Portrait robot du DZnaute: Une enquête Webdialn@

Numéro dossier: 71

« Les usages et les perceptions des internautes ». Quand la société iDEATIC s’attaque au sujet, ce ne sont pas moins de 13 600 personnes qui participent à l’étude, 33 des sites algériens les plus populaires et 6 semaines de collecte d’information requises pour fidèlement croquer celui qui centralise toutes les attentions : l’utilisateur web. Ses besoins, ses expectatives, l’urgence de l’internet mobile et du paiement en ligne ; l’étude tend à donner du relief à ces considérations structurantes pour l’avenir du marché des TIC en Algérie. Webdialn@ a été initiée avec la collaboration d’Amine Kessouri, enseignant chercheur à l’ENSSAE (ex INSP), et englobe plusieurs problématiques.

 



Comment se consomme le contenu du web algérien ? Par qui, et dans quelles proportions ? Quelle est la place de la mobilité dans notre mode de consommation ? Comment abordons-nous le paiement électronique, et quel est le sens de la vie en général ? Nous tâcherons de répondre à (presque) toutes ces questions dans les lignes qui suivent.

Le profil du DZnaute

Une population jeune, instruite, et majoritairement masculine ; voilà une tendance non démentie avec un score supérieur à 60% pour ces trois caractéristiques (68.9% de moins de 35 ans, 63.4% d’universitaires, et 68.3% d’hommes). Un bon sixième des sondés (15.6%) est en cours de cursus scolaire ou universitaire, et presqu’autant (17%) sont sans emploi. Aucune surprise donc, vu l’âge moyen du DZnaute, que 58.2% des sondés soient célibataires. Le camembert des langues semble divisé en trois parts d’importance comparable: 38.3% d’arabophones, 34.2% de francophones, et 27.5% qui se disent bilingues.

Encore une fois, on note une domination écrasante des cadres; les catégories « cadre moyen », « cadre supérieur » et « gérant d’entreprise » regroupent 35.6% des internautes, quand les « manoeuvre/saisonnier » et « ouvriers agricoles et non agricoles » confondus représentent 1.1% des sondés, ce qui est trois fois moins que le nombre de retraités algériens connectés, 3.1% des DZnautes.

Ces disparités par niveaux d’instruction et par catégories socio-professionnelles ne sont pas les seules fractures numériques repérées. Quand on parle de fracture numérique, on fait généralement référence à celle qui nous sépare des pays plus développés, la fracture est alors dite verticale. Cependant, il s’agit ici aussi de fracture horizontale, une inégalité de l’accès à Internet au sein de la même région, particulièrement flagrante quand on sait que 50% des sondés se trouvent dans la région centre.

Ce qui dépasse les scores de l’Est (22%) et de l’Ouest (17%) réunis, et qui ne laisse que les 11% restants pour la région Sud. En plus de ces disparités, on constate que le noyau dur des DZnautes ne concerne pas les nouveaux convertis. 64.2% des sondés utilisent Internet depuis plus de 5 ans, quand 18.5% d’entre eux s’y sont mis dans les 3 dernières années.

Un noyau d’habitués et d’utilisateurs chevronnés, 76.7% des DZnautes sondés déclarent en effet se connecter plusieurs fois par jour. Friands d’Internet, 55.6% des internautes algériens passent plus de trois heures par jour derrière leur écran. Il ne faut pas perdre de vue que l’accès aux TIC n’est pas seulement un indice de développement, c’est aussi et surtout un outil de développement.

Le profil du DZnaute est très marqué, ce qui signe de facto que des catégories entières de la population échappent aux temps numériques. Quant à celles qui vivent à haut débit, voyons comment elles utilisent le Web...

L’ADSL domestique, un gold standard

Bien que 31.2% des DZnautes se connectent sur leur lieu de travail, le Web est d’abord une affaire domestique avec 88.7% des sondés qui se connectent à domicile. Moins de la moitié des actifs utilisent donc Internet sur leur lieu de travail, ce qui en dit long sur les archaïsmes administratifs encore de vigueur, ou le nombre de procédés de travail qui n’ont pas encore épousé Internet.

De nombreux secteurs restent figés dans le temps, le fax n’est pas encore enterré et de nombreuses entreprises ne disposent pas d’une « existence » sur la Toile. Il n’est donc pas surprenant que seuls 14.3% des DZnautes se connectent davantage sur leur lieu de travail qu’ailleurs.

