une création d’entreprise. Et ce n’est pas tout. Rien n’est faisable à distance et tout est soumis au déplacement.

Du coup, prés de 50.000 sites algériens sont hébergés à l’étranger. Un chiffre énorme pour un pays comme le nôtre. Le Cerist (organisme qui délivre l’extension algérienne) a beau essayer de sensibiliser les acteurs du Web pour rapatrier leurs sites en Algérie, la plupart ne l’ont pas fait. D’abord pour des questions d’appréhension (le .DZ a mauvaise presse) mais aussi des questions pratiques et bureaucratiques citées plus haut. On les comprend un peu. Ce sont ainsi autant d’abonnements à l’hébergement qui sortent du pays au lieu de lui profiter. Heureusement que le nombre de sites algériens est énorme !

Institutionnels, mettez vos sites à jour !

L’exception sur le net algérien est de trouver un site institutionnel mis à jour. Que ce soit ceux des ministères, des centres de recherches, des offices ou toute autre institution publique, la mise à jour des sites internet est reléguée aux calendes grecques en Algérie. Ils peuvent induire en erreur et nous faire perdre beaucoup de temps alors qu’ils sont supposés nous en faire gagner, quand ils ne sont pas tout bonnement à côté de la plaque. Pourtant, les sites internet sont la vitrine de l’Algérie institutionnelle et permettent de faciliter la vie des fonctionnaires et des citoyens.

Il ne faut pas s’étonner ensuite de voir les simples gens se déplacer par dizaines ou centaines, créant des files d’attente monstres dans les guichets pour seulement demander une information ou procéder à des choses faisables à distance. Des situations qu’on peut éviter avec de simples sites internet mis à jour. D’ailleurs, de grandes opérations comme les inscriptions aux programmes de logements AADL et LPP ou même à l’université passent désormais par le net avec les résultats positifs que l’on connaît, mais ils ne sont pas généralisés.

Le secteur privé n’est pas en reste. Lui qui cherche toujours à donner des leçons au secteur public devrait faire son mea culpa. Chercher l’adresse d’une entreprise ou d’une boutique sur le net relève de l’impossible. Ne parlons même pas d’un numéro de téléphone valide. Les produits disponibles, les prix, les arrivages ? De la science-fiction.

Mais avant, créez vos sites internet

Mais le plus drôle dans tout cela, c’est que la plupart des institutionnels (ou des privés d’ailleurs) n’ont même pas de sites internet à mettre à jour. On ne parle pas des ministères, de la présidence, ou des grands établissements étatiques et autres multinationales, mais des chambres de commerce, des APC, des services d’état civil, et toutes les institutions sensées travailler directement avec le citoyen, et dont les sites internet pourraient changer nos vies. De toutes ces actions qu’on pourrait faire de chez soi évitant les files d’attente, les déplacements, les embouteillages et tous les désagréments connexes. 

Un simple site internet peut en effet changer la donne de l’organisation. Ce fut déjà le cas avec les inscriptions aux programmes de logement AADL et LPP, ou avec l’inscription à l’université qui se fait désormais exclusivement via le net. Des exemples réussis qui malheureusement n’ont pas effet domino, peut-être par manque de connaissance ou de discernement des principaux concernés.

Internet demeure toujours une option et non pas une nécessité

Car Internet, bien que rentré dans les mœurs, demeure une option à défaut d’être une nécessité. Les acteurs économiques locaux, qu’ils soient publics ou privés, n’ont dans leur majorité toujours pas saisi l’importance d’être présents sur le net. « Ils considèrent toujours Internet comme une option en plus, un luxe », nous a expliqué un concepteur. « Ils ne comprennent toujours pas qu’Internet est un lieu commercial de plus que leur espace physique, leur siège ou leur boutique », a-t-il ajouté. Un problème de mentalité qui a la vie dure au pays du fax et documents légalisés. Car selon plusieurs témoignages, ce sont les résistances ou la peur du changement ou du renouveau qui empêchent beaucoup d’acteurs économiques de passer le cap du net. Un lieu dont ils ne maîtrisent pas encore les règles.

L’absence de paiement en ligne n’arrange rien. Car en attendant de pouvoir faire du profit sur le net, ces acteurs ne voient pas la différence entre leur présence ou pas sur le web. C’est une activité connexe et pas primordiale. Une situation qui chamboulera tout le jour où le paiement sera possible sur le net. Ne pas être connecté voudra dire faire du profit en moins. Un langage qui sera surement mieux compris par nos entrepreneurs.