82.7% des sondés se connectent par ADSL, ce qui confine la clé mobile au négligeable avec 3.7% de connectés via ces clés peu véloces. Plus domestique que professionnel, plus ADSL que mobile…plus lièvre que tortue ?

La question qui fâche. Quand il s’agit de bande passante, seuls 4.8% des internautes ont des connexions qui égalent ou dépassent les 2 Mo/seconde. Si l’on devait faire une analogie entre la bande passante et la pression artérielle, disons que nous sommes en hypotension chronique. Certes, 38.8% des utilisateurs ont un débit supérieur ou égal à 1 Mo/sec, mais ce qui aurait pu être acceptable il y a quelques années devient un véritable retard en 2012, quand le streaming des vidéos HD 1080p se banalise sous d’autres cieux, alors que le 240p ou 360p est de règle sous les nôtres.
 
A propos de streaming vidéo, 47.6% des DZnautes en pratiquent, et nul doute que cette proportion devrait augmenter parallèlement à la bande passante. Les activités les plus pratiquées par le DZnaute concernent sans surprise le courrier électronique (78.2%), l’utilisation de moteurs de recherche (72.6%), et la lecture de la presse et des news que pratiqueraient 71.1% des sondés. Non seulement consultent-ils les news sur le web, mais considèrent-ils aussi à 74.6% qu’Internet est le meilleur média pour obtenir des informations sur l’actualité, quand la télévision n’est considérée comme étant « meilleur média » que par 15.2% des sondés.

Un DZnaute sur deux télécharge du contenu multimédia, et, fait remarquable, 44.7% d’entre eux sont concernés par les formations en ligne. Avec 3.8 millions d’inscrits sur Facebook (tous comptes confondus), on comprend que 55.3% des sondés utilisent les réseaux sociaux.

Comme détaillé au numéro 69 de N’TIC, Facebook écrase la concurrence et le second en termes de nombre de connectés est Linkedin avec 333 704 abonnés. Une échelle dix fois moins importante que celle de THE Social Network, mais qui reste bien moins symbolique que les 7 870 gazouilleurs d’un Twitter qui ne séduit définitivement pas les foules algériennes.

Il est à noter que 61.3% des utilisateurs algériens de médias sociaux passent 60 minutes au maximum sur ces réseaux chaque jour. Tout cela est bien beau, mais qu’en est-il de notre bon vieux contenu made in bladi ?


Le DZnaute et le contenu DZ…


Des noms de domaines de mieux en mieux connus, une diversité apparente des genres de sites qui jalonnent le web algérien… Ces dernières années auront au moins été l’occasion de voir émerger un contenu made in bladi, et des sites prometteurs s’alignent derrière les plus anciens, traçant leur bonhomme de chemin sur la Toile.

Pour faire découvrir ce contenu à un maximum de monde, le projet « Ousratic », sonnant et trébuchant, ambitionnait d’équiper des foyers par centaines de milliers. 94.5%, ce chiffre, faut-il le préciser, est considérable ; 94.5% des sondés n’ont pas bénéficié du programme Oustratic. Pourquoi ? C’est aussi une question à laquelle s’est intéressé le sondage.

Introspectives sur Ousratic

On aurait bien voulu ne pas remuer le couteau dans la plaie, mais quand 22.1% des DZnautes ne connaissent même pas l’existence d’un programme aussi ambitieux qu’Ousratic, on ne peut que constater le naufrage. On peut toutefois apprendre des raisons de son échec pour proposer des solutions plus mûres, et dans l’opinion des principaux concernés par Internet, à savoir les internautes, le manque de communication autour du projet en explique la bérézina (pour 32% des internautes). Le même nombre (31.2% des sondés) considère que les lourdeurs administratives liées à Ousratic ont dissuadé de potentiels bénéficiaires du programme.

3.4% des sondés optent pour «autre », et en y regardant de plus près, une majorité de ces 3.4% évoque le paiement d’intérêts bancaires, selon eux contraires aux lois islamiques. Une qualité du matériel non satisfaisante, ou encore un prix jugé trop onéreux ont été rapportés respectivement par 16.6% et 16% des sondés.

Des avis variés donc, qui mettent en exergue une multitude de failles dans un projet qui aurait pourtant aidé à réduire une fracture numérique encore béante. S’il y a un consommable TIC où aucun programme de type Ousratic n’a été requis pour que l’on s’en équipe massivement, c’est bien le téléphone portable.

Les internautes et la téléphonie mobile…toute une idylle.

Arlésiennes et prospectives…

Rêvons ensemble pour quelques lignes, et peu importe si la 3G est obsolète au temps de la LTE, peu importe si le payement en ligne n’est pas pour cette année, peu importe si l’industrie du logiciel a muté vers le tout téléchargeable, ce qui nous obligera encore une fois à tout pirater, faute de possibilité de paiement… Non, qu’importe, demandons-nous simplement : on le veut comment notre internet mobile ? Qu’allons-nous acheter grâce au paiement en ligne ?

Devant ces questions, le DZnaute du sondage répond à 57.8% qu’il préfère une offre prépayée pour l’internet mobile, une offre pour laquelle 49.4% se disent prêts à réserver moins de 500 DA par mois, 31% entre 500 et 1 000 DA par mois, et 4.8% de sujets plus réalistes, prêts à débourser plus de 2 000 DA par mois pour bénéficier d’internet mobile.

Il ne faut pas perdre de vue que 31.6% des sondés possèdent des tablettes. Dans ce segment, Samsung mène la danse avec ses 51.1%, deux fois mieux que les iPad d’Apple (26.2%), cette fois-ci bénéficiant d’une distribution officielle en Algérie (malgré un grey market vigoureux).

Toujours au chapitre des constats, 17% seulement des internautes ont une carte de paiement électronique, 47% n’en ont pas…oui, il manque 36% au compte, plus de deux fois le nombre de ceux qui possèdent effectivement une carte, et ces 36% représentent ceux qui souhaitent avoir une carte de paiement électronique mais qui n’en ont pas.

Sur 3 sondés qui ont voulu ou veulent avoir des cartes de paiement, seulement 1 a effectivement une carte, un chiffre qui révèle de profondes carences en matière de communication dont souffrent les institutions et qui sclérose littéralement la propagation du paiement électronique. Pour la minorité qui possède la fameuse carte, 87.2% d’entre eux l’utilisent pour retirer des espèces, quand 15.1% l’utilisent pour le paiement des factures… Un balbutiement.

L’achat en ligne constitue une évolution aux conséquences extraordinaires, et les sujets sondés (dans 58.4% des cas) se voient bien acheter leurs billets d’avions, de train ou de bus par Internet. 66.4% d’entre eux se verraient aussi payer leurs meubles ou leur électroménager depuis un appareil mobile. Les livres, les journaux en ligne, les logiciels, voilà qui parle à un DZnaute sur deux quand il s’agit de faire un achat en ligne.

Le e-commerce n’est pas simplement un produit de plus, c’est une façon complètement différente de consommer, de gérer ses ressources, et d’engranger des bénéfices. C’est toute la puissance des TIC qui donne un coup de fouet à l’économie locale, une arlésienne comme on sait en faire et qui mérite la plus grandes des attentions.

Allo ? Oui, c’est DZnaute

Quand un internaute algérien investit dans un terminal, il compte bien en utiliser un maximum d’options. Première remarque, les marques qui dominent le marché sont sans surprise Samsung (46.9%) et Nokia (42.5%) selon le sondage.

Seconde remarque, le total des pourcentages excède 100%, ce qui indique qu’une partie des utilisateurs possède plus d’une machine.

Le troisième constructeur est Apple avec ses iPhone (11.1%), et en sachant que ce dernier ne distribue pas officiellement ses terminaux en Algérie (qui sont tous piratés pour être compatibles avec les puces de nos opérateurs), on ne peut que saluer la performance du marketing de ce constructeur qui compense largement ses faiblesses techniques face à la concurrence.

Chez cette population de consommateurs, la marque à la pomme fait mieux que Sony (8.9%) et que LG (7.6%).

Il faut souligner que dans le score des deux premiers constructeurs, les mobiles d’entrée de gamme côtoient les smartphones, ce qui explique le volume conséquent de machines concernées, alors qu’Apple ne fait que du smartphone, ce qui rend son score d’autant plus respectable.

BlackBerry est loin derrière avec ses 4.2% d’internautes déclarant en posséder.

Avec d’aussi belles machines, il devient compréhensible que 40.3% des internautes interrogés se connectent à Internet avec leur téléphone, et personne ne s’étonnera que 46.4% d’entre eux utilisent leur mobile pour écouter leur musique. Evidemment, installer des applications et naviguer sur Internet passent obligatoirement par le WiFi…qui est souvent celui du domicile, voilà qui est bien frustrant lorsque  l’on possède un engin mobile.

Le DZnaute est ainsi impatient de voir débarquer l’internet mobile à haut débit.